Tout ça est difficile pour toi. Émotionnellement parlant, c'est compliqué. Laisser tomber les armes, abattre les murs grâce auxquels tu avais tenté de te protéger, les apparences derrières lesquelles tu t'es cachée afin de ne pas craquer, afin de ne pas te laisser abattre. Sans Hugo, tu avais envisage le pire. Tu n'en avais jamais parlé parce que c'était un signe de faiblesse. C'était tout simplement inacceptable. Ton père avait veillé à te protéger même s'il pouvait tomber mais ses amis n'étaient pas du même avis, eux. Ils risquaient trop gros, même pour la vie de la fille d'un de leurs amis. Sa main autour de ton cou t'angoisse. Ton corps ne réponds plus de rien, tu es juste envahie par la peur. Toi qui avais envisagé le pire.

Ses mots sont comme des coups de poignard en plein coeur. Les larmes te montent aux yeux presque directement. Ils avaient raisons, c'est de ma faute. Si j'avais pas vu tout ça, tu n'aurais jamais vécu ça. Tu aurais été plus heureux si tu ne m'avais pas rencontré. Et ce, malgré tout les projets que vous aviez ensemble. Ta main vient se poser contre la sienne, ton regard croisant le sien. La douleur se lit au fond de tes yeux. Sans toi, j'ai songé à en finir. L'idée de ne plus te voir était trop douloureuse. Je voulais pas vivre dans un monde où tu n'étais pas là... Où j'avais ta potentielle mort sur la conscience. Parce que ça aurait pu arriver. Il aurait pu mourir, tu aurais pu ne plus jamais le revoir.

Tu te blâmes pour ces choses que tu as pu voir. Pour ce qu'il a vécu simplement parce que tu étais au mauvais endroit et au mauvais moment, parce tu as été présente lorsqu'il s'est produit une horreur, un meurtre de sang froid sous tes yeux. Tu n'as jamais revu ta famille depuis qu'ils t'ont placé sous programme de protection des témoins. Si tu étais là lorsqu'ils sont passés pour enlever Hugo, c'est probablement toi qu'ils aurait enlevée et pas lui. Lui ne méritait pas ça. Il n'a rien vu, il n'était même pas présent. C'est pas lui qui aurait dû vivre cette enfer.

Bien-sûr que tu es à deux doigts de t'effondrer. Tu as gardé ça pour toi durant quatre ans. Ici, les gens n'ont même pas connaissance de ta véritable identité, de l'intégralité de ton histoire. Mais Rafael sait tout, lui. Il est le seul à Bishopville à avoir connaissance de chacun des détails. Il était l'homme qui partageait ta vie, l'homme que tu aimes. C'est pas toi qui aurait dû vivre ça. C'est moi. C'est même sûrement moi qu'ils cherchaient en réalité vu qu'ils voulaient pas que je parle. Tu lui confies le fond de ta pensée. Ses mains sur ton corps te surprennent, ça faisait longtemps qu'il n'avait même pas osé toucher ta main, alors la chute de tes reins? Sûrement pas. Il vient même frôler tes lèvres de la main où il n'a pas de peinture.Je me déteste, moi. Jamais tu n'aurais dû connaître cette horreur. Si j'avais pas assisté à ce carnage, tout ça ne serait jamais arrivé. Je suis tellement désolée... Pour autant, il a raison sur un point : tu n'avais rien demandé. Tu aurais préféré ne jamais assister à ça, vivre innocemment, sans te douter de quoi que ce soit. Évidemment que les projets que tu imaginais pour votre avenir étaient bien plus heureux que votre vie actuelle.

Cacher ce que vous ressentiez tous les deux n'est tout simplement plus possible. Il faut que ça sorte pour aller de l'avant, enfin essayer puisque ce n'est malheureusement pas aussi simple que ça. On parle d'une vie volée, d'un drame duquel se remettre avec du temps et de la patience, malgré toutes les difficultés qui peuvent se mettre en travers de votre chemin. Tu es là pour lui, tu le seras toujours. C'est ton rôle, la place que tu désires avoir à ses côtés. Tu n'es peut-être pas mariée à Hugo, mais suffit-il d'une bague pour se dire que cette histoire, c'est pour le meilleure comme pour le pire ? Pas vraiment. Maintenant que vous traversez le pire, tu n'as qu'à espérer que le meilleur est à venir.

