J’avais finalement obtenu mon congé de l’hôpital. Finalement puisqu’il se préparait depuis un bon moment maintenant, depuis que les médecins avaient réalisé que j’étais capable de me débrouiller un minimum. Puis, ils avaient émis leurs conditions; je devais avoir une adresse où vivre et je ne pouvais pas habiter seul, pas pour quelques semaines du moins. Si pour certains, ce n’était pas un problème, moi, ç’avait nécessité une conversation avec la première personne que j’avais pensé, ma cousine. Pas que je voulais absolument qu’elle m’héberge, mais si elle pouvait me pointer une personne pouvant m’accueillir, ce serait parfait. Finalement, elle s’était désignée. Encore mieux, elle s’était proposée pour passer me prendre à l’hôpital si je sortais aujourd’hui. Évidemment, j’avais fait mon possible que ce soit le cas, transmettant l’information comme quoi j’avais trouvé quelqu’un pour m’héberger pour un temps. Et ce matin, j’avais eu mes derniers examens avant qu’on me confirme que j’obtenais mon congé, à condition de revenir, évidemment, pour des examens réguliers et des séances de rééducation. Je m’y en attendais, mais le fait que je puisse me trouver dans un véritable domicile, et non pas dans cette chambre d’hôpital que je ne pouvais juste plus regarder. Finissant d’écouter les recommandations du médecin, je ramassai mes affaires. Lentement, comme je pouvais, ne pouvant pas nécessairement le faire de façon bien efficace, obligé de prendre appui un peu partout dans la chambre pour me déplacer. Une fois prêt, je pris le téléphone de la chambre pour appeler Addison, m’en tenant à une courte discussion, lui disant juste qu’elle pouvait venir me chercher, si ça tenait toujours, puisqu’elle avait eu beau se proposer la veille, il était possible qu’elle ait eu un imprévu. Cela ne sembla pas être le cas, je la prévins donc que j’allais l'attendre à l’extérieur. Nul besoin qu’elle vienne jusqu’à l’étage. Une béquille sous un bras, mon sac sur l’épaule opposée, je sortis de la chambre, et je me rendis à l’accueil pour signer les derniers papiers. Chose faite, je sortis à l’extérieur, soulagé que le temps était bon, et surtout, qu’un banc était disponible bien en vue pour que je puisse attendre ma cousine, un peu nerveux de me retrouver dans un monde qui ne me ressemblait plus, mais aussi impatient de retrouver la seule personne que je considérais vraiment comme ma famille.

Assis sur le banc, je commençai à regarder les voitures qui passaient parce que je ne voulais pas rater celle de ma cousine, réalisant que je n’avais pas songé à lui demander à quoi son véhicule ressemblait, à quoi m’attendre, ce genre de chose. Je me trouvai même à paniquer pendant un bref instant. Ce n’était pas dramatique, mais je n’avais pas non plus que mes retrouvailles avec Addison se résument à l’attendre sur ce banc tandis qu’elle, elle m’attendais je ne sais où dans le parking parce qu’elle ne pouvait pas me contacter de quelconque façon pendant que j’étais ainsi, à l’extérieur. Inutile de le mentionner; une des premières choses que j’allais faire, c’était me procurer un téléphone. Je ne savais pas comment, j’étais loin de m’y connaitre. J’avais déjà eu un portable avant aujourd’hui, mais il y avait bien longtemps, et je me doutais bien que la technologie avait évolué. Clairement, j’allais m’y perdre. Finalement, un coup de klaxon me sortit de mes pensées, une voiture s’étant arrêtée devant moi. Est-ce que ça pouvait être elle ? Avant que je puisse me lever, je la vis sortir du véhicule. Voilà une éternité que je ne l’avais pas vue, je pourrais pourtant la reconnaitre entre mille. Un large sourire se forma sur mon visage alors que je lui dis:  « Salut toi ! ». Je me levai finalement, attrapai ma béquille, puis mon sac, et je commençai à m’approcher, lui répondant:  « Ça va, et toi ? Je suis surtout content de te revoir. » C’était vrai, elle m’avait manquée. Évidemment que j’étais content d’être sorti d’ici, mais je ne pensais pas que j’aurais eu le même enthousiasme si je m’étais retrouvé seul à ma sortie. J’avais de la chance qu’elle ait accepté de m’aider et de m’héberger. Appréciant le fait qu’elle avait pris la peine de faire le tour du véhicule pour me donner un coup de main, je ne vis toutefois pas comment elle pourrait m’aider. Du coup, je lui dis:  « Ça devrait aller… Je crois. » Je n’étais pas monté dans une voiture depuis ma chirurgie. Je ne savais pas trop comment m’y prendre, mais j’avais envie de croire que ce serait à peu près similaire à grimper dans mon lit d’hôpital. Enfin, ce qui était mon lit pendant mon séjour. Posant mon sac, puis ma béquille, je posai mes mains où je pouvais sur la portière et le véhicule. Dans un effort qui m’arracha un petit grognement, je parvins à m’asseoir. Ce n’était pas idéal, ce n’était pas gracieux, mais j’y étais parvenu. Encore mieux, je fus en mesure de fermer moi-même la portière du côté passager. Enfin, c’était surtout parce que je l’avais approchée de moi pendant que je montais dans le véhicule, mais c’était un détail. Une fois assis, j’attendis qu’Addison soit prête à remettre le contact et quitter, en profitant pour jeter un oeil derrière. Un siège pour enfant, sans enfant toutefois. La laissant s’asseoir, je lui dis:  « Ta fille n’est pas là ? » Elle m’avait écrit qu’elle allait me la présenter, du coup, je m’attendais à la voir, mais je n’étais pas déçu, sachant que j’aurais du temps, puisque nous allions habiter ensemble. Je me montrais juste curieux pour le moment.

