Mesdames et messieurs, veuillez attacher vos ceintures s’il vous plait. C’était le moment, nous arrivions à la fin de notre vol. Dans quelques minutes, nous allions être tout près de Bishopville, nouvelle destination, nouvelle vie. Oui, j’étais née ici, mais je n’y avais jamais passé beaucoup de temps. Je ne considérais pas que c’était ma ville natale. Par conséquent, c’était nouveau pour moi. Ce qui m’emmenait ici, c’était le désir de mon fils de commencer à neuf, et parce que ma petite soeur était ici. Ainsi, nous ne serions pas seuls, même si Noah et moi, nous ne l’étions jamais, mais c’était encore plus vrai, encore plus rassurant maintenant. Je bouclai ma ceinture, et voyant que mon fils était endormi - je ne comprenais toujours pas comment il faisait pour dormir dans l’avion, je n’y étais jamais arrivée moi - je le réveillai doucement en lui disant:  « Mon bébé, on atterrit… » Il avait beau avoir treize ans, en pleine puberté et être plus grand que moi, ça ne changeait rien pour moi. Et tant et aussi longtemps qu’il allait me laisser le faire, j’allais continuer à l’appeler ainsi. Cette fois-ci, il ne m’en voulut pas, acquiesçant, bouclant sa ceinture, prêt à l’atterrissage, qui se fit en douceur, qui se fit sans problème. Nous sortîmes de l’appareil lorsqu’on nous en donna la permission, passant la sécurité, allant prendre les bagages. Chacun une énorme valise et un sac. On apportait presque tout, c’était normal. Pas de meubles toutefois. Une fois que nous aurions trouver un endroit où vivre, nous allions rectifier le tir pour ça. Pour le moment, nous allons nous installer chez Céleste, qui devait d’ailleurs nous chercher à l’aéroport. Il me tardait de voir ma soeur, je n’allais pas le cacher. Du coup, je fus bien contente que tout se soit passé rapidement et que nous fûmes bien vite dans l’aire des visiteurs. Tenant Noah par la main, simplement pour ne pas le perdre dans cette foule, et il semblait le comprendre, je cherchai ma petite soeur du regard. Finalement, ce fut sa voix que j’entendis en premier. Et c’est là que je la vis, un porte-bébé contre elle. Écarquillant les yeux, je finis de m’approcher, passant outre ma surprise, me disant que je ne connaissais pas le contexte. Je la pris dans mes bras, en prenant soin de ne pas écraser le bébé qui était là, et je dis:  « Et moi donc, tu m’as manquée ! » Je laissai Noah saluer sa tante également, riant doucement au commentaire de cette dernière. Chose faite, je ne pus m’empêcher de demander:  « Et qui avons-nous là ? » À quelle point ma soeur m’avait fait des cachotteries ? Je ne pouvais pas lui en vouloir, mais j’espérais qu’elle n’allait pas tourner autour du pot, parce que ce n’était pas comme si elle pouvait ne pas me dire qui était ce bébé encore bien longtemps.

Je ris doucement lorsque ma soeur me menaça de ne jamais me laisser partir, répondant à son propos  « T’inquiète, je n’en ai pas l’intention. » Je ne niais pas le temps que j’avais passé à Hawaii. Si ça n’avait pas été de son décès et de la peine que ç’avait pu engendrer, certainement que j’y serais toujours. Mais changer d’air ferait du bien, et surtout, changer d’air avec une personne à qui je tenais, qui tenait à moi, ça me semblait encore mieux. J’étais un peu plus confiante pour l’avenir, même si bon, ça me terrifiait également. Mais ça, je ne pouvais pas le montrer, parce que j’avais mon fils qui comptait sur moi, et même s’il semblait garder sa composition pour le moment, je me doutais bien que ce n’était pas un moment facile pour lui non plus et je pouvais bien le comprendre. Ne me voyant clairement pas parler de ça, je m’informai auprès de ma cadette pour savoir qui était cette enfant qu’elle avait avec elle. Quelque chose me disait que j’allais avoir une surprise, mais une comme ça ? Je ne m’y en attendais clairement pas. J’écarquillai les yeux, me demandant si je me devais de lui demander pourquoi elle ne me l’avait pas dit avant. Céleste et moi étions plutôt proches, il me semble que ç’aurait été la moindre des choses qu’elle me tienne au courant, non ? Je ne voulais pas me vexer trop vite, du coup, je me montrai patiente, pour finalement réaliser que je n’avais pas nécessairement raison d’être vexée. La raison ? Elle ne savait juste pas qu’elle était enceinte. Une condition bien particulière mais qui pouvait arriver. Ce n’était pas arrivé à moi par contre. Je n’avais même pas encore fait un test que j’avais commencé à prendre des rondeurs. Après, il fallait dire que j’avais mis du temps à faire ce test, comme si je ne voulais pas l’admettre, me faisant croire que c’était le stress, le changement qui provoquait tout ça. Et maintenant, je ne pourrais pas imaginer ma vie sans Noah.  « Elle est adorable… » Je n’en dis pas plus, non pas que je ne voulais pas, mais parce que nous arrivâmes à la voiture et ce fut le moment pour Noah et moi de placer nos valises dans le coffre. Sans même se consulter, Noah s’installa à l’arrière avec sa cousine tandis que moi, je prenais place à l'avant, côté passager. Attendant que Céleste prenne place à mes côtés, je ne pus m’empêcher de lui demander, sur un ton taquin:  « Et… Vais-je rencontrer le père ? » Après tout, qui sait ? Peut-être fréquentait-elle quelqu’un et n’avait pas osé en parler ? Quoiqu’il en soit, il était évident que nous avions beaucoup, beaucoup trop à rattraper, et nous n'avions pas fini de discuter de tout et n’importe quoi, c’était évident.

Je ris de bon coeur au commentaire de Céleste concernant sa fille, comme quoi elle était mignonne le jour. Noah ne sembla pas réagir, me trouvant probablement étrange d’en rigoler, mais je ne lui en voulais pas. En fait, je supposais que c’était une blague que seuls les parents pouvaient vraiment comprendre. Me tournant vers mon fils, je me contentai de lui dire, une fois que je me fus calmée  « Tu as de la chance de dormir dur, mon bébé. » Il me sourit, timide, mais pas plus de réaction, je ne le lui reprochai pas, il n’y avait rien à lui reprocher pour le coup. Et puis, à un moment, il allait fort probablement s’en rendre compte, je supposais. Reportant mon attention sur ma soeur, la laissant s’excuser de ne pas me l’avoir dit avant, je secouai la tête pour lui montrer que ce n’était pas nécessaire, ajoutant au geste:  « Ç’a probablement dû être un choc pour toi, je comprends que ce n’était pas ta priorité et je ne t’en veux pas. Et puis, c’est une belle surprise d’arrivée ! » Évidemment ce n’était pas ainsi que j’envisageais nos retrouvailles mais ce n’était pas un drame, bien loin de là. Le trajet vers la voiture ne fut pas bien long, et une fois que j’en eus l’occasion, je cherchai à savoir si cela signifiait que ma soeur fréquentait quelqu’un, ce qui n’était pas le cas. Comment sa fille avait-elle été conçue ? Ex petit-ami ou relation d’un soir ? Céleste et moi nous étions proches, donc je supposais que si elle avait voulu me le dire, elle l’aurait fait. Ne voulant pas la forcer non plus, je me tus, la laissant reprendre la parole. Ses propos m’arrachèrent un sourire, et je lui répondis:  « Je suis heureuse d’être là aussi. Et ne t’en fais pas, je ferai tout pour t’aider. » C’était la moindre des choses à mon avis, compte tenu qu’elle nous hébergeait et juste ça, c’était énorme. Puisqu’il n’y avait pas que moi, il y avait Noah aussi, et même s’il n’était pas un adolescent en pleine crise, mais il était une personne à part entière qui prenait de la place dans la maison, et pourtant, Céleste ne semblait pas du tout ébranlée par tout ça.  « Et puis tu sais, je ne saurai pas résister à l’envie de la prendre et la gâter cette petite puce. » Jamais je ne me serais imaginée mère gaga ou quelque chose du genre, mais l’arrivée de mon fils avait changé bien des choses, sur mes perceptions, mes habitudes, bref, tout. Au début, ç’avait été déstabilisant, parce que je ne me reconnaissais pas dans tout ça, mais maintenant, je m’y faisais. Après je ne disais pas que j’étais parfaite, mais je pensais que je pourrais donner un coup de main à ma soeur si elle en ressentait le besoin. Sur une autre note, j’ajoutai aussi:  « Et puis je suis heureuse qu’on ne soit pas seuls, Noah et moi. » J’avais beau être née ici, je ne connaissais pas la ville, pas du tout même. Et puis, il y avait tant à changer dans notre mode de vie, notre façon de s’organiser, que cet appui, même par une présence, un petit regard, serait, en mon sens, plus que nécessaire pour remonter la pente et reprendre un quotidien qui n’allait certainement pas une ressembler dans un premier temps, mais que nous allions devoir nous approprier.

