Kaitlyn et moi avions passé une soirée tranquille à la maison. Un bon repas et un film d’horreur, un de ceux que je n’avais pas eu l’occasion de voir pendant que j’étais enfermé. J’aimais bien en regarder de temps à autre, et mon amie m’avait rassurée en me disant que ça lui convenait. Un peu naïf, je l’avais crue. J’avais remarqué qu’elle semblait terrifiée par moments, mais je me disais que passer mon bras autour de son épaule avait pu aider au passage. L’heure venue, nous étions partis chacun de notre côté, chacun dans notre chambre. Fatigué de ma journée de travail, j’avais trouvé le sommeil plutôt rapidement. Je m’endormis, mais pas nécessairement d’un sommeil profond. Non pas que je ne voulais pas, mais parce que dans ma cellule, je ne dormais jamais profondément. Il y avait trop de bruit, trop de choses à surveiller que je n’y arrivais pas, et visiblement, je n’en avais jamais perdu l’habitude. Ce n’était pas nécessairement un avantage à mon avis, mais là, dans le cas présent, ce le fut. En effet, au moment où j’entendis la porte de ma chambre s’ouvrir et des bras non loin, je ne tardai pas à ouvrir l’oeil, sans trop sursauter comme je l’aurais probablement fait si j’avais dormi plus profondément que ça. Là, je ne fis que me tourner, reconnaître la silhouette et dire, d’une voix rauque:  « Kait’… ? », légèrement intrigué de savoir ce qu’elle faisait dans ma chambre.

Compte tenu des réactions de Kaitlyn pendant que nous regardions le film, j’aurais dû me douter qu’elle n’allait pas bien dormir par la suite, mais n’ayant jamais eu ce problème, encore moins après ce que j’avais pu vivre en prison, surtout au début, mais naïf comme je pouvais être parfois, je ne m’en doutai pas et je fus pris de court par ses propos. Pris de court parce que je me sentais mal, mal de lui avoir imposé de regarder ce film et par conséquent, l’empêcher de dormir. J’eus rapidement un air triste, alors que je lui dis:  « Viens… » Sur ces mots, je me décalai dans mon lit, tout d’abord pour ouvrir la petite lampe de chevet, puis aussi pour lui laisser de la place. Lui ouvrant les bras, l’invitant à venir s’installer avec moi dans le lit. je ne pensais pas que ce serait mon genre de lui demander ce genre de contact, d’être ouvert à ce genre de contact, mais il fallait croire que j’en avais besoin, et avec Kaitlyn, je ne me sentais pas gêné de lui en offrir, ou de lui en demander, dépendant de la situation. Ça me semblait normal, naturel avec elle, tout simplement.  « Je suis désolé, je n’aurais jamais dû te proposer de regarder ce film… » fut ce que je lui dis en guise d’excuses. je sentais que je me devais de lui en présenter, puisque c’était mon idée dans un premier temps. De plus, je ne me serais pas vu ne pas lui en faire, puisque je me sentais sincèrement mal de cette situation. Pas qu’elle soit dans ma chambre, mais qu’elle soit aussi terrifiée.

Kaitlyn ne se fit pas prier pour venir s’installer dans mes bras, bras que je refermai sur elle sitôt qu’elle était à ma hauteur et que je pouvais le faire. Je la serrai doucement contre moi, la gardant ainsi au moment où je m’excusai et qu’elle me fit savoir que ce n’était pas ma faute. Ce n’était pas suffisant pour que je me sente complètement à l’aise avec cette idée mais je décidai de ne pas argumenter. Gardant le silence, je réagis que lorsqu’elle vint à me remercier de partager mon lit avec elle. Souriant légèrement, je me permis de déposer un petit baiser sur sa tempe, la gardant toujours contre moi. Caressant doucement son bras au passage, d’une façon simple, un peu nonchalante, j’eus un petit rire à son commentaire suivant, et je lui répondis:  « Tu as le droit. » Moi je n’avais jamais pu faire une chose pareille. Enfant, adolescent, adulte. On m’avait toujours obligé à ne pas montrer ma peur de quelconque façon, donc j’avais toujours vécu ainsi. Mais ça ne voulait pas dire que Kaitlyn devait faire la même chose, et clairement, ce n’était pas moi qui allait la repousser.  « De toute façon, ça ne me gêne pas de t’avoir comme ça avec moi… » Je me mordillai la lèvre inférieure à ce dernier propos, ne voulant pas paraître déplacé, même si mes dires se voulaient sincères. Ce n’était plus tant un secret que j’appréciais sa présence et son contact, mais je ne voulais pas la gêner pour autant quand même.

