J’avais finalement décidé de recommencer à travailler, ou plutôt, me trouver un emploi approprié au vu de ma qualification et au vu de ma situation actuelle. Ça n’avait pas été bien difficile. Quelques passages de routine à l’hôpital avaient été suffisants pour me faire comprendre qu’un médecin de plus, qu’importe le département, ne serait pas de trop. J’avais pris la décision de remettre ma candidature, un entretien plus tard et j’étais embauché comme pédiatre à l’hôpital. Évidemment que j’étais satisfait, et soulagé parce que j’allais travailler dans un endroit que je commençais à connaître. Par contre, je ne savais pas comment les choses allaient se passer. J’avais soigné des enfants pendant huit ans avec Médecins Sans Frontières, mais dans un hôpital avec toute la technologie possible et imaginable ? Ça faisait ce qui me semblait être une éternité, très certainement qu’il me faudrait rattraper bien des choses. Bref, ce serait un défi, mais un défi que j’étais prêt à relever. Je ne pouvais pas rester sans travailler tout le temps. Je savais que j’avais ce qui pouvait être considéré comme une bonne excuse, mais je ne me voyais pas rester inactif dans l’appartement de ma cousine éternellement. Pour mon bien-être, et pour le sien aussi. En effet, je voulais aussi faire ma part, contribuer, et même si je pouvais me fier à mes économies, ce n’était pas suffisant, pas pour moi. Aujourd’hui, c’était le premier jour où j’allais être autonome. On m’avait assigné des patients pour le jour, j’avais visité l’étage de pédiatrie, maintenant, il fallait que je me débrouille. Je m’étais levé tôt, très tôt. Non seulement pour m’assurer d’arriver à temps, mais aussi pour me laisser du temps pour trouver mon bureau, regarder les dossiers, poser des questions si j’en ressentais le besoin. Refusant de réveiller Addison, je me préparai et je montai dans un taxi, à défaut d’avoir le feu vert de mon médecin pour conduire et le manque de voiture adaptée à mes besoins. Une fois à l’hôpital, je fis un bref arrêt à la cantine pour prendre un café et un croissant pour mon petit-déjeuner. Puis, je me rendis dans le département, et je trouvai mon bureau, que j’ouvris. Contrairement aux autres bureaux, je laissai la porte du mien ouvert, le temps de m’installer, et ne voyant pas l’intérêt de m’enfermer seul, surtout pas pour ma première journée.

Embrassant une dernière fois mon fils, je le laisse à regrets à l'assistante maternelle. Je n'aime pas laisser mon fils, j'ai mis pas mal de temps pour reprendre le travail a cause de ça. Je ne voulais pas louper un truc avec lui. Mais je n'avais pas eu le choix à l'époque et encore moins maintenant. Puisque je suis seule et que par conséquent il n'y a que moi pour faire bouillir la marmite comme on dit. La séparation est aussi douloureuse pour mon fils que pour moi et c'est les larmes aux yeux que je rejoins l'hopital non loin de là. J'ai de la chance pour ça, mon boulot m'offre un moyen de garde pour la plupart de mes heures, ce qui pose problème ce sont les heures de nuits et de soirée, mais pour le moment je m'arrange. J'ai de la chance je ne croise personne dans l’ascenseur et ça me donne le temps d'arranger le maquillage que je viens de ruiner en laissant mon petit bonhomme. Une fois à mon étage je vais à la rencontre de mon chef de service qui me donne la mission du jour. Accueillir le petit nouveau du service. C'est assez ironique sachant que moi aussi je suis plus ou moins la petite nouvelle. Mais il est vrai que je suis plutôt de retour, alors je connais déjà très bien le fonctionnement de tout ça. Faire découvrir nos habitudes et notre organisation à mon collègue ne me pose pas de problème. Je vais avant tout faire un tour dans l'étage inférieur, prenant des nouvelles des petits patients que j'ai opéré ces derniers temps. Puis je me pose pour prendre un café et enfin je vais rendre visite à ce fameux Rhett. Son bureau est ouvert, malgré tout je toque pour m'annoncer et entre en souriant « Bonjour Rhett, je suis Ondine Halloway, on nous as mit en binôme pour que tu prenne tes marques »