 « Il était temps. » fut ce que je répondis à Céleste à son commentaire, avec un petit air amusé. Je taquinais un peu Noah sur ce point, mais aussi, c’était la vérité. Ça n’avait pas pris une éternité pour que Noah dorme plus longtemps, mais les premiers temps, ç’avait été tout simplement infernal. Je ne souhaitais pas ça à qui que ce soit, encore moins à ma petite soeur. Et même si c’était bien difficile à contrôler, j’espérais vraiment que ce ne soit pas le cas pour sa petite fille. Si c’était possible, j’allais lui filer un coup de main, cela ne me gênerait pas, même s’il me faudrait me souvenir de certaines choses. Noah avait treize ans, après tout. Ça me donnait un désavantage, parce que j’étais rouillée, mais pour autre chose, c’était un avantage, puisque dans le cas présent, la menace de Céleste de montrer des conneries à Noah ne tenait plus vraiment. Je ne lui dis pas directement, me contentant de rouler les yeux avec un sourire, sachant que mon fils était assez mature pour ne pas plier à ce genre de chose. Après, s’il décidait de me jouer un mauvais tour, je ne pourrais pas y faire grand-chose, mais ayant confiance en ma cadette, je savais que ça n’allait pas prendre des proportions démesurées non plus, et je n’allais pas faire exprès pour faire des choses qui pourraient affecter l’éducation de sa fille non plus. Mais en tant que tante officielle, je pouvais quand même lui dire:  « La prochaine fois que tu as besoin de quelque chose pour elle par contre, préviens-moi, j’aimerais beaucoup t’offrir un cadeau, même si c’est en retard. » Et je ne l’avais pas dit sur le ton de la reproche. Céleste ne savait pas qu’elle était enceinte, ce n’était pas sa faute quand même. Mais là, j’avais bien l’intention de me rattraper. Le trajet entre l’aéroport et la demeure de Céleste fut plus court que je l’imaginais. C’était à peine si j’avais pu voir ce que la ville offrait. Il faudrait que j’apprenne à trouver mes repères, à commencer par l’école que Noah allait fréquenter, mon éventuel lieu de travail… J’avais fort à faire. Mais là, je décidai de me concentrer par sortir les bagages du coffre arrière avec l’aide de mon fils, puis suivre ma soeur à l’intérieur de la maison. Une grande maison, très jolie, bien entretenue. Je ne m’attendais pas à autre chose de sa part. Souriant à ses bons mots, je finis par dire:  « C’est joli… J’aime beaucoup. » Après ce n’était pas comme si j’avais nécessairement mon mot à dire sur celle-ci.  « Je peux poser tout ça où ? J’irais me changer aussi, après le trajet ce ne sera pas de trop… » Et je supposais que c’était pareil pour Noah. L’avion, ce n’était pas confortable, surtout après de nombreuses heures. Après, ce que nous pourrions faire, c’était Céleste qui pouvait décider. Après tout, elle avait son petit quotidien elle aussi, je n’étais pas là pour complètement le perturber.

