Pas même né, déjà drogué. Merci maman. Ses premiers pleurs n'ont pas été seulement à mettre sur le compte de l'air qui entrait pour la première fois dans ses poumons, mais parce qu'il était aussi en manque. Toxicomane donc, sa mère l'a abandonné aux portes des urgences de sa ville natale – il peut au moins lui accorder ce bon point. Car autrement, Rhys garde encore aujourd'hui une rancune sévère à l'égard de sa génitrice, bien qu'il ne l'ait jamais revu, et qu'il n'a surtout jamais cherché à la retrouver. Est-elle seulement toujours en vie ? Dieu seul le sait. D'elle, il garde ses yeux bleus, et un mépris certain pour les drogues. et puis... S'en suivra une succession de familles d'accueil et de passages en orphelinat pour les dix-sept années qui suivront. Impossible de garder les mêmes repères rien qu'un an, quand toutes les familles ne sont pas bonnes pour lui, et qu'il fait peu d'efforts pour gagner leurs faveurs aussi. Un mécanisme de défense, qui résulte de ses premiers abandons et du manque de stabilité qu'il a connu jusque-là. Pour lui alors, c'est foutu : si personne n'a voulu suffisamment de lui, ils peuvent désormais tous aller se faire foutre – même et surtout ceux qui tentent vraiment de l'aider. De cette période de sa vie, il n'en retiendra qu'une chose : il ne peut compter que sur lui-même. Rhys se considère comme sa seule famille. et puis... Pas de temps pour l'insouciance, il faut grandir, et vite. Pour pouvoir s’émanciper le plus tôt possible, l'adolescent qu'il était encore se met très tôt à travailler : plongeur, magasinier, agent d'entretien... rien n'est trop indigne pour lui, il prend tout ce qui passe et se jette à corps perdu dans le travail. Jamais rien d'illégal, il juge qu'il vaut mieux que ça. Ouvrier agricole, agent de sécurité, employé d'une scierie... À travers ces expériences, il découvre tout de même qu'il a un goût certain pour les activités manuelles, comme le travail du bois. et puis... Il a 22 ans, quand il fait face à un homme cinquantenaire qui prétend être son père. Pas un bon à rien, bien au contraire, un homme d'affaires, de bonnes manières et propre sur lui. À se demander si vraiment il a pu être le genre à fricoter avec sa junkie de mère... soi-disant qu'il a engagé un détective privé pour le retrouver. À côté de son costard, Rhys fait tâche, il le sait, mais plus que son orgueil, c'est sa rancœur qui le rend rapidement hostile à cet étranger qu'est son père. Il est impressionné par son caractère travailleur qu'il dit ? Par sa détermination dans l'adversité ? Qu'il aille se faire foutre, lui et sa reconnaissance tardive ! Il n'a pas voulu de lui pour mieux l'abandonner à son sort, et bien maintenant c'est lui qui ne veut plus de lui. Dernières invectives, et le fils ne fait pas dans la demi-mesure pour s'éloigner de son prétendu père : il quitte son pays natal quelques semaines plus tard, et s'envole pour les États-Unis. C'est désormais de l'autre côté de l'Atlantique, qu'il lui fait des doigts d'honneur. et puis... C'est le hasard qui l'a conduit jusqu'à Bishopville. Il aurait pu poursuivre sa route, mais il s'est bien entendu avec l'équipe du bar où il s'est dégoté un job de barman. Plaisanteries, complicité, confidences... il semblerait qu'il se soit trouvé des amis. Il lui arrive encore de dépanner l'équipe pour de gros événements, et de revenir y travailler le temps d'un soir. et puis... Avec Rhys, c'est tout noir ou tout blanc : pas de gris, ou presque. C'est qu'il a ses principes, et il transige peu. On a toujours le choix, selon lui. Il suffit de travailler, et on s'en sort. Peut-être qu'il devrait prendre le temps de comprendre, de pardonner, mais il a perdu patience. Avec lui, il suffit d'une mauvaise première impression, ou d'une regrettable expérience plus tardive, et il ne voit plus que ça. Il n'ira peut-être pas jusqu'à vous faire la morale, mais en silence il vous condamnera. Et surtout, il vous écartera de son quotidien, comme si finalement, il s'était attendu depuis le début à finir tôt ou tard déçu. et puis... Malone, elle l'a attiré dès les premiers instants, mais il ne voulait pas le reconnaître. Parce qu'elle était en train de se déshabiller en guise de gagne-pain, et qu'il ne voulait pas se rabaisser à désirer une strip-teaseuse. Ce club, il y a été traîné par des amis, et lui n'avait plus qu'à composer avec un mélange de malaise et de dédain pour les lieux. Pour lui-même aussi, dès lors qu'il n'a pu s'empêcher d'en revenir à Malone. Putain qu'elle est belle. C'est la pensée qu'il n'arrivera pas à se sortir de la tête, lorsqu'ils finiront contre toute attente par lier une amitié sincère, en se retrouvant en dehors du club. Amis, vraiment ? À défaut d'arriver