Un. Je suis la fille unique de deux parents militaires. Mon père était soldat, ma mère était infirmière. C’est cliché, mais c’est ainsi qu’ils se sont rencontrés. Inutile de mentionner qu’ils s’assuraient d’être déployés toujours au même endroit, même après que je sois venue au monde. Je vivais toujours non loin des bases, avec une nounou, souvent une amie de mes parents. Par conséquent, j’ai beau avoir vu le jour à Bishopville, je n’y suis jamais restée assez longtemps pour considérer cette ville ma demeure. Deux. Mes parents ont perdu la vie dans un accident de travail lorsque j’avais trois ans. C’est leur partenaire de travail et proche ami qui m’a pris sous leur aile et qui ont décidé de m’adopter. D’enfant unique, je suis éventuellement devenue membre d’une fratrie de cinq avec qui j’ai fait le tour du monde, découvert plein de choses. Trois. Une fois jeune adulte toutefois, j’ai décidé de me poser pour aller faire mes études à l’université. Les animaux m’ayant toujours fascinée, j’ai décidé d’entamer mes études en biologie marine à UCLA. Quatre. C’est pendant ma première année d’université que je l’ai rencontré, lui. Alors qu’adolescente, je ne restais jamais assez longtemps à un endroit pour avoir une relation sérieuse et durable, avec lui, ç’a été immédiat, la chimie entre nous deux. Naïvement, je croyais que nous allions rester longtemps ensemble, peut-être toujours. Je l’aimais à ce point, il était mon meilleur ami. Cinq. Le destin en a décidé autrement. À la fin de ma troisième année d’université, on m’a offert une bourse d’études pour aller compléter mon diplôme à Hawaii, à l’institut de Biologie Marine, et on me promettait même un emploi après avoir gradué. Une chance comme jamais je ne pourrais en avoir, je le savais. Lui, il avait d’autres plans, un autre avenir devant lui. Une discussion douloureuse fut inévitable. J’ai choisi de quitter, nous avons décidé de nous quitter en bons termes, continuer chacun notre vie de notre côté, parce que c’était le mieux. Six. Je croyais partir pour une nouvelle vie, une ardoise vierge, rien m’attachant au passé. Deux semaines après mon arrivée, ma perception changea complètement; j'étais enceinte, enceinte de mon ex petit-ami. Quoi faire ? Paniquée, je contactai ma famille, qui se trouva à me juger, me juger de ne pas avoir mieux pris mes précautions alors que j’étais « aussi jeune », selon eux. La seule qui parvint à me réconforter un peu, c’était ma soeur, Céleste. Il fallut un peu plus de temps, quelques années, mais éventuellement, son soutien devint indispensable. Deux rejetées dans la fratrie qui trouvaient un peu de réconfort l’une auprès de l’autre, à distance. Sept. Si Céleste avait été rassurante dans tout ça, celui qui m’aida le plus, ce fut mon collègue de travail. Il avait demandé le divorce à sa femme parce qu’elle ne voulait pas d’enfants alors que c’était son souhait le plus cher. Ce ne fut pas instantané comme avant, mais je trouvai un certain bonheur avec lui. Et surtout, un soutien incroyable lorsque je mis au monde mon fils que j’appelai Noah. Il était conscient qu’il n’était pas sien, et jamais il n’avait insisté pour que mon petit garçon prenne pour acquis qu’il était son père. Enfant, je l’ai laissé l’appeler « papa », attendant qu’il soit assez grand pour lui expliquer la situation. Huit. J’ai aussi eu une petite lueur d’espoir de le recontacter, seulement pour le prévenir, lui annoncer la nouvelle. Je n’ai pas réussi. Je lui ai envoyé une lettre, je n’ai pas eu de réponse. J’ai tenté de l’appeler, une fois, je suis tombée sur une autre personne, une voix féminine. J’avais pris pour acquis qu’il avait refait sa vie, je ne voulais pas lui mettre ce fardeau sur les épaules. Neuf. Il y a de cela deux mois, celui que Noah s’était habitué à appeler « papa » est décédé. La perte a été plus que difficile pour moi et pour lui. Intelligent et mature, Noah m’a demandé si nous pouvions aller ailleurs. Recommencer à neuf, encore une fois pour moi. Je n’ai pas su le lui refuser. Dix. Notre destination ? Bishopville. C’est là que ma soeur Céleste se trouve, c’est le seul point d’attache que j’ai. À distance, j’ai trouvé un emploi dans un refuge animalier. Ça va changer, ce sera moins passionnant, moins animé, mais pour le moment, ça fera. Ainsi, je pourrai m’ajuster à cette vie de mère célibataire, être présente pour mon fils et qui sait, peut-être prendre le temps, une bonne fois pour toutes, de retrouver le père biologique de Noah et le lui présenter, comme si souvent j’ai espéré le faire.