Heureusement que j’avais un enfant, en fait. J’étais persuadée que si je n’étais pas passée au travers de tout ce processus qu’était d’avoir un bébé, se réveiller chaque nuit pour le nourrir, le changer, ou simplement le réconforter, l’éventualité d’entendre ma nièce pleurer dans la chambre d’à côté ne m’aurait pas plu, mais là, ce ne serait que me rappeler certains souvenirs, si je pouvais me permettre de le dire ainsi. Et puis ça me permettait aussi de me montrer utile pour aider ma soeur qui, je le supposais, aurait bien besoin d’une paire de bras supplémentaires. On en avait toujours besoin avec un jeune enfant, je l’avais compris bien rapidement. Et on avait aussi besoin de beaucoup de choses, d’où le fait que je refusais de lui acheter des peluches et autres trucs dont elle n’avait pas besoin. Enfin, me connaissant, je n’allais pas résister, mais pas à outrance, histoire de me montrer utile dans mes achats aussi. Céleste ne sembla pas détester l’idée, me donnant tout de suite l’idée de lui acheter des vêtements, se disant en manque puisqu’elle grandissait trop vite. Je ne pus m’empêcher d’avoir un petit sourire amusé, puis je répondis:  « J’en prends note. » Évidemment je n’allais pas y aller tout de suite, mais éventuellement, lorsqu’il me faudrait aller faire des achats pour cette nouvelle vie. Un petit détour dans une boutique pour bébés, ce n’était pas de trop, si ? Enfin pour ma soeur et ma nièce, rien n’était de trop. Arrivés à la demeure, je cherchai à savoir où je pouvais poser mes bagages, pensant que ce n’était pas de trop. Je laissai quand même Céleste aller déposer sa fille au lit, ne pensant pas que c’était pour nous libérer des mains, sachant qu’on s’en sortait plutôt bien, même si bon, ça commençait à peser un peu. N’ayant pas le temps de protester vraiment, je la laissai nous expliquer où nous devions nous installer. Déjà que nous avions chacun une chambre, c’était plus que demandé, alors partager une salle de bains ne serait pas un problème. Rapidement, je le fis savoir à ma cadette, lui répondant:  « Ne t’en fais pas, c’est parfait, merci encore, pour tout. » Évidemment avant de dire ça, j’avais regardé Noah du coin de l’oeil, et il ne semblait pas tant embêté, sachant que c’était pareil avant, là où on habitait. Nous arrivâmes donc à l’étage, tandis que Céleste se proposait pour préparer à manger, ce qui ne serait pas de trop après ce long vol. Avec le décalage horaire, c’était l’heure du petit-déjeuner pour Noah et moi. Encore une chose à laquelle il faudrait nous habituer. Posant mes valises dans la chambre qui était la mienne, je laissai mon fils faire de même, passant le voir en ne manquant pas de lui dire:  « Allez, va à la douche mon grand. Je serai au rez-de-chaussée. » Moi, ça allait. Noah, pas tellement. C’était la puberté qui commençait à le frapper. Le pauvre petit. Heureusement, il ne protesta pas, me laissant me rendre à la chambre pour enfiler un jogging et un haut plus confortables, ne pensant pas ressortir pour le moment. Sur ce, je descendis pour y retrouver ma cadette, et lui demander  « Tu veux que je t’aide avec le repas ? » N’ayant pas envie d’être l’invitée qui ne faisait rien non plus.

Céleste semblait vraiment se faire du souci concernant la salle de bains mais me concernant, ce n’était pas un problème. Je pensais lui avoir fait comprendre, mais je me rendis compte rapidement que ce n’était peut-être pas suffisant. Voilà pourquoi je vins à ajouter:  « Lorsque Noah était bébé nous partagions une salle de bains à trois… » avec un petit sourire qui se voulait rassurant. En effet, lorsque j’étais arrivée à Hawaii, je n’avais pas su me trouver une maison. Je ne connaissais pas celui qui avait partagé ma vie pendant un bon moment, donc j’habitais dans un appartement avec une colocataire qui m’était inconnue et qui en avait eu rapidement assez de tout ce qui impliquait de vivre avec un jeune enfant. Inutile de dire que notre colocation n’avait pas été harmonieuse, et heureusement, elle n’avait pas duré très longtemps. Donc une salle de bains pour Noah et moi, surtout qu’il était assez vieux et qu’il n’avait pas beaucoup de produits et ne prenait pas une éternité sous la douche… Enfin, quand il pouvait se le permettre c’était une autre histoire, mais pas au quotidien. J’espérais juste que ça n’allait pas trop changer au fur et à mesure que son adolescence progressait. Laissant Noah aller se doucher le premier, j’allai retrouver ma soeur, que je fis sursauter bien malgré moi à mon arrivée. Je décidai de ne pas trop m’en faire, supposant qu’elle était concentrée, perdue dans ses pensées… Ça arrivait à tout le monde de temps à autre, non ? Je l’écoutai plutôt me parler de ses choix alimentaires par rapport aux nôtres. N’ayant jamais été en contact avec elle dans son quotidien, je ne savais pas en quoi son régime alimentaire ressemblait, et l’inverse était aussi vrai. Mais au vu du métier de Céleste, je me doutais d’emblée qu’elle avait des restrictions, puis elle vient bien rapidement me le confirmer. Je ne pus m’empêcher de rigoler doucement au commentaire concernant Noah. Non pas qu’il était drôle aux premiers abords, mais dans ma tête, il devint très drôle, raison étant que:  « Il mange pour deux ces temps-ci… » C’était bien le seul souci niveau nourriture. Évidemment, j’allais m’assurer de faire ma part aussi bien que possible pour les courses, je n’avais pas envie que ma soeur se ruine, d’autant plus qu’elle avait la bonté de m’héberger. Je trouvai logique de lui dire:  « Quelles sont ses restrictions exactement ? Noah et moi nous ne sommes pas difficiles. Je pourrais trouver une façon d’adapter le tout. » Adapter surtout à l’appétit gargantuesque de mon adolescent en pleine croissance. C’était surtout ça que je voulais dire. Après, à voir ce que Céleste allait me dire pour que je puisse bien orienter ma réflexion.