à faire abstraction de sa profession, oui, et c'est finalement ce qui les éloignera... un temps. Puisqu'il a seulement fallu qu'elle revienne lui annoncer qu'elle avait quitté son job, pour qu'il s'affranchisse de ses dernières retenues : il la désire, il ne veut qu'elle. Putain qu'est-ce qu'il l'aime. La chute ne viendra que quelques mois plus tard, lorsqu'il apprend son secret – elle se drogue. Comment a-t-il pu passer à côté ? De tous les maux qui peuvent être les leurs, il fallait que ce soit celui-là ! Cette merde qui lui a valu d'être abandonné à la naissance, et qui le bouffe d'amertume au passage. Rhys n'arrive pas à faire avec, ne peut pas faire avec. La quitter n'est pas plus facile, lorsqu'il revient rapidement vers elle une première fois, mais pas la deuxième : cette fois-ci c'est fini. Il est le salaud qui abandonne sa copine à son sort, quand il n'a plus l'espoir qu'elle s'en sorte. et puis... Après ça, il a mis de côté sa vie sentimentale, pour se consacrer à sa vie professionnelle. Poussé par ses amis, il a un projet : aller sur les bancs de la fac. C'est l'ambition de toute une vie, de prouver qu'il vaut le coup, qu'il peut réussir, qu'il valait mieux que d'être abandonné. Il ose tout juste le dire à haute voix, mais c'est l'architecture son objectif, le job qui le fait rêver. Pour ça, il déménage, et c'est avec soulagement qu'il quitte la ville de son ex petite-amie. Il craignait de la revoir si c'était pour être pris d'une envie de l'étreindre à nouveau, ou pire, d'apprendre un jour son overdose. S'il est persuadé qu'il ne peut rien pour elle, il préfère ne pas le savoir, ne pas se faire ce mal. Pas facile de l'oublier pour autant, et c'est donc à corps perdu qu'il se jette dans ses études. Son travail aussi – parce qu'il faut bien la payer sa place à l'université – et c'est avec peu de temps-mort qu'il enchaîne sous la casquette d'étudiant et d'épicier dans une supérette de quartier. Deux ans plus tard... et c'est l'échec. Le burn-out. Rhys arrive à bout de lui-même, de jongler entre son boulot et ses études, d'assumer tant bien que mal sans en voir le bout. Peut-être pas assez bien dans sa tête à ce moment-là de sa vie non plus. Il finit donc par rentrer à Bishopville, la queue entre les jambes, et l'orgueil en berne. et puis... Le trentenaire voulait être architecte, et il finit les pieds dans le crottin : grâce à une brève expérience  dans un ranch, il est embauché depuis quelques mois comme palefrenier dans celui de la ville. Il en avait bien besoin, car il était fauché. C'est un ami qui l'héberge tout d'abord, avec qui la cohabitation devient rapidement une colocation. D'ailleurs, c'est en retrouvant la sœur de ce dernier, qu'il finit par se réconcilier avec l'idée d'être en couple : Martha est gentille, elle est patiente et indépendante. Elle ne lui en demande pas trop, lui qui n'est pas encore prêt à tout donner. C'est facile d'être avec elle, alors il ne se pose pas trop de questions. Il n'y a pas de dilemmes et des complications à tout va, elle a une vie stable et un job de secrétaire médicale. Est-ce qu'il l'aime ? ... bref. Rhys a la grâce d'un éléphant, non pas dans un magasin de porcelaine, mais sur une piste de danse. Il essaye d'éviter cette humiliation autant que possible. ++ Il a un certain mépris pour les réseaux sociaux. Autrement dit, non, il n'est pas sur facebook. ++ Les animaux ne l'aiment pas, il en est persuadé ! Ou, en l’occurrence, ils doivent plutôt sentir qu'il est tendu en leur présence et réagir en conséquence. En tout cas, le trentenaire a eu nombre de mésaventures, et il a même quelques (insignifiantes) cicatrices pour le prouver. Et ne parlons pas des oiseaux qui semblent systématiquement le prendre pour un réservoir à fientes. Non, vraiment, ils lui veulent du mal, il le clame haut et fort – de quoi bien faire marrer ses amis à chaque fois. Autant dire que si, pour l'heure, il est palefrenier par nécessité, il ne compte pas attendre qu'un des chevaux lui donne un coup de sabot pour changer de job à la première occasion donnée. ++ Il n'est pas un grand fan des tatouages. ++ C'est un mordu de musique, c'est rare qu'il passe une journée entière sans en écouter. ++  Il ne supporte pas qu'on lui mente, pour quelque raison que ce soit. ++ À l'adolescence, il a eu l'opportunité de découvrir qu'il adorait faire de l'escalade, et depuis il trouve régulièrement l'occasion d'en faire. Il fait aussi un footing quotidien, ou presque, et joue souvent au tennis avec un ami. ++ Il ne s'est jamais posé la question d'avoir ou non des enfants un jour. ++ Il l'avoue rarement, mais il a, encore aujourd'hui, le mal du pays. Malgré sa double-nationalité, il ne se sent pas du tout américain.