Petit un. Je viens d’une famille très pauvre. On n’a jamais eu besoin de me le dire pour comprendre, après le recul, que j’étais un accident. Mes parents n’avaient pas de revenu, et quand ils avaient un peu d’argent, le dépensaient pour s’acheter de la drogue. Petit deux. Lorsque j’avais trois ans, tout éclata en un soir. Ma mère eut tout juste le temps de me cacher dans le placard de ma chambre avant que mon père, colérique et complètement défoncé, débarque. Deux coups de feu, voici tout ce que j’entendis pendant des heures. Je n’osais pas sortir de là, restant à cet endroit, avec ma peluche, le seul jouet que je possédais, jusqu’à ce que finalement, un policier me trouve et me tire de là. Petit trois. Je fus confié aux services sociaux, mais je n’y restai pas longtemps, puisque je fus rapidement adopté par une famille qui n’avait pas d’enfant. Ils ne devaient pas savoir dans quoi ils s’embarquaient. Vu le manque d’attention que j’avais eu, j’étais en retard sur mon développement et mal nourri. Heureusement, ils ont pris soin de moi aussi bien qu’ils le pouvaient, me permettant de me sentir mieux, me développer comme il se le devait, et passer outre ce traumatisme, comme possible.  Nous avions même changé de ville, pour venir s’installer dans une plus petite ville, Bisopville, afin que j’y vive tranquillement. Petit quatre. Je commençais tout juste à me sentir mieux, à me sentir bien que soudainement, elle arriva dans ma vie. Ma petite soeur, ou celle qu’on me présenta comme étant ma petite soeur, Ondine. Je ne l’ai pas nécessairement bien pris. Je n’ai jamais été violent avec elle, mais je n’aimais pas ne plus avoir l’attention, me retrouver seul par moments, tout ça parce qu’il y avait un autre enfant qui avait toute l'attention. Le sentiment de rejet d’enfant s’installa, et ne me quitta jamais. Petit cinq. Mon adolescence ne fut pas des plus simples. Ça commença par des perceptions, qui pouvaient paraître bien banales. La perception que mes collègues de classe étaient stupides, parce qu’il leur fallait beaucoup plus de temps que moi pour comprendre ce que l’enseignant expliquait. Le sentiment d’être observé parce que je terminais exercices et examens avant tout le monde, sans comprendre pourquoi les autres tardaient autant. La frustration devant cette différence. La frustration envers ma soeur, tout ce qui venait avec. Petit six. Je fus suivi par un psychologue. Pour comprendre ce qui n’allait pas avec moi. On me parla du fait que j’étais surdoué, mais que ça n’avait pas toujours un impact positif sur mon caractère. D’où la colère, d’où les réactions, agissements faciles à reprocher et l’isolement. Petit sept. J’ai tenté bien des choses pour tenter de canaliser ce caractère qui ne plaisait à personne. J’essayai divers sports, d’équipe comme individuels. Le hockey m’a plu pendant un temps, mais ce ne fut pas un succès. Le seul qui m’a intéressé un peu plus longtemps fut l’escrime, mais je n’avais pas le talent pour faire une carrière. Petit huit. Lorsque j’étais en dernière année de lycée, mon professeur d’anglais tenta quelque chose d’un peu dingue; m’inviter à aller aider des élèves en difficulté dans des classes spécialisées. Je n’y croyais pas au début. J’étais même réticent à l’idée. Puis, au final, je trouvai des élèves qui étaient un peu comme moi. Différents. À leur façon. Petit neuf. Cet évènement me poussa à m’inscrire en enseignement à l’université. Même si je n’avais pas choisi une destination bien loin d’où mes parents se trouvaient, je décidai quand même de prendre mon propre logement et devenir indépendant. Avec ma soeur, c’était plus insupportable que jamais, et j’avais besoin de ce nouveau départ. Petit dix. Pendant mes études, j’ai fait un stage avec des élèves sourds et muets. J’ai donc appris le langage universel des signes et je me débrouille bien avec celui-ci. Petit onze. J’ai tenté de faire quelques petits boulots pour continuer à être indépendant pendant mes études et même après. Préposé sur un terrain de golf, serveur, mais le plus marquant a été celui de mascotte. Étrangement, j’ai aimé ce travail. Ça m’a permis d’interagir avec les plus jeunes et me défouler comme je n’aurais jamais su le faire, par orgueil. Je me suis aussi découvert un talent de danse que je ne croyais pas avoir. Petit douze. Après mes études j’ai continué à faire le métier de mascotte en faisant des remplacements çà et là dans certaines écoles. Petit treize.Il y a six ans, j’ai obtenu un premier contrat dans une école de Bishopville pour des élèves en difficulté. Je ne l’ai pas quittée depuis. J’aime mon métier, même si parfois, croiser d’anciens enseignants est étrange, au vu de comment je leur en ai fait baver. J’apprends à vivre avec ces défauts, et j’ose espérer qu’ils l’apprécient. Petit quatorze. Je n’ai jamais eu de relation à long terme. Quelques mois, un an, tout au plus. Je sais que c’est bien souvent ma faute. Petit quinze. J’adore conduire et je n’aime pas que les autres conduisent lorsque je suis dans la voiture. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, ça me rend inconfortable. À choisir, je préfère me véhiculer moi-même dans ma Nissan Leaf récemment achetée. Une voiture totalement électrique, c’est bien pour l’environnement.