La réponse de Céleste était attendue et, en quelques sortes, rassurante. Attendue parce que je me doutais qu’avec son métier, elle devait suivre un régime alimentaire santé. Mais à mes yeux, ce n’était pas trop drastique, par exemple végétarien ou vegan, quelque chose à quoi il serait beaucoup plus difficile de s’adapter. J’appréciais le fait qu’elle était consciente que me concernant, et surtout concernant Noah, ce serait peut-être un peu différent, mais je pris quand même la peine de la rassurer en disant:  « Je crois que ça ira. Et puis, je peux toujours t’aider ! Je suis là pour ça ! » En effet, je ne verrais pas de mal à cuisiner aussi, ajouter certains aliments dans l’assiette de mon fils pour sustenter son appétit de bête féroce. Et si Céleste devait vraiment résister aux tentations, comme les sucreries que Noah aimait de temps en temps, j’allais les garder dans ma chambre et voilà tout, ce n’était pas la fin du monde. Laissant Céleste préparer le biberon de sa fille, je me surpris à réfléchir au fait que si elle le souhaitait, je pourrais aussi prendre le relais là-dessus. Je ne lui dis pas, pas tout de suite, parce que je ne voulais pas aussi me montrer imposante, et puis, j’étais consciente que j’avais fort aussi de mon côté. Noah était autonome, mais c’était un changement considérable que je lui demandais en ce moment. Enfin, qu’il m’avait demandé plutôt, mais c’était à moi de m’assurer que tout se passe pour le mieux, je le savais. À la question de ma soeur, je lui répondis d’abord:  « Pas vraiment. » Je savais très bien que je ne pourrais pas pratiquer un métier comme celui que je faisais lorsque j’étais à Hawaii, et ce n’était pas mon idée. J’adorais mon boulot, mais la réalité n’était plus la même, loin de là.  « J’ai quelques économies, donc je pourrai prendre le temps de trouver quelque chose qui me plait. » Loin de moi l’idée de rester sur le canapé et ne rien faire. Mais ce temps, j’en avais besoin, et je voulais l’utiliser à bon escient, comme je tentai de le prouver, ajoutant:  « Et puis, j’aimerais que Noah et moi on prenne le temps de trouver nos marques ici. Je crois qu’il en a besoin, comme moi. » Trouver un logement pour nous deux, le laisser s’ajuster à sa nouvelle école, se trouver des amis. Et il y avait aussi un autre projet que j’avais en tête, à la demande de mon fils, mais je n’osai pas en parler, pas tout de suite. Je n’avais rien à cacher à ma soeur, mais je ne voulais pas en lancer trop en une seule fois.

