Je ne pensais clairement pas décrocher un emploi aussi rapidement. Je savais que j’avais fait les efforts pour, envoyant le maigre CV que j’avais concocté avec l’aide de Kaitlyn à quelques endroits où je pensais que je pourrais faire le travail demandé. Mais au vu de mon dossier et de mes compétences bien souvent très impertinentes, je ne m’attendais pas à recevoir d’appels. Et pourtant, une personne m’avait rappelée. Le propriétaire d’une boutique de fleurs. J’avais eu un entretien, puis j’avais décroché l’emploi. Pourquoi moi ? Je ne saurais pas le dire. Mais je n’allais clairement pas m’en plaindre et j’allais faire mon possible pour faire un bon boulot, garder ce travail et essayer de vraiment me rattraper. Ce matin, c’était mon premier jour. Je m’étais levé tôt, refusant d’arriver en retard. Heureusement d’ailleurs, puisque trouver quoi porter pour y aller avait été compliqué. Je ne possédais pas tellement de vêtements pour le moment, alors je n’avais pas un choix très varié. Finalement, j’avais opté pour un jean foncé et un t-shirt uni. Je ne pensais pas vraiment qu’une chemise était appropriée pour travailler dans les fleurs, d’autant plus que de ce que j’avais compris, je n’aurais pas à faire avec les clients. Enfin, je supposais que c’était mieux comme ça, compte tenu que je n’y connaissais rien. Voilà aussi une des raisons de mon étonnement. Une fois que je fus prêt, je montai dans la voiture usagée que j’avais su trouver, et je me rendis à la boutique. J’étais arrivé un peu d’avance, et la porte du commerce semblait fermée. Ne m’en faisant pas trop pour le moment, je décidai d’attendre non loin, mains dans les poches, supposant, et espérant, que mon nouvel employeur arriverait sous peu.

Ce n'est pas mon réveil qui me tire de mon sommeil, mais la sensation de froid qui se trouve à mes côtés. Quand j'ouvre les yeux je met un moment à me souvenir d'où je suis. Puis je me souviens, je n'ai pas dormit chez moi ce jour là, mais dans une chambre d'hôtel, celle où j'ai retrouvé Oksana la veille. Ce qu'elle m'a annoncé hier me revient à l'esprit, elle est enceinte. Je suis secoué, vraiment secoué. Mais il faut que je me reprenne. Je dois allez à la boutique, un nouvel employé doit commencer. Et il faut aussi que je passe à la maison récupérer deux trois trucs. J'y vais donc rapidement, en profite pour me changer et manger un truc rapide puis je file à la boutique. Je suis légèrement en retard sur l'horaire que j'avais donné à la nouvelle recrue. J'arrive en trottinant et le remarque sur le trottoir « Bonjour Connor, désolé j'ai eu quelques contre temps. » J'ouvre la porte de la boutique et la referme derrière nous. Je l'ai invité à venir plus tôt pour lui montrer ce que j'attendait de lui. « Tu n'as pas attendu trop longtemps j'espère ? » Tout en parlant j'allume les lumières et ouvre la porte qui donne sur l'arrière boutique. Je m'y engouffre faisant signe à Connor de me suivre. Je vais devoir lui expliquer les basses du travail. Mais ça tombe pas sur le bon jour, je dois bien l'avouer. Ce que j'ai appris hier me trotte encore dans la tête. Heureusement pour moi, j'ai déjà tout préparé plus tôt. « Du coup c'est essentiellement ici que tu travailleras, sur la préparation des bouquets et la réception des livraisons. La plupart des temps je serais dans la boutiques mais je viendrais te donner un coup de main pendant les moments de creux. »