Ton père avait essayer. Mais pas assez fort, pas suffisamment. Il n'a pas su empêcher ses amis de te faire souffrir, de s'en prendre à ton petit ami car tu n'étais pas là lorsqu'ils sont venu pour te chercher. Parce que c'est lui qui a encaissé pour toi, lui qui a souffert. Parce que son absence était douloureuse, que c'était un autre moyen de te faire souffrir. Bien-sûr que si, j'aurais pas dû sortir ce soir là. J'aurais dû te proposer de fuir la ville. Tu aurais pu, mais il est trop tard. Avec des "et si", tu pourrais refaire le monde. La peine se lit sur les traits de ton visage. Ton regard s'accroche au sien. Lui et ses amis, oui...

Tu te culpabilises parce que c'est pas lui qui aurait dû vivre ça. Tu n'aurais peut-être pas réussi à le supporter. Ou alors tu n'en serais pas sortie vivante puisqu'ils t'avaient menacé très clairement de te tuer si tu venais à ouvrir la bouche pour parler. Maintenant il faudra le temps, mais tu ne peux pas. t'empêcher de te demander ce que serait votre vie si vous étiez parti, si tu n'étais pas sortie, ou si ton père n'était pas ce qu'il était, tout simplement.

J'en ai rien à faire. Lui réponds-tu du tac au tac, sans même y réfléchir. Réponse triste et pourtant sincère, ce sort t'étais certainement destiné et pas à lui.  C'est difficile de vivre ça. Difficile à encaisser. La seule chose qui me rassure, c'est qu'il ne pensera jamais à venir nous chercher ici. Pour autant, je m'en sens responsable tu sais.... Bien-sûr que tu lui en veux. Il savait pas être le bon père de famille, celui à qui on peut éventuellement reprocher un adultère, mais pas un meurtre ! Pas ce qu'il t'as fais vivre non plus ! Il t'as bien dit de venir? Tu as bien entendu ? Ton regard croise le sien durant quelques instants. Tu t'approche de lui afin de te blottir contre lui. Tu fais preuve de toute la délicatesse possible afin de ne pas l'effrayer, de ne pas aller trop vite. Je t'aime Hugo... Tu ne lui avais pas dis depuis quatre ans. Quatre ans sans pouvoir lui prononcer ces quelques mots.

Ton père irait plutôt te chercher dans des grandes villes, tout comme ses amis. Tu es presque persuadée que ce n'est pas à Bishopville qu'on viendra te chercher. Tu te dois te protéger Hugo, de protéger ta famille. Tu as besoin de te dire que tu es en sécurité, que ça ira. On ne t'as pas placée sous protection des témoins et on ne t'as pas demandé de changer d'identité sans raison après tout. Peut-être pas mais j'aurais dû me douter que ça tournerais mal. J'ai été naïve de me dire que ça irait. Qu'on s'en sortirait et qu'on vivrait une belle histoire... Juste ça. Toi dans ses bras, lui qui ne te repousse pas. Tu lui as même dit que tu l'aimais et lui aussi, même si ce n'est pas les mots qu'il a pu prononcé. Vu votre histoire commune, c'est déjà énorme comme effort. Comme changement. D'autant plus que les contacts physiques ont été absents et, il faut l'avouer, tu as évité un maximum d'être trop près de lui. Pas parce qu'il te dégoute ou quoi car ce n'est absolument pas le cas. Simplement pas culpabilité, parce que tu te sens mal de ce qu'il a vécu. Tous les deux, vous venez de loin et c'est un beau bout de chemin que vous accomplissez ensemble.

Tu t'en sens responsable. Ce n'est pas nouveau. Depuis qu'il est disparu tu t'en veux, tu culpabilises et tu regrettes amèrement. Et si? Tu t'es posé cette question mille fois. Avec diverses options, divers contextes. Sauf qu'avec des si, tu pourrais refaire le monde. Et si tu avais fuis avec lui. Et si tu ne l'avais jamais rencontré. Et si tu n'étais pas sortie ce soir là. Et si t'avais réfléchis davantage. Forcément qu'en quatre ans, tu as eu le temps de retourner la questions sous toutes ses formes. Il pleure, tu verses quelques larmes à ton tour. Lui qui ne voulais même pas toucher ta main avant ce soir, il te demande de l'embrasser? Tu te sens mal. Tu en as envie, oui. Mais pas comme ça. Je ne peux pas, j'suis désolée... J'peux pas... Tu baisses la tête, fuyant son regard. C'est plus fort que toi.

