Je crois que je serais incapable de me souvenir de quand je suis rentrée dans un tel état après une soirée pour la dernière fois. C'est bien trop lointain. Mais ce soir, je suis incapable d'aligner trois pas droit et la tête tourne plus que tout. J'ai l'impression que je vais m'étaler au sol à chaque seconde mais en réalité, ça me donne envie de rire. Et ça me fait du bien d'être dans cet état, ça me manquait. Depuis que j'ai mon fils, j'avais coupé un peu tout contact avec la monde de la fête. Je suis devenue sérieuse, alors que pendant mes études j'étais déjà plutôt sérieuse. En fait depuis l'arrivée de Pablo j'avais du devenir une sorte de mormon, rigide et même ennuyeuse. Mais maintenant que je suis divorcée, je me suis dit qu'il était temps de changer les choses. Alors ce soir j'avais confié mon fils à mes parents, qui étaient ravis, et j'avais cherché un endroit sympa où rencontrer du monde. Cette partie là avait été un échec, raison pour laquelle je rentrais seule, portant mes talons à la main car j'avais les pieds en feu. Maladroitement j'ouvrais la porte puis je tatonais pour allumer la lumière. Mais je n'y arrivais pas. Je poussais un juron, tentait en vain d'appuyer encore et encore sur le bouton, mais rien. J'allumais la lampe torche de mon téléphone et partait à la recherche d'un autre interrupteur. Là encore peine perdue. je retournais sur le palier, ne sachant que faire. Je regardais alors les maisons voisines, pour savoir si j'étais la seule dans la merde. Apparemment oui puisque de la lumière filtrait d'une des fenêtres de chez mon voisin. J'hésitais quelques secondes mais finit par me décider à allez demander de l'aide. J’allais donc frapper chez le voisin, espérant qu'il ou elle soit plus doué que moi avec tout ce qui est électricité. Je soupire de soulagement quand la porte s'ouvre « Bonjour, désolé de vous déranger. Je suis votre voisine, j'ai des soucis d’électricité » C'est maintenant que je le regarde vraiment. Et je dois dire que je suis déçue de ne pas l'avoir croisé dans cette boite ce soir, c'est typiquement le type de mec que je mettrais bien dans mon lit.

Soirée tranquille en perspective. Les vacances venaient tout juste de commencer pour moi, et comme la plupart des enseignants, je prenais les premiers jours pour limite hiberner. Mes élèves n’étaient pas épuisants, mais sentir retomber la pression était une sensation que peu de gens pouvaient vraiment comprendre. Après, je faisais ce que je voulais, je n’avais pas à me rapporter à qui que ce soit après tout. J’étais donc seul dans mon appartement, à flâner, sommes toutes. J’avais rangé un minimum, préparé à manger, fait la vaisselle, rien de bien excitant. Là, j’étais tout simplement au salon, à regarder la télévision sans y porter grande attention.. Une soirée classique pour bien des gens qui n’avaient aucun plan comme moi, je supposais. Ce à quoi je ne m’attendis pas, c’était à ce que ma soirée prenne une toute autre tournure. Je ne m’y en attendais pas quand j’entendis frapper à la porte. Habitant dans un immeuble avec de nombreux appartements, ce n’était pas chose rare, même si j’étais rarement le premier qu’on demandait pour de l’aide, pour discuter ou quoi que ce soit d’autre. Fronçant les sourcils, j’allai ouvrir la porte malgré tout. N’ayant pas pris nécessairement conscience de l’heure qu’il était, parce que j’allais dormir quand je me sentais endormi et voilà tout, je ne m’attendis pas à voir une personne clairement en état d’ébriété me demander de l’aide avec l’électricité. Mais ce ne fut pas ça ma plus grosse surprise. Ma grande surprise était que cette fameuse voisine, elle avait une tête que je connaissais bien, à mon grand désarroi d’ailleurs. Une personne à qui je n’avais pas - et je n’avais pas voulu - parler pendant tout ce temps. Clairement, je ne m’attendais pas à la voir… Complètement défoncée. Ma réaction ? Je me mis à rire. D’un rire que je ne tentai pas de réprimer ou de calmer de quelconque façon. Une fois que je me fus calmé, je dis:  « Je crois que le seul souci d’électricité qu’il y a c’est la connexion de tes neurones dans ton cerveau. » Je marquai une pause, et je dis:  « Salut, Ondine. » en reprenant un air neutre, même si c’était bien difficile de ne pas être amusé en de telles circonstances.