Ezekiel finit par arriver quelques minutes plus tard, s’excusant de son retard. Ne me voyant clairement pas le lui reprocher et sachant très bien que je n’avais pas attendu bien longtemps, même si ça m’avait paru plus long, le stress prenant le dessus, je ne dis rien, ne voyant pas de drame à faire avec ça. Je pris la parole que lorsque mon nouveau patron me demanda si j’avais attendu très longtemps, ce à quoi je répondis, sans trop hésiter:  « Non, pas du tout. » Je ne mentais pas. Mais même si c’était vrai, même si j’avais attendu une demi-heure ou quelque chose dans le genre, je ne pensais pas que je lui aurais dit. Je me disais que ç’aurait été un très mauvais début pour une première journée. Était-ce parce que je tenais absolument à plaire ? C’était fort possible aussi. Mais je tentais de ne pas trop y penser, histoire de ne pas me sentir un peu trop pathétique. Laissant Ezekiel ouvrir la porte, je le suivis comme il me le demanda silencieusement. Lorsqu’il prit la parole, j’accusai réception de l’information. Tout me semblait clair, et pourtant, une incertitude fit en sorte que je demandai:  « Donc je n’ai pas à… conseiller… les clients ? » Mes propos étaient hésitants et incertains, parce que je n’aimais pas poser la question. Ça me donnait l’impression d’être capricieux par rapport à mon travail et je ne pouvais pas me permettre de l’être. Cherchant à me ressaisir, j’ajoutai:  « Je ne crois pas que j’ai beaucoup de talents pour assortir le tout… » Je terminai mes propos avec un petit rire nerveux, et ce fut à ce moment que je compris que je ferais mieux de me taire. Je l’avais dit dans mon entretien que je n’avais aucune expérience et probablement aucun talent pour faire ça. Pourquoi avais-je ressenti le besoin de le rappeler ? Je ne savais pas. C’était ridicule de ma part, et j’avais l’impression que je ne commençais pas sur le meilleur pied qui soit. J’espérais juste qu’Ezekiel ne pensait pas ça de son côté.

Je ne sais pas vraiment s'il me ment ou non quand il m'affirme ne pas avoir attendu longtemps. Je ne pense pas qu'il me le dirais si je l'avais vraiment fait attendre. Mais je n'insiste pas. J'imagine bien que je le mettrais dans une position délicate. Je le fis entrer et lui présentais ce qu'il allait avoir à faire. Sa question m'arracha un petit sourire, je voyais bien que l'idée même d'avoir affaire à des clients ne le rassurait pas du tout. Je hochais la tête « Exactement, cette partie je la gère avec Kaelyn qui travaille également ici en tant que caissière. Mais tu la verras peu, elle reprend ses études et travaille donc moins » C'était dommage, je l'appréciais beaucoup et elle faisait du bon boulot. Mais je comprenais sa décision. Je l'emmenais dans l'arrière boutique et là encore lui fit une petite présentation de ce qu'il allait faire. Il me déclara alors qu'il craignait de ne pas avoir de talent pour assortir les fleurs. Je souris doucement et attrapait un énorme classeur violet sur une étagère « Et bien j'ai un truc qui peut aider » J'ouvrais le classeur et lui montrait « Tous les bouquets que je vend ici sont répertorié ici avec leur composition exacte et même des photos pour la mise en place. » Je posais le classeur près de lui et allait ouvrir la porte de la petite cour arrière. Je caressais alors le chat qui s'invita comme toujours dans la boutique « Je te présente ton dernier collègue. C'est un chat errant qui a décidé de venir squatter la boutique. Il passe la plus part du temps à dormir ici dans l'arrière boutique. »

Le fait de ne pas devoir gérer les clients était une énorme source de soulagement. Je savais bien que j’avais dit lors de mon entretien que je ne saurais probablement pas le faire, et dans l’ensemble, je sentais que ç’avait été plutôt bien compris, mais il n’en demeurait pas moins que j’avais eu cette petite crainte qu’on me dise finalement que je devais de leur parler, de les conseiller, en supposant que je parlais ainsi parce que je n’avais pas une bonne estime de ma personne et on voulait m’encourager à faire quelque chose de nouveau. Après, si jamais les choses se passaient bien ici, je ne disais pas que j’allais me montrer fermé éternellement, mais ça restait à voir. C’était la première fois que j’avais un emploi qui avait le potentiel d’être stable, je voulais faire les choses correctement. Voilà pourquoi je craignais aussi de devoir être tenu « d’exploiter ma créativité » pour faire des bouquets. Ma question découla de cette crainte, et elle fut rapidement répondue, effacée, lorsque Ezekiel me montra le classeur avec tous les assortiments. Terminant d’être rassuré, je me permis de lâcher un petit  « Parfait… » Curieux, j’aurais voulu regarder le classeur, histoire de voir si c’était du étape par étape, ou bien si c’était une seule photo et je devais partir de celle-ci. Mais je n’en eus pas le temps, puisqu’une personne, ou plutôt un animal, vint nous interrompre. Je remarquai bien rapidement à quel point j’étais rassuré en me permettant de sourire doucement, et ce, sans me forcer. Plus encore, je lui demandai:  « Il a un nom ? » Après tout, si je devais cohabiter avec celui-ci sur le lieu de travail, aussi bien que je le demande, non ? Après, j’étais persuadé que je ne l’aurais pas fait si je ne m’étais pas senti plus à l’aise, mais je ne pouvais pas prendre ça pour autre chose qu’un bon signe pour la suite.

