Une soirée bénéfice avait été organisée à l’école afin de récolter de l’argent pour augmenter le mobilier des classes. Une belle cause en soit, une soirée agréable qui s’annonçait. Dès qu’on nous avait présenté le plan, j’avais l’intention de payer ma contribution et m’y rendre. Mais avant que je m’indique comme étant présent à la soirée, on m’avait approché pour prendre des photos pendant celle-ci, en m’offrant de payer mon repas en échange. Je n’avais pas su refuser. Si c’était ainsi que je pouvais faire ma part, il n’y avait pas de problème. Après, j’allais trouver un moyen pour faire un don autrement. J’avais donc été embauché pour la soirée pour prendre des photos de la soirée, de son déroulement, des invités et tout ce qui venait avec. Ce que j’appréciai de tout cela était que je n’avais pas nécessairement senti de pression de prendre ces photos. J’avais été aussi en mesure de profiter de la soirée, en gardant toujours ma caméra non loin. Certainement que je n’avais pas bu autant que je l’aurais fait si je n’avais pas eu ce devoir à accomplir, mais ce n’était pas une perte, bien loin de là. La soirée était en train de prendre fin. Les convives quittaient parfois un à un, parfois en petits groupes. Personnellement, puisque je savais que Maverick ne m’attendait pas à la maison - il était chez ma soeur pour la soirée et pour la nuit - je prenais mon temps. Mais lorsque les derniers invités vinrent à quitter, je commençai à ranger mes affaires. Ma caméra soigneusement placée dans son étui avec tout le nécessaire qui venait avec, je balançai le sac sur mon épaule, puis j’allai à la rencontre du directeur qui m’avait demandé de prendre ces photos, lui disant que j’allais lui envoyer les photos dès que je les aurais traitées sur mon ordinateur. Ç’avait beau ne pas être un travail officiel, il n’en demeurait pas moins que je faisais comme tel, et j’allais lui donner un produit final de qualité pour les actualités et certainement les archives de l’école. Je me fis encore une fois remercier de mon travail, me fit souhaiter une bonne soirée, et je compris que c’était le moment pour moi de quitter. Mais alors que je prenais la route vers la sortie, mon attention se porta sur une personne. L’enseignante de mon fils. Elle était présente ce soir, je l’avais vue. Nous n’avions pas échangé vraiment, pas que nous ne nous entendions pas bien. Nous ne nous étions pas croisés souvent, mais je n’avais jamais eu de problème avec elle concernant Maverick, et ce dernier semblait l’adorer. Mais là, elle ne semblait pas avoir son enthousiasme du début de soirée. En fait, elle ne semblait pas… Nécessairement dans un état parfaitement sobre. M’approchant, je lui demandai:  « Vous allez bien… ? » Désormais à proximité, je pouvais la regarder un peu plus en détails, malgré la lumière tamisée, comme elle l’avait été pendant presque toute la soirée. Et à partir de ça, j’ajoutai:  « Je ne crois pas que ce soit une idée pour vous de prendre la route seule… » Je ne m’osai pas vraiment à lui demander si elle avait quelqu’un pour la raccompagner, mais je n’avais pas nécessairement envie de la voir conduire. Avait-elle quelqu’un pour la ramener ? Un taxi peut-être ? Je ne savais pas, et j’attendais de voir sa réponse, ce qui me permettrait aussi de savoir dans quel état elle était vraiment, si elle prenait la parole, bien évidemment.