Il ne fallut que quelques minutes pour qu’une personne entre dans mon bureau. Selon ses dires, il s’agissait de la personne avec qui j’allais travailler, ou plutôt, celle qui allait m’orienter. Par politesse, je me levai et je lui tendis la main. Je ne me présentai pas, puisque visiblement, elle connaissait déjà mon nom. Je me contentai donc de lui dire:  « Enchanté. » avec un sourire poli. Décidément, je ne pouvais pas me plaindre de l’accueil que j’avais pour le moment. La personne qui se trouvait devant moi me semblait bien sympathique, et elle était venue à ma rencontre bien rapidement, faisant en sorte que je ne serais pas trop laissé par moi-même pendant bien longtemps. Ça me rassurait pour tout dire, au vu d’où j’arrivais. Était-elle au courant en fait ? De mon parcours ? Je ne savais pas et je trouvai que c’était un peu égoïste, voire un brin narcissique de ma part de poser la question. À la place, je décidai de demander:  « Vous êtes chirurgienne, c’est bien ça ? » Rapidement, on m’avait dit à qui j’aurais affaire pendant mon premier jour, sans me fournir trop de précisions sur le sujet. Je n’en avais pas voulu à personne, mais je préférais confirmer, m’informer un peu sur la personne qui allait me guider pendant la journée. Et aussi, peut-être au passage me faire une idée d’à quel point nous serions appelés à travailler ensemble à partir de maintenant.

Il avait l'air sympa et ça me rassurait. En France j'étais plusieurs fois tombé sur de vieux cons aigrit dont on se demandait bien souvent pourquoi ils faisaient encore ce boulot. Alors le sourire de ce type me fait du bien. Je sais qu'avec lui je vais m'entendre et pour le moment c'est tout ce dont j'ai besoin de savoir. Il me demande alors si je suis bien chirurgienne. « Oui c'est bien ça, même s'il m'arrive aussi de faire des consultations quand il y a besoin. » C'était plutôt tranquille comme hôpital donc ça arrivait souvent. Tout comme il m'arrivait par moment d'allez aider aux urgences quand il y avait une arrivée massive « En fait ici, on s'adapte » C'était un peu le mot d'ordre mais je pense que c'était le cas dans pas mal de petits hôpitaux. J'aimais bien cette ambiance, ça me manquait pas mal en France, où chacun devait bien rester à sa place. C'était vraiment fatiguant. Je le regarde avant de lui confier « Ils ont mit les petits nouveaux ensemble. Je suis ici depuis quelques mois. Enfin je reviens en réalité. J'ai bossé ici après mes études puis je suis partie en France. Mais ici on est vraiment bien tu verras l'équipe est cool » Je ne disais pas vraiment ça car j'avais une de mes meilleures amies parmi mes collègues. Il y avait vraiment une bonne relation entre tout le monde ici « Je te fais le tour de la maison ? » En même temps ça me permettrais de voir mes petits patients, ce qui me faisait toujours plaisir.  

Est-ce que c’était normal pour le coup, que les chirurgiens fassent le travail des médecins par moments ? Je ne savais pas et je n’osai pas poser la question pour tout dire. Parce que je ne voulais pas paraître ridicule, parce que je me doutais que ce n’était pas l’essentiel. J’étais surtout là pour apprendre les bases de mon métier, ou plutôt, de comment je devais le pratiquer en milieu hospitalier, ce que je n’avais pas fait autrement qu’à titre de résident. Au final, je me congratulai limite de ne pas avoir posé la question, puisque rapidement, Ondine vint à ajouter qu’on s’habituait à la situation. Je supposais que j’allais faire la même chose, j’estimais avoir une bonne capacité d’adaptation, voire d’improvisation. Mon plus gros défi était surtout que ce milieu était complètement nouveau pour moi. Par conséquent, j’avais encore beaucoup à apprendre, sans parler du fait que je devais apprendre sur moi-même aussi. En effet, travailler avec cette prothèse serait bien différent, on m’avait prévenu, et je m’y en attendais déjà. Mais déjà, être jumelé avec une personne du département était rassurant, et ça le devint encore plus lorsqu’Ondine me dit qu’elle aussi, elle était relativement nouvelle, sans parler du fait qu’elle arrivait d’un autre pays. Bon, elle ne devait pas être dans la même situation que moi, mais j’appréciais le point en commun. Souriant doucement, je lui dis:  « C’est bien. » J’avais songé à lui dire que moi aussi, j’arrivais d’ailleurs, mais je passai outre pour le moment, ne voulant pas trop la retarder dans sa journée non plus. Pour cette même raison, lorsqu’elle me proposa d’aller faire le tour, j’acquiesçai et je dis:  « Allons-y. » en espérant juste ne pas trop marcher non plus. Pas par paresse, mais parce que j’ignorais encore à quel point ma jambe allait tenir le coup. C’était encore à voir, mais si je n’essayais pas, je ne le saurais jamais.