J’eus un petit rire au commentaire de ma cousine. En effet, la voir dehors, en sachant que je n’étais plus coincé dans une chambre d’hôpital, c’était tout à fait différent. Elle était venue me visiter, c’était vrai, mais c’était des visites courtes, peu agréables, dans un milieu austère. Maintenant, nous aurions beaucoup de temps pour rattraper ce que nous avions perdu, ces années, et si ça se trouvait, elle en aurait assez de me voir à un certain point. J’espérais que ce ne soit pas trop rapide par contre, et pas seulement parce que j’avais besoin d’un endroit où vivre et quelqu’un pour me donner un coup de main. Après, il était évident que j’allais m’assurer d’être aussi autonome que possible. Parce que je ne voulais pas être un fardeau pour Addison, mais aussi parce que je savais que si je ne parvenais pas à m’occuper de ma personne, j’allais facilement me frustrer. Voilà pourquoi je choisis de faire un effort pour m’asseoir moi-même dans la voiture. J’y parvins, ce ne fut pas élégant, mais j’y étais arrivé. Me retournant, je me rendis compte que la fille de ma cousine n’était pas dans la voiture. Tout naturellement, je m’informai sur où elle se trouvait. Addison avait eu la bonne idée de la déposer chez quelqu’un pour que nous soyons seuls, pour que je puisse m’installer tranquillement. Ce n’était pas plus mal, même que c’était une bonne idée. Ça faisait une éternité que je n’avais pas habité dans un appartement considéré comme normal ici. Ce serait un ajustement énorme, particulier à mon cas. Alors que je songeais à cela, un peu dans ma tête, je n’avais rien répondu, envoyant potentiellement un mauvais message. Secouant la tête, je répondis:  « Ah non, c’est très bien ce que tu as fait ! Et puis, j’aurai tout le temps de faire sa connaissance ! », terminant mon propos avec un petit sourire. Et qui sait, peut-être qu’Addison allait me demander de la surveiller, m’occuper d’elle. J’ai songé à l’éventualité lorsque je lui ai demandé si je pouvais aller m’installer chez elle, et je me disais que c’était la moindre des choses. J’adorais passer du temps avec des enfants, je n’avais pas choisi la spécialité que j’avais choisie pour rien. Retrouvant mon sérieux, je dis à Addison:  « Je te remercie encore pour tout. Vraiment. » Et encore là je trouvais que ce n’était pas grand-chose, de lui dire cela. J’allais lui rendre la pareille. Je ne savais pas comment, mais si je pouvais saisir toute opportunité de lui rendre service j’allais le faire, c’était évident. Et je voulais commencer, par exemple ne lui proposant:  « Tu as faim ? Si tu veux on peut aller chercher quelque chose à manger avant de rentrer ? » Ou manger sur place, qu’importe. Une chose était sûre, c’était que j’invitais. Un petit geste comme ça, en espérant que j’allais pouvoir les accumuler lentement, mais sûrement, pour lui prouver ma reconnaissance.