J'aimais que les choses soient organisé, j'avais donc préparé avec soin ce classeur résumant chaque bouquet qu'on pouvais proposer dans la boutique. Je savais bien que ce n'était pas forcément l'idéal pour la créativité mais ça ne sembla pas déranger Connor, qui semblait même soulagé. En même temps j'avais bien compris pendant son entretient qu'il cherchait surtout un boulot et que ce n'était pas forcément être fleuriste qui l'intéressait. J'avais décidé de lui laisser sa chance, je trouvais ça important. Même si mon père aurait surement dit l'inverse, je suivais ce que mon grand père m'avait enseigné lui. Et puis je me dit aussi que dans le sens inverse j'aimerais bien qu'on me donne ma chance à moi aussi. J'ouvrais alors la porte arrière, laissant entrer le squatteur, un chat qui venait maintenant tout les jours. Je commençais à m'attacher a cette bestiolle. Je caresse donc l'animal avant de répondre « Non je ne lui ai pas encore vraiment donné de nom, en général je l'appelle squatteur, mais faudrait que j'y pense, je crois que je vais finir par le ramener chez moi » J'avais toujours le cœur lourd de le laisser dehors quand je partais le soir. Je laisse le chat s'installer dans son coin puis regardait de nouveau Connor « Bon je crois que j'ai montré l'essentiel, est ce que tu as des questions ? »

Je n’avais jamais eu d’animal de compagnie. Lorsque j’étais enfant, c’était hors de question. En famille d’accueil, je me rappelais qu’une fois, il y avait un chien dans une de ces familles, mais il n’était pas à moi. On me l’avait fait comprendre bien rapidement lorsque j’étais arrivé. Même le chien me l’avait fait comprendre, grognant, aboyant sur moi même lorsque j’étais trop près de lui, ou bien à un endroit où il ne voulait pas que je sois, ou juste dans la maison, à croire que ma simple existence lui déplaisait. En fait, elle déplaisait à beaucoup de gens. Rares étaient ceux qui avaient su m’apprécier, m’accepter pour qui j’étais, malgré tous les défauts que je pouvais avoir. Heureusement que je pouvais en compter un peu, et compter sur certaines personnes qui acceptaient de me donner une chance, comme Ezekiel en ce moment. Quoi qu’il en soit, j’étais encore moins expert en animaux de compagnie que je l’étais en agencement de fleurs, je croyais bien. Donc je ne sus pas vraiment la bonne réaction à avoir quand il me dit que le chat n’avait pas de nom précis. J’avais surtout posé la question pour entretenir la discussion et paraître un minimum intéressé. Je n’allai donc pas plus loin sur le sujet, acquiesçant à la réponse de mon nouveau patron, réfléchissant ensuite à si j’avais d’autres questions sur le travail que j’avais à faire. Enfin, je me disais que le chat n’était plus vraiment un sujet de discussion pertinent pour le coup. Haussant les épaules, je me résignai à dire:  « Non, pour le moment, ça va. » en tentant d’ajouter un petit sourire en coin, prêt à continuer, selon ce qu’Ezekiel voulait faire par la suite.

Je caresse doucement le petit squatteur en lui expliquant qu'il n'a pas encore de nom. Je sais bien que ça ne dureras pas, si ça continue je vais le ramener chez moi, il faudra juste espérer qu'il s'habitue à me maison, puisqu'il s'agit d'une péniche. Mais je n'en doute pas. En attendant je regarde mon nouvel employé. Je vois bien qu'il n'est pas forcément des plus à l'aise, d'ailleurs je sais bien que ce n'était pas le meilleur employé, sans aucun doute. Il n'as pas d'expérience dans ce domaine, mais j'avais envie de lui donner une chance. Alors en attendant je lui demande s'il a des questions, je préfère vraiment qu'il me demande ce qu'il n'as pas compris maintenant, histoire de gagner du temps, pour le moment il n'y a pas de client alors j'ai vraiment tout mon temps. Mais il me dit qu'il n'en as pas. Je me contente de hocher la tête avant de reprendre la boule de poil dans mes bras. Je réfléchis un peu, mais sur le coup je ne vois pas quoi lui dire de plus. Alors que je repose l'animal je propose « Un petit café ? » En attendant sa réponse, j'allume la machine, même si lui n'en veut pas, moi j'en ai bien besoin. J'ai mal dormit cette nuit et je pense que tout ça ne vas pas s'arranger, vu ce qu'Oksana m'a appris.