Je me contentais de hocher la tête à sa réponse, ne sachant pas vraiment quoi ajouter. Puis je me dirigeais vers la porte quand il accepta de me suivre pour la visite. J'avais vite repris mes marques ici alors je lui fit découvrir notre service. M'arrêtant pour le présenter à chaque collègue que l'on croisait, il n'y avait pas encore énormément de monde mais les gens arrivaient petit à petit. Puis nous descendîmes d'un étage pour rejoindre celui où se trouvait les patients « Ici nous sommes dans le couloirs des enfants qui restent assez longtemps » Ce qui indiquait malheureusement que se trouvait les enfants atteint de maladie grave ou ayant eu de graves accidents qui nécessitait de long soin. Je lui montrais également le bureau des infirmières puis celui où les médecins mettaient toutes les informations. Je m'y arretais d'ailleurs « Voilà le lieu le plus important je pense, c'est ici que tu trouveras toute les transmissions sur les enfants qui sont ici. » Je lui indiquait le tableau avec le nom de chaque enfant. Je le laisse lire un peu, vérifiant moi même que rien de nouveau ne soit apparu depuis mon dernier service. Puis je laisse ma curiosité parler « En fait tu travaillais où avant ? Enfin si tu veux répondre, je ne te force pas » Mais j'aime savoir avec qui je travaille et puis ce n'est pas non plus une question très intime selon moi.

Après avoir quitté mon bureau, nous traversâmes dans un premier couloir, à un rythme qui, pour le moment, me convenait. Je ne savais pas combien de temps je serais capable de le tenir, mais je ne voulais pas m’en inquiéter dans l’immédiat. Hochant la tête aux propos d’Ondine, je fis une supposition basée sur les maigres souvenirs que j’avais des moments où je devais être dans le milieu hospitalier, pour les internats, résidences et tout ce qui venait avec. Je n’avais jamais perdu mes capacités à pratiquer mon métier, mais certains détails de fonctionnement m’échappaient. Je savais d’emblée que ce serait le cas, mais je ne savais pas si je me sentais de le demander tout de suite. Finalement, je n’eus pas à me poser la question longtemps, non pas qu’elle y avait répondu, mais bien parce que je me retrouvai confronté à une nouvelle question. J’eus un petit rire nerveux. Rien de bien évident mais présent quand même. Retrouvant mon sérieux, je secouai la tête pour lui montrer que ce n’était pas indiscret. J’étais fier de mon travail, je ne voulais pas nécessairement le garder secret. Je ne le dis pas toutefois directement. Pour commencer, je dis:  « Je n’avais pas de lieu de travail bien précis. » Je marquai une pause, puis j’ajoutai:  « Après ma résidence j’ai passé huit ans à travailler pour Médecins Sans Frontières. » Et en conclusion, je m’étais promené dans des pays en voie de développement, particulièrement en Afrique, pour venir en aide aux populations qui en avaient besoin. Terminant mon propos avec un petit sourire timide, je regardai de nouveau le couloir où nous étions, et me disant que maintenant, ma question devenait un peu plus légitime, je demandai:  « Je suppose qu’on m’assignera des patients à suivre… ? » Selon mon souvenir, c’était ainsi que les choses fonctionnaient. Je ne savais pas si c’était encore le cas pour le coup, mais j’allais bien le découvrir. Si ce n’était pas Ondine qui me le disait, je le saurais d’une façon ou d’une autre, je l’espérais.

Je suis peut être trop curieuse, mais ce n'est pas de ma faute, je suis comme ça. J'aime bien savoir avec qui je vais travailler. Mais je laisse une porte de sortie à mon nouveau collège. S'il ne veut pas répondre, il peut ne pas le faire. Mais ce n'est pas le cas. Il répond à ma question. Même si au début sa réponse me laisse perplexe. Je ne comprend pas tout à fait ce qu'il veut entendre par là. Mais heureusement pour moi, il éclaircit ma lanterne. M'apprenant qu'il a travaillé pour médecin sans frontière. Je souris « Oh, ça doit être une belle expérience. Je me doute que ce n'est pas simple tout les jours, mais c'est vraiment une chose superbe » Je n'avais jamais envisagée de travailler pour eux. Une fois sortie de médecine, j'avais déjà une vie bien tracée, avec mon mari et mon fils peu après. Je n'aurais jamais pu concilier ma vie avec un boulot comme celui là. « J'aimerais beaucoup que tu m'en dises plus un de ces jours ! » On aurait tout nitre temps pour ça, après tout on allait être collègue pour un temps assez long, on aurait tout notre temps pour ça. En attendant il me posa une autre question et je hochais la tête « Exactement, tu prendra en charge les nouveaux arrivants. Nous ne sommes pas débordé de dossier mais ... je te donnerais peut être certain des miens aussi. » Je savais que ce n'était pas le mieux à faire pour moi, mais j'avais encore du mal avec les plus jeunes. Alors je repris « Deux dossiers, des petits garçons » Je le regarde un moment, hésitante. Je sais que tout le monde sait dans le service et qu'on lui dira surement. Alors autant que je le fasse non ? C'est ce que je me décide à faire « En fait, il y a peu j'ai perdu un bébé, un garçon j'en étais à sept mois de grossesse. Un accident de voiture. J'ai un peu de mal avec les plus jeunes enfant. »