Est-ce que ça me dérangeait qu’Addison décrive sa fille comme un pot de colle envers ma personne ? Pas un seul instant. En vérité, j’étais surexcité à cette idée. Après tout, je n’avais pas choisi ma spécialité au hasard ou pour d’autres raisons que le fait que j’aimais les enfants. Du coup, me retrouver autour d’enfants, je ne m’en plaignais pas, même si ça finissait toujours par me rattraper et me rappeler que maintenant, j’étais bien loin de réaliser le rêve que je chérissais encore - avec beaucoup moins d’espoir toutefois. Mais cette fois-ci, je n’avais pas envie que cela vienne me miner. Je préférais de loin me dire que je pouvais profiter du temps que j’aurais avec la fille de ma cousine. Désireux de montrer mon enthousiasme, je lui adressai un large sourire, et je dis:  « J’ai bien hâte de la rencontrer alors. » Suite à ça, je déviai un peu le sujet, lui exprimant encore une fois ma reconnaissance par rapport au fait qu’elle m’accueillait. Ému par sa réponse, si ça n’avait pas été du fait qu’elle avait les mains sur le volant, j’en aurais probablement prise une des deux dans la mienne pour lui montrer autrement ma gratitude. Un geste tout à fait platonique, sans aucun tabou, bien sûr. Mais ce manque de proximité ne m’empêcha pas d’ajouter:  « Je t’aime aussi… tu m’as beaucoup manquée. » Addison était la seule personne de ma famille à qui je pourrais tenir des propos pareils. En effet, elle était la seule personne que je considérais comme étant ma famille, après tout. Ce n’était pas pour qui qu’elle était ma première et seule destinataire lorsque venait le temps d’écrire une lettre à envoyer dans mon pays natal. Je n'avais pas envie d’en envoyer à qui que ce soit d’autre. Les premiers mois suivant mon exil, c’était surtout parce que j’avais besoin de prendre du recul, puis finalement, je m’étais rendu compte que je me sentais bien comme ça, tout simplement. Et Addison avait été réceptive, venant à me répondre. Cet échange m’avait fait le plus grand bien pendant tout ce temps, et grâce à ça, j’étais confiant que les choses se passeraient bien, puisque je lui faisais entièrement confiance. Appréciant son enthousiasme à l’idée d’aller manger quelque chose au restaurant, je ne m’attendis toutefois pas à devoir choisir pour nous deux. J’en fus un peu troublé, mais je ne tentai pas de le laisser paraitre, montrant un air de réflexion plutôt. Fronçant les sourcils, je finis par dire:  « Tu sais, ça fait une éternité que je n’ai pas mangé un bon vrai burger… » Clairement ce n’était pas monnaie courante là où j’étais, inutile de l’expliquer. Après, si elle ne voulait pas manger ça, pas besoin d’aller dans un endroit spécialisé.  « Donc si jamais il y a un petit restaurant qui en fait… » Les noms m’échappaient, bien des choses m’échappaient d’ici. J’avais des souvenirs, certes, mais les détails précis, c’était assez flou.  « Qu’importe lequel, c’est moi qui invite ! » Je préférai le préciser, juste au cas, refusant qu’elle paie ce repas. Elle en faisait déjà bien suffisamment pour moi comme ça.

Mon choix de repas n’avait rien de particulier ou exotique, mais il n’avait rien d’équilibré non plus, j’en étais parfaitement conscient. Mais heureusement, ma cousine ne me jugea pas, approuvant la proposition, en venant même à suggérer un restaurant en particulier. Un large sourire apparut sur mon visage alors que je lui répondis:  « Allons-y alors ! » Avoir été plus difficile sur mes choix alimentaires et plus méfiant, je lui aurais demandé le nom du restaurant, mais je lui faisais confiance, et le fait que je ne sois pas difficile était là un avantage. Et puis, peut-être que je le connaissais, le fameux restaurant, et que je ne m’en souvenais tout simplement pas. Ou bien je ne le connaissais pas. Quoiqu’il en soit, j’allais bien voir une fois que nous serions à destinations. Une fois sur place arriva toutefois pour moi le moment de sortir de la voiture, manoeuvre que je n’avais pas faite précédemment. Mais je décidai de ne pas figer pour autant. Je ne l’avais pas fait au moment de monter dans le véhicule, je ne voyais pas pourquoi je me freinerais ici. La tâche fut un peu ardue, c’était chose attendue, mais j’y parvins. Bien que le trajet était court entre la voiture et la porte d’entrée, de ce que j’avais pu voir, je décidai de prendre ma béquille quand même, juste au cas, pour ne pas prendre de risque inutile. J’accompagnai ensuite ma cousine à l’entrée du restaurant. Rapidement, nous fûmes installés à une table, ce qui me soulagea, puisque ça signifiait que je n’allais pas rester debout longtemps, et c’était tant mieux. Sitôt assis, je pris le menu, mais je ne le regardai pas bien longtemps, Addison me proposant de boire quelque chose. Je n’avais pas de raisons de m’y opposer, mais boire quoi ? Allons-nous partager une bouteille ? Prendre un verre chaque ? Ne sachant pas trop, je lui demandai:  « Bien sûr ! Tu veux prendre quoi ? » Comme ça, je serais fixé sur le sujet et j’allais ajuster mon choix - ou le fait que je n’en avais pas à faire - en conséquence. Ce n’était pas comme si j’avais d’énormes préférences. En mission, si on pouvait avoir une bière environ fraiche une fois de temps en temps, c’était un énorme privilège. Et me concernant, ça n’avait pas été un manque, mais j’avais des retrouvailles à fêter avec ma cousine à qui je tenais tant. D’ailleurs, puisque qui aime bien, châtie bien, je retrouvai un enthousiasme que je n’avais pas eu depuis mon accident, et d’humeur taquine, je lui dis:  « Fais attention par contre, tu dois être encore en état de conduire ! » J’ajoutai un petit rire à mon propos, histoire de lui montrer que je ne faisais que plaisanter et que je lui faisais totalement confiance, même s’il était vrai qu’elle ne pouvait pas compter sur moi, pour le moment, pour la ramener. Je ne m’attardai pas trop sur le sujet par contre, retrouvant mon sérieux, pour lui demander:  « Je t’en prie. Parle-moi de comment les choses se passent pour toi. » Nous avions échangé très souvent pendant mon absence, mais avec mon passage à l’hôpital, j’avais l’impression d’avoir manqué bien des choses. Et puis, inutile de mentionner que se parler face à face, ce n’était pas du tout la même chose. C’était plus précieux, plus personnel, et je me rendais compte que juste pour ça, finalement, ce retour à une vie environ normale n’était pas si mal que ça.

