Beaucoup de choses s’étaient passées en peu de temps. Mon retour avait été mouvementé et émotif, c’était évident. Chaque jour, c’était un nouveau défi, une nouvelle adaptation. Puis, nous avions appris qu’Hazel attendait un enfant. Pouvais-je me refermer à l’idée d’être père à nouveau ? Absolument pas. Je voyais l’arrivée de ce bébé comme une seconde chance d’être présent pour un enfant, notre enfant. Je n’avais pas su l’être avec Freddie comme je l’aurais voulu après tout. J’avais raté maintes premières fois, et je savais que jamais je ne pourrais rattraper ça avec notre fils, mais si je pouvais le faire avec un autre enfant, il était certain que je le ferais au mieux. Et pour ces raisons, pour être un meilleur mari, un meilleur père, j’avais choisi de me prendre en main, définitivement. J’avais commencé à chercher un thérapeute qui pourrait me suivre et m’aider avec mes traumatismes et mauvaises expériences - et je ne voulais pas aller voir n’importe qui, vu tout ce que j’avais pu vivre, tout ce que je pourrais confier. J’avais aussi décidé de me trouver un nouvel emploi. Pas que le métier ne me plaisait pas, mais parce que je sentais que je pouvais faire mieux, que je pouvais apporter plus. Au départ, je n’avais pas d’idées. Puis, j’étais tombé sur une opportunité; agent de sécurité. Je ne savais pas si je saurais le faire, mais ça semblait être dans mes cordes, plus que de travailler dans un restaurant. Finalement, j’avais eu l’emploi, je commençais dans quelques jours. J’avais démissionné du restaurant, ce qui me permettait d’avoir quelques jours de congé et de transition entre les deux. Ces jours, ils concordaient avec le moment où Freddie passerait quelque temps avec un ami à sa maison de campagne, me laissant seul avec mon épouse. Allais-je m’en plaindre ? Certainement pas. Mais bien rapidement était venu l’idée de prendre ce temps pour nous, souligner ces changements, partir à l’extérieur de Bishopville, pour changer d’air, pour prendre des vacances comme nous n’avions pas su en prendre depuis notre lune de miel. Destination; Myrtle Beach, à deux heures de notre domicile. Un trajet simple, mais parfait pour quelques jours. Le matin, nous avions donc préparé les valises et nous avions pris la route. Naturellement, j’avais décidé de conduire, d’autant plus que le trajet n’était pas long. Malgré ça, mon épouse s’était endormie sur le siège passager. Lui en voulais-je ? Pas du tout. Même si je pourrais excuser cela sur sa grossesse, je ne le ferais pas, je ne saurais pas lui en vouloir de quoi que ce soit. Toutefois, lorsque nous arrivâmes devant l’hôtel, j’eus la tâche de la réveiller, ne pouvant la laisser dans le véhicule. Coupant le contact, je pris sa main, et je me penchai pour l’embrasser sur la joue, lui chuchotant:  « Mon ange… Nous sommes arrivés… » Après si elle voulait encore se reposer un peu, nous pourrions toujours aller à notre chambre, d’autant plus que nous allions y déposer nos valises de toute façon, dès que nous aurions les clés.

Voir mon épouse se réveiller et dire, aussi enthousiaste qu’elle pouvait l’être dans une telle situation, qu’elle était contente que le trajet ait été rapide, était tout simplement adorable, si bien qu’elle m’arracha un sourire. Je n’insistai pas davantage, me contentant de lui laisser quelques secondes pour pleinement émerger, ouvrir les yeux s’étirer un peu - la voiture n’étant pas nécessairement l’endroit le plus spacieux pour ce genre de chose - et prendre pleinement conscience de ce qui se passait. Acceptant et répondant rapidement à son baiser, je la trouvai encore plus mignonne, si c’était possible, lorsqu’elle me demanda d’aller manger une glace, un peu comme une enfant. Je ne lui en voulais pas, nous étions là pour prendre du temps ensemble, peu importe ce que nous allions faire. La plage, se promener, visiter, acheter une peluche souvenir pour Freddie - impossible de l’oublier - ou manger une glace, comme elle le voulait en ce moment. Personnellement, la faim ne me travaillait pas tant, mais j’étais d’avis que ce n’était pas nécessaire d’avoir faim pour aller manger une glace quelque part. Où par contre ? Pour le moment, je ne saurais pas le dire. Il faudrait faire une recherche, poser la question à une personne qui le saurait mieux que nous, ça restait à voir. Mais pour le moment, je me contentai de répondre:  « Bien sûr, allons-y. » Maintenant ? Sans savoir ? Je ne savais pas encore par contre. Il me restait encore une question à régler, et pour ne pas faire attendre trop mon épouse, je crus bon de lui demander:  « Tu veux aller déposer nos bagages dans la chambre avant ? » J’étais curieux de voir à quoi notre chambre allait ressembler, même si ce n’était que pour quelques secondes, mais si j’attendais que nous soyons allés manger une glace, j’allais le faire, je n’allais pas en faire tout un cas. Après, je n’étais pas certain que vu l’air endormi de mon épouse, nous allions faire un arrêt de quelques secondes pour ressortir de la chambre - et aussi parce que bon, nous retrouver ferait du bien, je ne le niais pas - du coup, nous pourrions bien aller prendre une glace et revenir après. J’avais soulevé l’idée, mais après, je crus bon de lui dire que l’un ou l’autre allait, ajoutant:  « C’est comme tu le souhaites mon amour. On peut aussi aller chercher une glace avant. », lui laissant l’entière liberté du choix pour ça.