J’étais contente d’aider et j’étais surtout contente que ma soeur accepte que je lui vienne en aide, d’où le sourire que je lui servis à sa réponse. Et puis, pour tout dire, ça me faisait sentir mieux, plus à l’aise de rester chez elle. Je savais très bien que ce n’était pas une situation permanente, bien que je ne pensais pas quitter cette demeure dans la prochaine semaine non plus, mais pour moi, c’était une façon de lui montrer ma reconnaissance de me laisser vivre ici avec mon fils. Ça venait me retirer aussi un poids énorme, parce que comme j’avais expliqué à ma soeur par la suite, je voulais prendre mon temps, m’assurer d’avoir de bonnes bases pour la suite, me poser aussi un peu si c’était possible. Céleste me donna raison dans mes intentions, ce qui n’était pas plus mal, mais la discussion n’alla pas plus loin, la petite Victoire venant nous interrompre quelque peu. Selon ma cadette, elle avait faim. Je la laissai donc aller chercher sa fille, ne voulant pas trop m’imposer. Mais je dus avouer que je ne fus pas déçue ou frustrée qu’elle me propose de lui donner son biberon. Au contraire, j’étais ravie de pouvoir finalement prendre ma nièce. Enthousiaste, je dis:  « Évidemment ! » avec un grand sourire. Bon, je savais très bien que je ne m’étais pas retrouvée dans cette situation depuis bien longtemps maintenant, mais je pensais que je savais encore prendre un bébé. Après, à voir comment elle préférait boire son biberon. J’espérais juste ne pas devoir batailler trop de ce côté. Finalement, je ne fis que la caler dans mon bras, lui offrant la bouteille, et elle se mit aussitôt à téter, ce qui me fit rire doucement. Au final, je n’étais peut-être pas aussi rouillée que je le croyais dans un premier temps. Ou bien Victoire et moi on s’entendait déjà bien ? Je n’irais pas jusqu’à dire ça mais je l’espérais d’une certaine façon. Continuant à lui donner son biberon, je pus reporter mon attention sur ma soeur, tandis qu’elle me demandait de garder sa fille de temps en temps. À mon avis, elle n’avait pas besoin de poser la question, et j’aurais voulu lui faire savoir en lui lâchant un « Bien sûr ! » bien senti, mais je n’en eus pas l’occasion, puisqu’elle vint à justifier pourquoi, d’une façon qui laissait planer des sous-entendus qui me rendaient beaucoup trop curieuse. Je ne pus donc faire autrement que de demander:  « Une « amie », vraiment ? » J’avais gardé un ton un minimum taquin quand même, histoire de ne pas me montrer trop insistante, surtout si elle ne voulait pas en discuter pour le moment. Mais elle ne pourrait pas s’en échapper éternellement, nous allions vivre ensemble, c’était légitime d’en savoir un minimum, non ?

Gloutonne me paraissait être un euphémisme au vu de l’enthousiasme avec lequel la petite buvait son biberon. Limite ça en était terrifiant, surtout quand on n’avait pas, ou devrais-je dire, plus l’habitude. Parce que je l’avais eue, il y avait de cela longtemps, comme je le prouvai à ma soeur, lui confiant:  « Noah était pareil quand il était bébé. » C’était à un point que je n’avais pas su lui donner le sein bien longtemps, c’était trop douloureux et exigeant de garder le rythme. J’étais passée au biberon bien rapidement pour cette raison, et Noah ne semblait pas avoir mal grandi pour autant, malgré les commentaires qu’on avait pu me dire à l’époque. Tirant un peu sur le biberon, j’invitai quand même Victoire à ralentir un peu, juste un instant. Je me fis répondre avec une petite lamentation mais je ne le pris pas mal. C’était un mal pour un bien à mon avis, histoire qu’elle ne régurgite pas tout son repas après l’avoir bu trop vite. Mais outre ça, elle ne m’en voulut pas trop, et c’était tant mieux. Parce que visiblement, ce n’était pas la dernière fois que j’allais m’occuper d’elle, si je me fiais aux propos de ma soeur, soeur qui voulait sortir malgré le fait qu’elle était mère. C’était tout à fait normal. Elle avait environ le même âge que moi lorsque j’avais eu Noah, cette réalité, je la comprenais parfaitement. Et puisqu’elle m’avait moi pour garder sa fille, elle avait intérêt à en profiter. Elle aurait très bien pu me le demander sans se justifier, mais elle l’avait fait, ce qui avait fait en sorte que je n’avais pas su faire autrement que de la taquiner. Et finalement, j’en avais appris plus que je ne le pensais dans un premier temps. Une ex avec qui elle voulait retenter le coup… C’était pas mal ça. Dangereux un peu ? Je ne saurais pas dire, je n’avais jamais vécu une situation pareille, sans parler que moi… C’était bien différent. Avec un sourire amusé, je lui dis:  « Ne te gêne pas pour la voir alors. Et j’espère que tout se passera pour le mieux entre vous. » En fait, je me sentais bien mal placée pour essayer de lui donner un conseil ou quoi que ce soit du genre. Voilà pourquoi je ne voulais pas m’avancer, mais je demeurais une oreille attentive, prête à écouter ma soeur si elle ressentait le besoin d’en parler davantage.