Même si j’avais été appelé ainsi toute la soirée et que c’était chose tout à fait normale, je trouvais encore et toujours étrange de me faire appeler « Monsieur » par la jeune enseignante. Après, il fallait dire que j’étais issu d’une famille relativement simple. Après, j’étais conscient que c’était une formule d’usage que très certainement, la jeune femme se devait d’utiliser, comme moi d’ailleurs en fait. Je ne passai aucun commentaire, attendant simplement de voir comment elle allait réagir à mon propos. Je n’avais pas envie de la voir insultée ou quelque chose dans le genre. Elle avait beau être l’enseignante de mon fils, j’avais eu beau avoir que des rapports harmonieux avec elle, il n’en demeurait pas moins que je ne la connaissais pas tant que ça. Elle pourrait nier qu’elle avait trop bu ou quelque chose du genre. J’espérais juste que ce ne soit pas le cas, sachant très bien que je me sentirais particulièrement impuissant si une telle situation venait à se produire. Heureusement, ce ne fut pas le cas. En effet, elle semblait consciente du fait que conduire pour elle était tout sauf une bonne idée. C’était tant mieux. Pas tant pour le fait que ça montrait qu’elle avait quand même une certaine présence d’esprit, mais aussi parce que ce serait plus simple de lui venir en aide. D’ailleurs, ce fut sa seconde idée. Personnellement, je m’attendais à ce qu’elle me dise qu’elle avait quelqu’un pour la raccompagner ou autre, mais elle me demanda plutôt mon avis. Ce n’était pas mal, mais ça me prit un peu de court et surtout, l’idée de lui appeler un taxi et la mettre dedans me semblait soudainement très égoïste et peu sympathique. Inspirant, je finis par lui dire:  « Maverick dort chez sa tante ce soir. » Bon, en soi, ce n’était pas vraiment une réponse concrète. Mon but était surtout de rassurer la jeune femme par rapport à ce que j’allais dire par la suite, en l’occurence:  « Je peux vous raccompagner si vous voulez. » Puisque j’avais du temps, parce que personne ne m’attendait, ce n’était donc pas un problème. Voilà ce que je voulais lui signifier précédemment, en lui disant ce qui en était avec Maverick. Après, le choix restait le sien. Si elle voulait vraiment appeler quelqu’un d’autre ou un taxi, je n’allais pas lui reprocher. L’essentiel était, en mon sens, qu’elle retourne chez elle tout en sécurité.

Avoir pris part à une soirée avec des élèves, donc avec mon fils dans les environs, je ne savais pas si je lui aurais fait une telle proposition. Très certainement parce qu’elle n’aurait probablement pas bu autant. Mais là, nous étions entre adultes, alors personnellement, je ne voyais pas le problème. Maintes personnes étaient sorties au même moment de la salle et de ce que j’avais cru comprendre en les observant, en prenant des photos, ils n’étaient pas venus ensemble. Et puis, je lui proposais non pas pour quelconque idée mal placée, mais bien parce que je tenais à son bien-être et sa sécurité, et je me sentirais bien coupable d’apprendre lundi matin que l’enseignante de Maverick n’était pas là après avoir eu un accident ou quelque chose du genre, considérant que je pouvais y faire quelque chose pour le coup. En somme, tout me semblait bien normal, mais Jezabel accepta de façon conditionnelle. Au vu de mon état d’esprit, je me montrai quelque peu surpris de son commentaire, à un tel point que j’eus un rire nerveux dans un premier temps, supposant que c’était une blague. Puis, je réalisai rapidement qu’elle était sérieuse, quand elle dit que les gens aimaient lancer des rumeurs. Je devais avouer que l’idée me dérangeait un peu, non pas parce que je me sentais concerné, mais bien parce que je trouvais que c’était totalement immature venant d’adultes. Venant d’enfants, je pouvais comprendre, mais des gens matures et dans l’ensemble, intelligents ? Ça ne faisait pas vraiment de sens à mon avis. Quoi qu’il en soit, je finis par reprendre contenance, passer au-dessus, et lui dire:  « Ça ne devrait pas me poser trop de problème. » Je m’en étais tenu à une réponse relativement simple. Je ne pensais pas que c’était le moment de faire des réflexions trop profondes, sachant très bien que la jeune enseignante n’était pas dans l’état d’esprit de le faire. Pensant que c’était suffisant, et comme pour lui prouver - et me prouver à moi-même au passage - que ce n’était pas un problème, je lui tendis la main et je lui demandai:  « Prête à y aller ? » Et puis, lui tendre la main aussi pourrait lui permettre d’avoir un soutien si elle en avait besoin, puisque je ne savais pas à quel point elle était capable de marcher par elle-même. Dans le pire des cas, je pourrais toujours la lâcher, je ne voyais pas ça comme étant un véritable souci. J’espérais juste que ce ne soit pas un détail banal, une simple galanterie, qui pourrait activer la machine à rumeurs. Ce serait là bien idiot.