Il vas vraiment falloir que j'apprenne à me débrouiller seule maintenant que je m'étais séparé de mon mari. Mais j'avoue que ce n'était pas simple. Je n'avais jamais eu à gérer ce genre de chose. C'était un peu cliché mais j'avais toujours laissé mon mari s'occuper de tout ce qui concernait la maison où la voiture. En même temps moi je me préoccupais surtout de mon petit garçon. Pablo était le centre de ma vie et le reste n'avait que peu d'importance, si ce n'est aucune en réalité. Mais là je réalise que les choses ont changés. Je n'ai plus personne sur qui me reposer et je vais devoir apprendre à gérer ce genre de chose. Mais pas ce soir, là il est trop tard. J'ai besoin d'un coup de main. Heureusement pour moi, un voisin semble là. Je vais donc sonner et expose mon problème. N'ayant pas particulièrement fait attention à la personne qui se trouve devant moi, sa réponse me trouble. Je le regarde. Je n'ai aucun doute sur qui est là. Une seule personne ne peut me parler de la sorte. Mon frère. Enfin mon frère adoptif, qui ne s'est jamais sentit comme tel. Et moi non plus, je ne le considère pas comme un frère. Nous nous sommes fait trop de mal. Je soupire. « Pourquoi je dois t'avoir comme voisin ? » On ne s'est pas vu depuis des années, je ne vais pas m'en plaindre, il ne m'a pas manqué. Mais vraiment j'aurais aimé tomber sur n'importe quel autre voisin. Mais c'est Milo, comme par hasard. Je soupire de plus belle « Tu es toujours aussi agréable ... tu n'as pas changé » Et ce n'est pas un compliment, loin de là. C'est toujours un petit con, vu ce qu'il vient de me balancer.

Ondine était ma voisine, sérieusement ? Je ne savais pas vraiment si je devais en rire ou en pleurer. Ce que je fis au final, ce fut de rouler les yeux. Je ne savais pas si je pouvais dire que j’étais exaspéré ou si je sentais que ça promettait, dans le sens que je n’aurais pas fini de me moquer de ma soeur adoptive et de ses déboires, comme en ce moment. Mais j’avais aussi su m’en passer pendant quinze ans et… Je ne l’avais pas mal pris non plus. Donc c’était à voir. Pour le moment, Ondine semblait bien peu encline à faire quoi que ce soit pour que les chose se passent bien, au vu de comment elle vint à me dire que je n’avais pas changé. Même si je ne pensais pas que c’était vrai, que j’étais loin de l’adolescent incompris et frustré, que j’avais su évoluer, je ne le pris pas mal. Pourquoi ? Parce que je ne m’attendais pas vraiment à mieux d’elle. Mais ça, je ne lui dis pas. Ce fut beaucoup plus satisfaisant de la piquer davantage et lui dire:  « Toi non plus. Tu es toujours aussi pathétique. » Et est-ce que ç’avait eu l’effet escompté ? Oui, je ressentis cette satisfaction. Mais ce qui fut encore mieux, ce fut que je choisis d’utiliser le fait qu’elle n’avait pas l’intention de se montrer polie avec ma personne pour la laisser se démerder. Cherchant à conclure la discussion, je dis:  « Ça m’a fait plaisir de te croiser en tout cas. » J’étais désormais prêt à fermer la porte de mon logement pour la laisser se débrouiller. Évidemment, j’allais regarder comme je pouvais pour la voir se rétamer encore plus, et rigoler un brin. Mais ça, elle n’avait pas besoin de le savoir.