Ce n'est pas qu'il te dégoute, que tu ne supportes pas de voir son corps. Au contraire. T'en meurs d'envie mais tu réalises bien qu'il n'est pas prêt pour ça. C'est pour cette raison que tu as préféré refuser, même si c'était à contre coeur. Il s'éloigne de toi, t'es à deux doigts de fondre en larmes. Tu le laisses partir. Tu prends de quoi t'essuyer dans la cuisine afin d'effacer les traces de peintures qu'il a pu laisser sur ton corps. Tu files ensuite t'habiller, tu enfiles un pull blanc à manches longues, un jeans et une paire d'escarpins. Tu respectes son intimité et tu ne rentres pas dans la salle de bain. Tu t'arrêtes face à la porte. Je n'ai pas refusé parce que je ne voulais pas... Je ne peux pas. Tu n'es pas prêt pour ça. On est pas prêt... Tu préfères en rester là, voulant ainsi éviter de faire pire que mieux. Tu t'éloignes de la porte. Tu récupères ton sac à main avant de quitter la maison dans le but de t'aérer l'esprit. Tu en as clairement besoin vu ce qu'il vient de se passer.

Tu as quitté la maison sans perdre de temps suite à cet échange. Tu as laissé ton téléphone à la maison pour être tranquille, tu as besoin de prendre l'air et d'évacuer un peu. D'un point de vue émotionnelle, c'est assez compliqué pour toi d'encaisser. Pourtant t'es pas du genre à démontrer quand ça va pas mais tu ne peux pas toujours le cacher, malheureusement. Tu es donc injoignable pour l'instant et c'est volontaire. Tu ne pensais cependant pas en avoir besoin.

Sauf qu'une fois à l'extérieur, tu t'es sentie suivie par quelqu'un. Tu te doutes de qui il s'agit. Tu n'es donc pas en sécurité. Tu as tenté de le semer, il t'as fallu presque une demi heure avant de ne plus te sentir suivie. Une tactique? Ou tu l'as réellement semée? Il faut que tu retrouves ta maison. T'es rentrée chez toi complètement paniquée. T'es directement allée t'enfermer dans la salle de bain, tu as fermé la porte a clé derrière toi afin d'y rester seule. Tu te laisses glisser le long de la porte, t'installant par terre. Encore une fois, tu lui amènes du danger? T'es définitivement pas sereine. Tu n'as même pas croisé Hugo, tu ne sais pas ce qu'il a foutu quand t'es partie. Tu réalises juste après que ça sent bon.

Tu ne veux pas lui faire face, t'en es tout bonnement incapable en réalité. Tu es en danger, il est en danger également et tu ne peux pas. Tu vas devoir en arriver à une décision radicale, tu ne peux pas continuer à te montrer égoïste pour vivre le restant de votre histoire sans même savoir s'il y a quelque chose à sauver, même si c'est triste à dire. Il n'y a rien à dire. La tonalité de ta voix est froide. Des larmes coulent le long de ta joue mais tu ne veux pas qu'il le sache. Tu dois le protéger puisque tu n'y es pas parvenue la première fois.  Tu restes dos à la porte, tu ne veux pas le voir parce qu'il le saura. Il s'en doutera. Je peux plus Hugo... C'est terminé... Ça te brise le coeur de prononcer ces mots. Tu voudrais te réveiller de cet immense cauchemar qui n'en finit plus.

Tu ne peux pas continuer à le mettre en danger ainsi. Peut-être aurais-tu dû les laisser s'en prendre à toi pour te protéger? T'espérais être en sécurité mais il faut se rendre à l'évidence, ce n'est visiblement pas le cas. C'est trop tard, j'ai pris ma décision. À chaque paroles prononcée, ton coeur se brise un peu plus. Tu n'en as pas envie, mais tu dois cesser d'être égoïste. Tu ne veux plus lui imposer ça. Il est temps que tu le libères. C'est pas la question, ok? C'est pas ça le problème. Ne cherches pas à comprendre. Tu l'entends sangloter, c'est juste horrible. Mais tu te dois d'aller jusqu'au bout. C'est pour lui que tu le fais.