Alors qu’on m’avait toujours appris à avoir honte de la peur, de ne jamais laisser paraître quelconque forme de vulnérabilité, je me rendais compte que dans le cas de mon amie, ce genre d’attitude me rendait un peu inconfortable. Voilà pourquoi je ne voulais pas qu’elle se sente gênée, pas avec moi en tout cas. Jamais je ne m’en étais rendu compte avant maintenant, avant d’habiter avec une personne qui était plus que précieuse à mes yeux, pour qui je ne voulais que du bien. C’était la première fois de ma vie que je pensais à une autre personne plutôt qu’à moi et ma propre survie. Ça me faisait drôle, mais ça me faisait sentir bien au passage. Et dans cet ordre d’idées, il me semblait un peu ridicule de la renvoyer dans sa chambre et probablement l’empêcher de dormir si elle était encore craintive ou si le fait de fermer les yeux ne la rassurait plus. Nul besoin de faire ces yeux de chiot triste, même s’ils étaient, évidemment, à craquer. Petit sourire aux lèvres, je lui répondis:  « Bien sûr. » Je n’eus pas envie de bouger tout de suite pour complètement m’allonger par contre. À la place, je laissai un petit moment de silence, pour finalement laisser mes pensées divaguer un peu, me surprenant à dire:  « Ça fait une éternité que je n’ai pas dormi avec quelqu’un… » Je l’avais dit à voix basse, surtout pour moi, même si je savais que Kaitlyn avait très bien pu l’entendre. J’avais eu des relations depuis elle, surtout des histoires d’une fois, et pendant cinq ans en prison, j’avais du mal à faire tenir ma propre personne dans ma couchette parfois. Est-ce que ma dernière nuit passée avec quelqu’un avait été elle ? Fort possible…

Le commentaire que j’avais passé n’était pas destiné à avoir de suite, pas pour moi en tout cas. Après, je ne comptais pas interrompre Kaitlyn dans l’éventualité où elle décidait de réagir, mais je ne m’attendis pas à ce qu’elle me passe un commentaire similaire. Je savais qu’elle avait eu sa vie, que sa vie avait été probablement pas mal plus droite que la mienne. Par conséquent, j’avais cru pendant longtemps que je n’étais qu’un souvenir oublié. Elle m’avait prouvé, avec ses visites, puis avec le fait qu’elle m’hébergeait, que ce n’était pas le cas. Je l’avais compris, mais il n’en demeurait pas moins que ça me touchait encore de l’entendre. Ce fut à un point que je ne sus pas vraiment comment réagir. J’aurais très bien pu ne rien dire, ne rien faire, ou simplement passer outre, souhaiter bonne nuit à Kaitlyn et la laisser s’endormir tandis que moi, je cherchais à retrouver le sommeil - même si je n’avais pas vraiment envie pour le moment. Ç’aurait probablement été la chose la plus normale et simple à faire. Mais ça ne me semblait, justement, pas normal. Puis, je ne sus pas ce qui me prit exactement, mais en m’efforçant d’être délicat, je passai mon index sous le menton de Kaitlyn, histoire qu’elle relève un peu son visage pour me regarder. Laissant libre-court à mes instincts et envie, je vins déposer mes lèvres sur les siennes, pour échanger un baiser que je ne voulais pas insistant mais seulement… réconfortant. J’avais envie de le voir comme ça. Est-ce que j’allais le regretter ? C’était possible, parce que je ne voulais pas gâcher ce que nous avions, mais en même temps, j’en avais tellement envie… Lorsque le baiser prit fin, je me pinçai les lèvres, me décalant de quelques centimètres de son visage pour regarder sa réaction, un peu nerveux.