Des années que ne nous sommes pas vus. Mais pourtant la haine remonte aussitôt face à ses premiers mots. Pourtant avec le temps, les choses auraient du se calmer. A présent nous étions grands, nous aurions du être plus calme. Mais non. Je le regarde blasée. La première chose qu'il me balance me fait plus mal que prévu. En fait c'était surtout que je n'étais plus habituée. Alors je lui fait remarquer qu'il n'as pas changé. Il semble contrarié par ce que je lui dit. Et comme il en a l'habitude il réplique me faisant la même reproche. Je le fusille du regard. Il se moque de moi n'est ce pas ? C'est lui qui commence les attaques, alors que je ne lui ai rien fait. Puis il fait mine de fermer la porte en me disant que me croiser avait été un plaisir. Je le fusille de nouveau du regard et bloque la porte de mon pieds. « Tu te fout de moi là ? » Oh et tant pis, je franchit le pas de sa porte. Je ne suis plus une gamine et je n'ai plus envie de me prendre ses insultes sans réagir. Étrangement, je ne suis plus saoule, pas pour ça en tout cas. Furieuse de son attitude, je lui colle une gifle « Tu vas arrêter d'être con ? Plus de dix ans et la première chose que tu fais c'est m'insulter ! Tu ose me reprocher d'être pathétique mais regarde toi ! » Je m'écarte légèrement de lui et le regarde bras croisé « Si tu avais été plus aimable, je l'aurais été aussi. Je suis fatiguée de tout ça » Si enfant je comprenais sa jalousie, je ne vois pas pourquoi on continuerais ainsi, j'étais fatiguée de tout ça, c'était ridicule.

Tout compte fait, ça n’aura pas pris grand-chose pour réveiller la tempête. Je ne m’en montrai pas perturbé. Au contraire, ça venait me confirmer que ce que j’avais dit était vrai; elle n’avait pas gagné en maturité, même après plus de dix ans sans se voir ni se parler. Et comme si ses propos n’étaient pas suffisants, elle vint me gifler. Évidemment que je la sentis, mais contrairement à elle, j’étais sobre, ça ne me secoua pas. Au contraire, lorsqu’elle arriva à son dernier propos, je me mis à rire. D’un rire qui n’avait rien de léger et joyeux. Un rire presque… sadique. Un rire qui me représentait en fait, un rire qu’elle méritait au vu de ses agissements complètement juvéniles. À cela, je répondis:  « Tu me frappes et c’est moi qui ne suis pas aimable ? » Je marquai une pause, et avant qu’elle n’ait le temps de répliquer, j’ajoutai:  « Ah mais non, tu avais une excuse ! Je n’ai pas été gentil avec toi, quelle tristesse ! » Je pris un faux air de celui qui faisait pitié, et je dis:  « Ou bien tu voulais absolument trouver une raison pour me toucher ? » Est-ce que je me permettais d’aller dans un propos limite salace avec ma soeur adoptive ? Oui. Parce qu’elle n’était pas ma soeur. Elle ne l’avait jamais été pour moi. Reprenant mon sérieux, je conclus avec un:  « Je n’ai pas demandé à être ton voisin sauveur. Donc fais pas comme si tu étais parfaite. Si tu n’es pas contente, tu as qu’à sortir et me ficher la paix. » J’étais un adulte, moi je saurais vivre en ignorant sa présence. En fait, je serais plus que ravi qu’elle m’ignore. Moi je n’avais rien demandé, et je n’avais pas envie de l’entendre se plaindre, alors que c’était elle qui s’était imposée dans mon appartement. Ce que je tentais de lui faire comprendre, c’était qu’elle était invitée - voire encouragée - à en sortir si elle n’avait rien de plus intelligent à me dire. Moi, je n’allais pas faire d’effort pour être plus sympathique.

Je plisse le front en l'entendant rire alors que je viens de le gifler. Pas de doute, il est toujours aussi con, ça n'as pas changé. En fait la seule chose qui a changé c'est son physique, il est drôlement plus attirant que la dernière fois où je l'ai vu. Si ce n'était pas mon abruti de frère adoptif, je le mettrais bien dans mon lit. Mais malheureusement pour moi, il est mon frère et y'a trop de haine entre nous. Je soupire a sa réponse « Les mots peuvent être plus agressif qu'une simple claque et tu le sais très bien mon beau » Il maniait les mots avec une férocité rare quand il s'agissait de moi. Je ne répond même pas a sa seconde attaque, ça n'en vaut pas la peine, pas du tout. Mais quand il me demande si j'avais tant besoin de le toucher je le regarde surprise. Il vas vraiment sur ce terrain là ? Je secoue la tête avant de lui répondre « Désolé Milo, même si t'es pas dégueulasse à regarder, il faut l'avouer. Je ne suis pas encore désespéré à ce point » Oui dans une autre situation il serait pile le genre de mec que j'aimerais mettre dans mon lit. Mais pas lui. J'écoute la suite de ses propos et secoue la tête « J'ai jamais prétendu être parfaite Milo, n'invente pas. J'ai juste besoin d'un coup de main, c'est juste deux minutes et après je ne viendrais plus rien te demander » J'avais juste besoin d'aide pour refaire partir mon disjoncteur, ou je ne sais quoi qui déconnais. Et je devais bien avouer que je n'avais aucune idée de comment faire fonctionner ce truc.