J’eus un petit moment d’incertitude lorsque j’entendis ma cousine parler d’un Mojito. Pas que je n’aimais pas ça. En fait, je ne saurais le dire; je ne savais pas, ou je ne me souvenais pas de quoi il s’agissait. Un cocktail ? Sûrement. Me sentant un peu déstabilisé, je regardai le menu des boissons, histoire de voir de quoi il s’agissait, et non pas pour chercher ce que moi-même je pourrais prendre. C’était un peu ridicule mais… C’était ce que serait ma réalité. Et emporté dans cette réflexion, je n’avais pas vraiment choisi pour ma propre personne, faisant en sorte que je n’avais rien d’original à répondre à Addison quand elle me demanda ce que je voulais. Bon, je fis quand même un effort, je pris un petit temps de réflexion qui se traduisit par un :  « Hum… » et ensuite, je me résignai à dire:  « Une bière, je crois bien. » Je m’étais rendu compte que je n’avais pas nécessairement envie d’un cocktail. J’avais toujours été simple comme ça et au moins, je savais une chose, c’était que:  « Au moins, ici, elle sera fraîche. » J’ajoutai un petit sourire à mon propos, histoire de montrer à Addison que je disais cela surtout par amusement, que je ne râlais pas ou quoi que ce soit du genre. Je n’entrai pas dans les détails de cette affirmation, puisqu’il me semblait que je lui avais déjà dit dans une lettre. Mon choix de boisson étant fait, je me doutais que mon choix de repas serait un peu plus simple. Au vu du temps qui s’était écoulé depuis que j’avais manger un burger pour la dernière fois, j’allais certainement m’en tenir à quelque chose de classique. Voilà pourquoi je me permis de demander à ma cousine comment les choses allaient pour elle, prendre des nouvelles. Je n’eus pas vraiment quoi que ce soit d’enrichissant. En fait, ses propos étaient même un peu inquiétants, d’une certaine façon. Pinçant les lèvres, je tentais de cacher mon malaise et ma culpabilité, parce que clairement, je me sentais mal de lui avoir posé la question. Sachant que désormais, le mieux que je pouvais faire était de ne pas la forcer, je lui répondis:  « D’accord… Ne t’en fais pas. » Je lui offris un petit sourire timide, même si ça ne venait pas complètement effacer mon inquiétude. J’avais l’habitude de tout échanger avec elle, donc ça me faisait un peu drôle, mais chaque chose en son temps, je supposais.  « Tu seras coincé avec moi chez toi pendant un temps… Donc si tu veux, à tout moment, en parler, ne te gêne pas. » En effet, si c’était ainsi qu’elle préférait que je sois là pour elle, j’allais être une oreille attentive, l’aider comme je le pouvais si elle en ressentait le besoin, sans l’obliger. N’ajoutant pas quoi que ce soit pour le moment, je jetai un autre coup d’oeil au menu, portant plus attention sur les choix de plats. Puis, comme pour essayer de détendre l’atmosphère, je demandai:  « Sais-tu ce que tu vas manger ? » Ma question se voulait un peu répétitive, mais je ne pensais pas qu’elle soit impertinente. Et puis, j’étais sincèrement curieux, parce que même si j’étais presque certain que j’allais m’en tenir à un plat classique, mais je restais quand même ouvert à d’autres idées.