Comment Kaitlyn allait-elle réagir ? Je ne savais pas et je devais avouer que ça me faisait peur. Peur parce que j’avais peur d’avoir fait une erreur, d’avoir provoqué un malaise et que ça viendrait affecter notre amitié. J’espérais que le tout ne devienne pas un silence, un silence que je serais obligé de briser avec des paroles confuses et des mots qui ne venaient pas. Au final, ça n’arriva pas. Au contraire, Kaitlyn revint à la charge, m’embrassant de plus belle, se permettant de réduire la distance entre nous deux à néant. Était-ce un bon signe ? Je supposais que oui. Elle vint me le confirmer par ses mots, mots qui, encore une fois, vinrent à m’étonner. Voilà un moment que nous habitions sous le même toit, pourquoi ne l’avais-je pas vu avant aujourd’hui ? Pourquoi ne m’en avait-elle pas parlé ? Je ne voulus pas vraiment me poser la question. Entre ce baiser que je lui avais donné, le sien, notre proximité, je n’étais pas certain que j’avais envie de rester comme ça, sans rien faire, sans rien dire. Mais les gestes venant plus facilement que les paroles pour moi, je décidai de m’y prendre ainsi. Laissant mes mains se poser sur sa taille, je fis en sorte de réduire encore plus la distance entre nous deux, d’abord pour un nouveau baiser, plus insistant, mais aussi plus court, avant de céder à la tentation de pencher ma tête sur le côté afin de déposer mes lèvres dans son cou, humant son parfum, me délectant du contact de sa peau contre mes lèvres, de sa proximité, proximité que je n’avais pas connu avec qui que ce soit depuis ce qui me semblait désormais être une éternité.

Évidemment que je n’avais pas réfléchi lorsqu’elle s’était posée sur moi et avait commencé de façon plus affirmée et plus passionnée. Je n’avais pas réfléchi parce que je réalisais que l’avoir ainsi, tout contre moi, c’était naturel, et ça me faisait un bien que je ne pouvais pas vraiment expliquer. Au fond de moi, peut-être qu’une partie de ma personne craignait que ça vienne provoquer un malaise, mais elle n’était pas assez forte pour m’arrêter. Ce qui me fit arrêter, ce fut Kaitlyn qui, elle prit le temps de me demander si j’étais sûr de moi. Inévitablement, la réflexion prit le dessus par la suite. Après tout, je n’avais pas nécessairement le choix d’y penser pour le coup. Pinçant mes lèvres, je fis mon possible pour soutenir mon regard, même si ce n’était pas facile. Non pas que j’avais honte, mais parce que je réfléchissais à toute vitesse pour lui donner la meilleure réponse qui soit. J’avais de la difficulté à rassembler mes mots, je ne savais pas quoi lui dire, la meilleure façon de m’exprimer. Un peu gêné, je soupirai discrètement - ce qui n’était pas si discret au vu de notre proximité - et finalement je lui dis:  « Oui, Kait’… » Je m’en étais tenu à la réponse la plus simple qui soit. Simple parce que finalement je n’avais pas besoin de faire compliqué. Mais après, peut-être qu’elle, elle était hésitante, donc je m’osai à lui demander:  « Et toi, tu es sûre ? » Je me sentis mal un peu rapidement. Après tout, j’avais initié le premier baiser, peut-être était-ce moi qui me montrait un peu trop insistant ? Je ne voulais pas faire ça non plus, d’où le fait que j’étais nerveux, comme j’étais nerveux de savoir sa réponse.

