Cela faisait maintenant quelques jours à peine que tu étais arrivé à Bishopville et peu à peu, tu te familiarisais avec ton nouvel environnement. Que ça soit l'endroit où tu vivais désormais ou même la ville, tu avais un peu de mal à te faire au changement, mais t'avais visualisé un peu toutes les choses à faire dans le coin et c'était pas trop mal pour une petite ville comme celle ci. De toute ta vie, t'étais jamais sorti de New York, hormis pour quelques escapades scolaires et à vrai dire, partir à la découverte du reste du monde te donnait envie. Tu ne savais pas si tu vivrais toute ta vie ici ou si t'allais encore changer, tu verras probablement en fonction des occasions qui se présenterait à toi, mais tu devais admettre que tu te plaisais plutôt bien par ici. Ton géniteur n'était pas un homme horrible avec toi, même s'il avait l'air d'avoir un sacré caractère. Mais il semblait assez impliqué depuis que tu avais fait irruption dans sa vie et ça, c'était un changement. En quelques jours seulement, tu pouvais dire que tu n'entretenais pas les même rapports entre ton géniteur et toi, qu'avec le père Ryder et toi.

Et puis au moins ici, t'avais plus de possibilités. T'avais toujours fait les choses selon ton plein gré et ça n'avait pas changé, tu partais comme bon te semblait, tu faisais un peu ce que tu voulais. T'avais profité d'une journée sabbatique pour aller prendre quelques photos de la ville, de ses habitants, afin de mieux étudier ce qui se passait dans les environs. Y'avait des choses sympa à immortaliser, et puis les environs étaient très différents de New York. T'avais pu aller en campagne. D'ailleurs, t'avais repéré qu'il y avait un ranch dans le coin et tu t'étais dit que ce serait cool d'y faire un tour un jour ou l'autre. Pour le moment, tu voulais te faire plutôt discret, tu ne connaissais personne et c'était une aubaine. Enfin, si, t'avais fait la rencontre d'une fille qui avait environ ton âge et qui, dès la première rencontre, t'avais mis son numéro sur ton téléphone. C'était pas rien. T'avais même failli te faire tuer en lui sauvant la vie et il fallait dire que t'avais apprécié l'expérience, même si t'avais échappé de peu à la mort. T'étais pas assez fier de toi cela dit, et tu voulais aller encore plus loin, apprendre à mieux te défendre, à mieux réfléchir, à être encore plus intelligent que tu ne l'étais déjà.

La journée n'avait pas été des masses productive. T'avais passé une majeure partie du jour à jouer avec ton couteau, à t’entraîner au lancer en visant un point en particulier sur un mur en bois. C'était un peu comme jouer aux fléchettes mais en mieux. Après quoi, tu t'accordas une pause en te dirigeant au bar pour te servir d'un petit cocktail. Tu avais bu tes premières gorgées lorsque t'entendis la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer brutalement. Intrigué par l'éventuel visiteur, t'avais pris ton verre avec toi et tu t'étais dirigé vers le hall d'entrée. Un homme se tenait debout à quelques mètres de toi et tu le dévisageas un long moment. A première vue, la joie ne s'émanait pas de lui.

"Oh tiens, de la visite, encore. Je peux t'aider peut être?" demandas-tu calmement avant de boire une nouvelle gorgée de ton verre par la paille.

Depuis que t'étais arrivé à Bishopville et que tu vivais sous le toit de ton géniteur, t'avais pas eu l'occasion de rencontrer le reste de ta "famille". Pourtant, derrière tes grands airs, tu t'en fichais pas, ça t'intriguais. T'avais toujours grandi en pensant être une sorte de rescapé, le dernier de ta lignée ou quelque chose dans le genre, alors apprendre que t'avais d'autres membres de ta famille t'avais rendu un peu joyeux. T'étais patient cependant et tu prenais le temps de te familiariser avec ton nouvel environnement. Au final, t'étais plutôt ravi de ne pas rencontrer tout le monde à la fois, fallait bien que tu prennes le temps d'étudier les choses, d'être bien dans ce nouveau cadre. Et pourtant, c'était pas gagné. La vie ici était carrément différente de New York. Déjà parce qu'il y avait moins de monde, et de ce que t'avais pu constater, les gens semblaient aussi être différents. Tu ne savais pas encore si c'était en bien ou en mal que tu pensais ainsi, ta venue était encore trop récente ici pour que tu puisse le constater par toi même. Mais de ce que t'en avais vu, t'aimais bien être ici. Les paysages n'étaient pas les même, c'était un peu moins stressant, plus détendu. T'en deviendrais presque nostalgique. C'était comme si t'étais en vacances. Le hasard du calendrier avait voulu que tu débarques là à la fin de l'année scolaire, ce qui accentuait encore plus cette impression.