Finalement, aller déposer les bagages dans la chambre aurait la priorité sur la glace. Pas très longtemps, j’en étais persuadé, mais quand même. Et pour tout dire, moi aussi j’étais un peu impatient de voir la chambre. Pas nécessairement avec l’enthousiasme de mon épouse, mais aussi parce que j’étais un peu nerveux, nerveux que cet hôtel ne convienne pas, que les photos vues ne soient pas représentatives de la réalité ou que la réservation ne soit pas bien faite. Ce dernier était probablement ce qui me stressait le plus. Avec ces cinq ans d’absence, j’étais loin d’être habile avec les ordinateurs et Internet. Donc réserver en ligne, trop peu pour moi. Le simple fait d’appeler m’avait manqué pour le coup, mais j’apprenais à faire avec. Je n’avais pas tellement le choix pour tout dire. J’étais donc prêt à sortir de la voiture pour aller prendre nos valises - hors de question qu’Hazel transporte quoi que ce soit de trop lourd, et puis, nos sacs n’étaient pas bien énormes pour quelques jours de vacances - mais je fus arrêté dans mon intention par mon épouse qui reprit la parole, expliquant encore plus pourquoi le passage à la chambre était une idée pertinente, voire nécessaire la concernant. Bon après, pour moi aussi ce ne serait pas de refus, mais me souvenant à quel point elle avait toujours besoin d’aller aux toilettes lorsqu’elle était enceinte de Freddie - pas question d’aller où que ce soit où il n’y en avait pas à proximité d’ailleurs - pour elle, c’était une nécessité. J’eus un air encore plus amusé qui ne me quitta pas à sa question, question à laquelle je répondis:  « Non, mais je m’en moque, c’est comme ça que je t’aime. » Avec ses habitudes, avec les petites manies qu’elle prenait avec sa grossesse, comme elle était, tout simplement. Après tout ce temps, Hazel restait la femme la plus exceptionnelle du monde à mes yeux, et le resterait. Et maintenant, j’avais moins de mal à l’idée d’être ouvert par rapport à ce que je ressentais. Je n’avais jamais failli à dire à Hazel que je l’aimais, mais jamais comme ça. Me sentir plus libre me changeait, et ce n’était pas un changement qui me faisait peur ou qui me rendait inconfortable. Je ne m’attendais pas à ça, mais j’essayais d’embrasser la situation aussi bien que possible.  « Allez, il ne faut pas perdre de temps pour que tu soulages cette vessie ! » Sur ce, je sortis bel et bien du véhicule, me rendant dans le coffre arrière pour récupérer les deux sacs qui nous servaient de bagages. Un dans chaque main, je fus soulagé de voir que la porte d’entrée de l’hôtel s’ouvrait automatiquement. À la réception, pas d’attente, tant mieux. Et c’est là que je me sentis un peu plus stressé. Je donnai mon nom, puisque c’était sous celui-ci que j’avais effectué la réservation. La réceptionniste chercha, chercha, pour finalement… trouver. Quel soulagement, je ne pus m’empêcher de soupirer, en tentant de faire ça le plus discrètement possible. Elle me tendit les clés, mais je ne les pris pas, regardant mon épouse en lui disant:  « Tu nous fais l’honneur ? » Non seulement parce que j’avais les mains pleines avec les bagages, mais les dames d’abord après tout aussi, non ? Enfin, je trouvais que c’était plus normal de la laisser ouvrir la porte de la chambre en premier, même si avant ça, il nous faudrait prendre l’ascenseur pour y arriver, ce qui, je supposais, ne serait pas bien long, celui-ci étant bien visible dans le hall d’entrée.

C’était évident que ma femme ne saurait se retenir plus longtemps d’aller aux toilettes, ça se voyait dans son visage, dans sa façon de se comporter. Ne voyant pas l’intérêt de la taquiner et de l’embêter encore plus, je ne dis rien dans le trajet en ascenseur, comme je ne dis rien au moment où elle voulut ouvrir la porte, même si pendant un instant, je fus quelque peu inquiet, limite persuadé qu’elle allait se lâcher par terre. Mais elle se retint, encore plus que je le pensai, puisqu’elle prit même quelques secondes pour regarder la chambre avant de piquer un sprint vers la salle de bains. Je n’allais pas le nier, cette dernière partie me fit quelque peu rire. Je rigolai toutefois discrètement, arrêtant rapidement, sans toutefois m’empêcher d’avoir un sourire en coin tandis que j’en profitais pour installer nos bagages dans un coin de la chambre afin qu’ils ne viennent pas nous gêner. Hazel revint vers moi quelques instants plus tard, s’excusant de l’urgence. Secouant la tête doucement pour lui montrer que je ne lui en voulais pas, j’ajoutai ensuite:  « Tu n’as pas à t’en excuser voyons. » Je me doutais bien que ça devait être inconfortable pour elle, mais pour moi, c’était surtout signe que notre petit bout poussait lentement, mais sûrement. C’était le genre de détails que je n’avais pas su observer au quotidien lorsqu’elle était enceinte de Freddie. Je savais que ça ne venait pas remplacer sa première grossesse, mais j’étais content de pouvoir être là, cette fois-ci, et pas seulement de façon sporadique. Esquissant un sourire à son commentaire, j’y répondis:  « Et c’est à nous… » Oui, cette chambre était à nous. Pour quelques jours, certes, mais j’étais persuadé que nous saurions en profiter comme cela nous plaisait. Prenant la main de mon épouse, je l’approchai vers moi pour l’embrasser tendrement, et dire ensuite contre ses lèvres :  « Je suis heureux d’être ici, avec toi… » Mes propos étaient sincères, mais surtout, ils dépassaient les simples vacances. Il y avait de cela un an, jamais je n’aurais cru ça possible, de la retrouver ainsi. Et ça me rendait un peu émotif, je ne pouvais pas vraiment le nier, mais ce n’était pas une mauvaise chose, bien au contraire, à mon avis.