C’était bien la première fois que j’entendais Ondine utiliser des mots tels que « mon beau » pour me qualifier. Je me doutais bien qu’elle ne disait pas ça pour être mignonne, pour me complimenter, mais il n’en demeurait pas moins que ça m’étonnait et surtout, ça m’amusait. Il fallait bien que je trouve de quoi me divertir, autrement, elle ne racontait rien de pertinent. Je savais bien que les mots pouvaient faire plus mal. Après tout, j’étais un expert. Suffisait de voir comment elle réagissait chaque fois que j’ouvrais la bouche. Et je ne parlais pas seulement de la gifle. Je parlais aussi de ce qu’elle dit par la suite, à venir me dire que je n’étais « pas dégueulasse à regarder ». Ça aussi, c’était différent. Adolescent, j’avais toujours le vilain petit canard, le moche que personne n’aimait vraiment. C’était un moment où ç’aurait été apprécié d’avoir de l’aide de ma soeur, et elle n’avait pas été là. Elle ne pouvait pas me reprocher d’être aussi fermé à l’idée d’être gentil avec elle, et pas seulement maintenant, mais lorsque nous étions plus jeunes aussi. J’avais haussé les sourcils bien malgré moi, avant d’avoir un petit sourire pour lui demander:  « Tu es sûre ? » Je n’avais pas besoin d’une confirmation. J’avais juste envie de jouer dans sa tête, parce que pour le moment, ça semblait marcher un peu. Je n’avais pas besoin de ça, pas pour rehausser mon estime ou quoi que ce soit. Voilà bien longtemps qu’Ondine avait cessé de m’atteindre, ce n’était pas maintenant que ça ferait une différence. C’était juste drôle de la voir patauger, encore plus quand elle me demanda encore de l’aide pour son problème. Elle avait beau me dire qu’elle n’allait pas m’embêter de nouveau, ça ne me motivait pas de lui venir en aide. C’était évident que ce serait plus adulte de lui dire que oui, j’allais lui venir en aide, et me garantir la paix, mais je me la jouai un peu gamin, et je dis:  « Je fais quoi si je n’en ai pas envie ? » C’était vrai que je n’en avais pas envie pour tout dire. Mais pour rendre ça encore plus immature, j’eus un sourire narquois, pour en ajouter une couche, me doutant bien que ça n’allait pas la rendre bien heureuse.

De nouveau je me demande ce que j'ai bien pu faire à la vie pour que sur toute les personnes qui existent sur cette Terre, ce soit lui mon voisin. Franchement j'ai un karma vraiment merdique. La vie me l'a déjà rappelé ces derniers temps, entre le divorce et l'accident de voiture. Sans parler de la perte du bébé. Par moment j'aimerais vraiment que la vie me fasse un petit cadeau mais non, pas du tout. Mon cadeau c'est lui et c'est franchement le genre de surprise qui ne fait pas plaisir au pied du sapin. Et pourquoi j'ai bu. Voilà que je dit des choses que je regrette, à commencer par l'appeler mon beau. C'est vrai qu'il s'est franchement arrangé depuis notre adolescence. Mais je n'aurais jamais , avoué ça a voix haute en temps normal, non plutôt crever. Malheureusement pour moi, je suis ivre et pas lui. Et ce que je viens de lui dire ne lui a pas échappé. Cette tête, franchement j'ai envie de le cogner pour qu'il ravale ce souvenir à la con. Alors quand il me demande si je le pense vraiment , je secoue la tête « Arrête de te faire plus con que tu ne l'ai, tu sais très bien que t'es pas si mal » Et peut être que dans d'autres circonstance, non en fait c'est certain. Si ce n'était pas lui, je me le taperais bien, ça me ferait même très plaisir. Mais c'est Milo et il se rappelle vite à mon bon souvenir en étant un con, pour changer. « Oh fait un effort, je te demande pas grand chose, juste jeter un oeil sur ce foutu compteur » Et s'il n'avait pas perdu son temps à refuser, on aurait surement déjà réglé le soucis. « Allez Milo s'il te plait » Je crois que c'est la première fois que je lui dit s'il te plait, de ma vie.