Petit un. Lorsque j’étais petite, à l’école, tout le monde ou presque avait un papa et une maman. Moi, j’étais un cas à part, parce que je n’avais qu’une maman. Mon père, je ne l’ai jamais connu. Mais ce n’était pas sa faute. Maman me l’a répété plusieurs fois; s’il avait été là, il m’aurait aimée. Du coup, j’ai toujours été obligée de me fier à ma mère, et je n’ai jamais été déçue. Ç’a toujours été elle et moi, et je n’ai jamais eu de mal avec cette situation. Petit deux. Enfant capable de s’ennuyer rapidement, il a rapidement fallu que je trouve quelque chose pour m’occuper. J’ai essayé plusieurs sports, sans jamais trouvé mon bonheur, jusqu’à ce que je connaisse l’équitation. C’est arrivé à tout hasard, pendant une sortie de colonie de vacances lorsque j’avais six ans. J’ai eu un coup de coeur, je suis rentrée chez moi surexcitée et déterminée à recommencer. Ma mère a sûrement cru que ç’allait durer que quelques mois, mais non. Quelques cours pour débutants ont mené à l’adoption d’un premier cheval, avant de commencer à perfectionner mes techniques. Petit trois. J’étais que jeune adolescente lorsque j’ai commencé à faire des compétitions. Rapidement, c’était devenu source d’ambition, un plan pour le futur; monter à cheval à temps plein, faire de la compétition, gagner ma vie grâce à ça. Ce n’était pas une utopie. Avec de l’aide et des gens pour croire en moi, j’étais parvenue à décrocher une bourse d’études pour l’université. Toujours en Caroline du Sud, mais à presque trois heures de ma ville natale, celle que j’avais toujours connu. Cette bourse d’ailleurs fut ma seule chance d’aller dans une institution comme celle-ci; au niveau académique, j’étais loin d’être l’élève idéale. Petit quatre. Arriver à l’université à dix-huit ans a été perturbant. Pour la première fois de ma vie, j’étais seule. Je ne pouvais même pas monter mon cheval que j’avais depuis plusieurs années, Wildfire, parce que celui-ci avait pris sa retraite. Les premiers mois, je me suis sentie bien seule. Entre les entrainements et les cours, me faire des amis n’a pas été chose simple. Petit cinq. Ayant toujours le désir de la compétition et du sport professionnel en tête, je n’ai pas quitté pour autant. Et au final, je me trouvai une certaine compagnie parmi ceux qui faisaient de l’équitation comme moi, en particulier mon entraineur, Jackson. Il était un peu plus vieux que moi, mais pas tant. De façon bien naïve, je me suis attachée à lui et lui, il m’a fait croire qu’il était attaché à moi. Petit six. Avril 2019; tout bascula. En pleine compétition d’obstacles, mon cheval a fait une mauvaise chute, m’entrainant avec lui. Commotion cérébrale, fractures, mais surtout une jambe à reconstruire presqu’au complet. La combinaison de tout ça ? La compétition, c’était impensable désormais. Plus encore, lorsque Jackson a appris que je devrais me retirer de l’équipe, je suis devenue insignifiante à ses yeux. Comme s’il me mentait, comme s’il se jouait de moi. Petit sept. Complètement brisée, j’aurais du rester que pour l’été chez moi et retourner à l’université au semestre suivant. Je n’ai pas eu le courage de repartir. Je n’ai même pas eu le courage de sortir de chez moi pendant des mois, aux prises avec une dépression et une sérieuse remise en question. La période a été sombre et la guérison, difficile pour ça. La seule chose que je faisais qui pouvait me provoquer un peu de plaisir, manger des Oreo avec du lait, ne me faisait plus rien. Petit huit. Ma mère en a eu assez après l’été quand elle a su que je ne retournais pas à l’université. Un jour, elle a donc pris congé, m’a mise de force dans la voiture et m’a emmenée au ranch, le premier où je suis allée, celui où j’ai passé toute mon adolescence. Au début, j’ai refusé de sortir du véhicule, refusé de mettre les pieds en ces lieux, persuadée que cela ferait trop mal. Et puis, je l’ai revu. Mon étalon noir, mon meilleur ami; Wildfire. Je ne saurais pas expliquer pourquoi ou comment, mais le déclic s’est fait; je ne pourrais jamais vraiment complètement m’éloigner. Petit neuf. Après cette visite, j’ai commencé à me rendre seule au ranch de temps en temps dans ma petite Honda Fit jaune. Mes visites furent de plus en plus fréquentes entre les moments où je suivais des cours en ligne, entente que j’avais prise avec ma mère pour ne pas rien faire. J’ai commencé à m’intéresser à la thérapie équestre. Et finalement, il y a de cela environ deux mois, on m’a proposé un emploi au ranch, me donnant aussi la permission de monter Wildfire quand j’en avais envie. Évidemment que ce n’est pas l’adrénaline de la compétition, mais c’est mieux que rien, un chemin vers la guérison du moins.