Je n’avais pas douté concernant Kaitlyn lorsqu’elle m’avait posé la question. J’avais hésité puisque je refusais de lui donner une réponse qui la sentirait obligée de dire ou faire quelque chose dont elle n’avait pas envie et qu’elle pourrait potentiellement regretter. Moi, je ne doutais pas, je ne doutais pas de la proximité que je voulais vivre avec elle, parce que je ne voulais pas la vivre avec personne d’autre. J’espérais juste qu’elle ne l’ait pas mal pris, mais lorsque je lui retournai la question, au vu de son petit sourire - que je trouvais adorable - et de la façon dont elle me répondit. J’aurais voulu lui sourire en retour, rassuré, heureux, mais je ne pus le faire, soudainement trop occupé à lui rendre son baiser. Je n’allais clairement pas m’en plaindre. Au contraire, c’était probablement la meilleure façon d’exprimer ce que je ressentais à cet instant précis. Frissonnant au contact de ses mains sur ma peau désormais à découvert, je séparai notre contact le temps de lever les bras, histoire d’aider ma douce amie à me retirer mon t-shirt, nullement gêné de me retrouver ainsi devant elle. Après tout, nous habitions ensemble, nous nous étions retrouvés dans cette situation précédemment, même si cela faisait très longtemps. Et pour tout dire, je ne voulais pas me retrouver avec qui que ce soit qu’elle en ce moment. Lorsque mon t-shirt fut mis de côté, j’entourai Kaitlyn de mon bras, la soulevant légèrement pour la reposer, allongée sur mon lit. Je me positionnai au-dessus d’elle, n’attendant pas plus longtemps pour me pencher et venir déposer de lents baisers dans son cou tandis que ma main s’aventurait sur sa hanche.

Évidemment que j’avais envie de Kaitlyn. Dans ma tête, la question ne se posait plus. Nous habitions ensemble depuis un moment maintenant et pourtant, jamais je ne lui avais fait d’avances comme ça. Limite on aurait pu croire que je faisais ça que pour profiter de la situation, mais ce n’était pas le cas. En fait, je ne saurais pas vraiment comment l’expliquer. Je ne voulais pas la forcer, et je me disais que mes envies et mes besoins passaient après notre amitié qui m’était si précieuse. En effet, je refusais de gâcher le lien que nous avions, elle et moi. J’appréciais Kaitlyn plus que j’appréciais qui que ce soit, que j’avais apprécié qui que ce soit dans ma vie. Ce que nous vivions ensemble me convenait, mais la situation dans laquelle nous étions présentement, elle aussi, elle me convenait, surtout que j’avais le coeur net comme quoi c’était ce qu’elle voulait, d’abord parce que je lui avais demandé et elle m’avait répondu par la positive, et maintenant, c’était encore plus clair au vu de son aveu, aveu qui fit en sorte que mon coeur manqua un temps de l’entendre ainsi. Tout ce que j’espérais, c’était que je saurais la combler, assouvir ses envies comme elle le souhaitait et surtout, comme elle méritait que je le fasse. Ce n’était probablement pas un secret pour elle; je n’avais pas eu vraiment de contact humain ces cinq dernières années, sauf venant d’elle, pendant ses visites, quand nous pouvions nous permettre de se prendre la main. Rien de plus, parce que ce n’était pas permis, parce que je ne l’aurais pas forcée à plus non plus. Mais tout était différent à cet instant, et je n’avais plus envie de réfléchir. De toute façon, je me doutais bien que je ne parviendrais pas à résister davantage. Pas alors que je posais des baisers dans son cou et que je sentais ses doigts glisser dans mes cheveux. Jamais je n’avais pensé que je serais du genre à aimer une telle marque d’affection et pourtant, venant d’elle, ça me semblait être la chose la plus naturelle qui soit. Par conséquent, je ne sus faire autrement que de continuer pendant un moment, laissant mes lèvres descendre un peu plus bas, à la naissance du haut qu’elle portait. Inévitablement, ma main commença à remonter pour lui retirer à son tour, sans oser le faire, parce que je ne voulais pas la brusquer, je ne voulais pas être celui qui profitait de la situation, ou donner l’apparence que c’était ce que je faisais. Après, j’étais aussi conscient que ce serait bien difficile de résister longtemps, au vu du désir qui était en train de se manifester et qu’elle pouvait certainement sentir, au vu de notre proximité, mais jamais je ne serais capable de lui manquer de respect ou la brusquer, en aucune circonstance, et celle-ci ne faisait pas exception à la règle.