En faisant face au nouvel invité, tu devinas qu'il était de ta famille. Ne serais-ce que par le regard qu'il te portait, il avait un étrange air de famille et en plus, il était tout aussi énervé que Kaj le jour où tu l'avais rencontré. C'était comme le retrouver une seconde fois. Toi, t'étais calme, mais tu savais pas pour combien de temps. L'inconnu te reconnu, prononça ton prénom en devinant qui tu étais. Visiblement, on avait parlé de toi.
"C'est bien ça. Et toi tu dois être de la famille j'imagine? Un frère de Kaj? Evan, peut être?"
En même temps, t'avais pas le prénom des autres, mais peut être que tu te trompais. Tu l'avais désigné comme étant son frère parce que c'était pratiquement les seuls membres de la famille dont ton géniteur t'avais parlé mais si ça se trouvait, c'était quelqu'un d'autre sorti de nul part. Tu ne connaissais pas grand chose de Kaj, tu ne savais pas qui lui rendait visite, mais tu te souvenais des messages qu'il avait laissé, notamment pour désigner Evan. Et bizarrement, ça coïncidait plutôt bien à la personne que tu avais devant toi.
T'avais voulu être sympa. Enfin presque. Si tu lui avais demandé si tu pouvais l'aider, ça n'était pas tellement dans ton intention de le faire. Tu te fichais pas mal de ce qui pouvait le tracasser, c'était simplement un moyen de t'introduire à lui. Pourtant, la réaction qu'il eut ne te plut pas des masses. Il commença par te voler ton verre afin d'y boire son contenu, mais c'était pas ça qui te mit en rogne. Un verre, c'était facile à avoir, suffisait d'aller en chercher un autre. Non, il te désigna directement être un gamin de quinze ans et tu fronças les sourcils. Ce n'était pas exactement le fait de te désigner comme tel, t'avais seize ans après tout, il était pas loin du compte. Mais l'attitude et la manière dont il se comportait avec toi, ça ne passait pas. Tu comptais mettre les points sur les i et lui faire comprendre qu'il ne valait mieux pas te considérer comme un gamin de quinze ans. Tu valais mieux que ça. Aussi, tu n'hésitas pas à le choper par le col de sa chemise et à l'approcher de toi afin d'être bien face à lui.

"Ecoute moi bien grande gueule, je me fiche bien de qui que tu sois, de ce que t'as pu faire et de tes états d'âme, je me fiche pas mal de t'aider ou non d'ailleurs, mais je te préviens, que ça rentre bien dans ton petit crâne de piaf, la prochaine fois que tu me traites de gamin de quinze ans, je te le ferais regretter."

Tu le relâchas et te dirigeas à nouveau vers le comptoir, dans la pièce d'à côté.

Ainsi tu avais vu juste. En même temps, ton géniteur t'avais parlé de lui juste auparavant, et c'était presque drôle que ça arrive aussi vite. Toi qui avait grandi sans aucune famille, sans aucun lien de parenté autour de toi, voilà que ta famille s'aggrandissait de plus en plus au fil des jours. Tu t'en étais toujours foutu, même si tu mentirais si tu te disais que tu ne t'étais jamais questionné au sujet de ta famille. Tu venais bien de quelque part après tout. Les autres enfants que tu avais côtoyé avaient tous une famille "normale", à savoir un père et une mère, parfois séparé ou divorcé, mais ils vivaient tous dans un environnement convenable, comme n'importe quelle famille américaine de ce pays. Toi, t'avais grandi avec un homme qui avait toujours été un mystère pour toi. Il ne t'avait parlé que peu de fois de ta famille et il s'était auto proclamé être ton père puisque c'était lui qui t'avais élevé. T'avais pas été malheureux, mais t'aurais pu être plus heureux tout de même.
"Ouais en effet. Hier à peine, c'est marrant. J'imagine qu'il t'a parlé de moi aussi" répondis-tu en secouant les épaules. Tu l'observais assez attentivement pour garder en mémoire chaque trait de son visage, de son corps, afin que tu puisses le reconnaître si vous deviez vous rencontrer à nouveau à l'avenir. Après quoi, Evan te parla d'un autre oncle, Sullen, que tu ne risquais apparemment pas de rencontrer tout de suite puisqu'il n'allait pas débarquer au manoir. Tu secouais les épaules une fois de plus. Tu ne savais pas trop quoi en penser mais tant pis, t'avais bien grandi sans oncle, tu pouvais continuer sans en voir un.

Les choses jusqu'ici s'étaient bien passée. Simple introduction. Puis Evan t'avais pris ton verre pour se servir en te traitant de gamin de quinze ans et t'avais voulu lui faire comprendre que t'étais pas n'importe quel adolescent. T'avais beau avoir seize ans, tu ne te laissais pas faire, même si c'était un adulte en face de toi. Evidemment, tu savais qu'il y aurait des représailles par derrière. Et tu ne parvins pas à être assez rapide pour l'esquiver.
Evan te plaqua la tête contre le comptoir afin d'étendre sa domination. Tu ne te débattis pas, ça servait à rien, il avait beaucoup plus de force que toi et t'étais loin d'être un idiot. Il te traita de mioche, te dit que tu n'avais pas besoin de jouer au grand avec lui et que tu avais simplement la chance d'être le fils de Kaj. Tu fronças les sourcils. Pour peu, tu sourirais presque.
"Je te dirais bien d'aller te faire foutre cher 'Tonton', mais si t'es là c'est que t'as sans doute des problèmes avec ta femme du coup ça sera pas pour tout de suite." répondis-tu d'une voix écrasée mais assurée. T'attendis qu'il te relâche et accusa le compliment qu'il te donna sur ta manière d'être, te désignant comme un Wick. Tu le toisas du regard, en ne sachant pas comment prendre la chose. Déjà parce que tu ne portais pas le nom de Wick, mais que visiblement, t'en étais le descendant.
"Merci, je suppose? Je devrais peut être te retourner le compliment. Tu m'as l'air d'être... correct. Et peut être pas trop stupide, quoique, je ne te connais pas assez bien pour en juger."
T'estimais tout le monde être idiot, mais au fond, tu savais qu'il y avait meilleur que toi. Après tout, tu n'avais "que" seize ans, t'avais encore beaucoup de chose à apprendre, à t'enrichir, et t'attendais impatiemment d'atteindre l'âge adulte pour être un peu plus mature que tu ne l'étais déjà.