Forgive me, Father, for I have sinned…

Tu n’as pas grandis comme tout le monde, toi. Probablement que tu aurais pu avoir une enfance normale si tu n’étais pas née dans cette famille. Pourtant, ta jeunesse ne se résumait pas à jouer à la marelle ou t’amuser dans la rue avec des amis. Non, toi, tu faisais plutôt des siestes sur le canapé à côté de ton père qui comptait l’argent en grande quantité sur la table basse. Tu observais la poudre blanche en vrac de tes grands yeux innocents, assise sur une table, après que ton père ait posé un baisesr à ton front en te disant qu’il avait quelque chose d’important à régler.  Ton père, ce visionnaire, ce criminel. Née les deux pieds dans un cartel mexicain avec ton père comme dirigeant. Ta soeur aînée, elle? Izabel a toujours semblée découragée, presque dédaigneuse de ton innocence et enthousiasme face à ce monde qui semblait lui déplaire jour après jour. Les armes semblaient te paraître tel des jouets et la vision d’autant de cocaïne n’était que plus banal. Pourtant, Izabel pestait quand tu lui demandais pourquoi les vêtements de ton père avait de la peinture rouge éclaboussée.

Plus le temps passait et plus tu t’impliquais dans les “affaires familiales”. Contrairement à ta chère Izabel qui semblait toujours vouloir s’en éloigner un peu plus. Ton père ne faisait que soupirer et la laisser faire. Plutôt, l’accent aura été misé sur toi. Il t’a mis entre les mains de quelqu’un dont il avait confiance. Maddox. Un jeune homme dans les rangs depuis un moment. Jeune homme que ta soeur aura toujours semblé détesté. Ce n’est pas une bonne personne, il ne devrait pas être dans les rangs, que se plaignait Izabel chaque fois que tu lui racontais tes entraînements avec celui-ci. Il ne la regardait jamais malgré les regards qu’elle lui posait, plein de douleurs et de souffrance. Une blessure non-guéris. Une histoire de mariage, semblerait-il. Tu n’avais que quatre ans, à l’époque. Sauf que ta soeur ne voulait rien t’expliquer. Comment pouvais-tu comprendre les problèmes de grands, après tout? Tu n’étais qu’une enfant encore. Tu ne comprenais pas tout, mais tu te souviens encore clairement de ce “M+I” entouré d’un coeur griffonné sur une feuille dans la corbeille. D’une photo d’un corps masculin dont le portrait avait été soigneusement brûlé jusqu’aux épaules pour en faire disparaître le visage. Une peine d’amour qui n’a jamais sû se placer, semblerait-il, sans même que tu ne puisses l’aider à passer au travers. Chaque fois que tu voulais aborder le sujet, elle se refermait comme une huître.

Izabel ne pouvait pas sembler plus désintéressée par le cartel. Si tu prenais ta place, elle semblait vouloir se tapir dans l’ombre, fuir peut-être même les étalements de cocaïnes sur la table ainsi que tout autres actes reliés à votre affaire. Vous vous êtes éloignées, également. Non pas que vous avez déjà été très proches, mais Maddox avait davantage la vision d’un grand frère à tes yeux qu’Izabel était pour toi. Comme quoi ce n’est pas forcément les liens de sang qui font la famille. Si elle te parlait toujours en mal de lui, toi tu ne savais comprendre. Parce que Maddox n’a toujours été que gentil envers toi, contrairement à ce que clamait ta soeur. Au point qu’un jour, tu ne t’es pas gênée pour lui dire que ce n’est pas ta faute s’il n’a pas voulu l’épouser, mais qu’il n’était en rien un mauvais homme. Ton père, lui, soupirait en présumant que ça passerait. Que Dieu lui pardonne son manque de respect et la remette sur le droit chemin, que te disait ta mère. Sauf que Dieu, il avait pour plan de l’éloigner bien comme il le faut et ce, à jamais. Depuis tes seize ans que tu fréquentais ce jeune homme, Xavier. Depuis peu, tu étais mariée et comblée. C’est ce que tu croyais, du moins. Jusqu’à ce que tu aies compris à tes vingt-et-un ans que ta soeur s’est vengée. Vengée de son amour détruit pour Maddox et de ton rapprochement de celui-ci. Tu avais cette proximité qu’elle aurait voulu, à défaut d’avoir pu en être amoureuse et mariée. Alors elle t’a pris ton homme, l’a soumis à la tromperie. Pendant que Maddox pourrissait derrière les barreaux, ton tendre Xavier s’envoyait en l’air avec Izabel pour célébrer leur coup monté. Ils ont tout planifié avec un autre homme afin de faire mettre ton protecteur en prison.

La pièce est sombre, mais l'ambiance est lourde. Tu ressens la peur sur tes épaules, sauf que ce n'est pas la tienne. Ça se mêle aux plaintes dans la pièce humide, bloquées par des bâillons de tissu. C’est à ton tour de soupirer, comme le fait ton père. Certains disent, dans le cartel, que tu es son portrait tout craché. Qu’il ne serait pas étonnant que tu prennes un jour sa place. Une chose à la fois, que tu leur expliques. Tant que ton père est vivant, ce sera à lui de décider qui prend sa place. Les sacs de tissus se retirent de la tête et ils peuvent enfin te voir, alors que deux hommes qui t’accompagnent dénouent le bâillon. Ils tentent de s’expliquer, en vain. La voix d’Izabel résonne sur les murs d’une voix gémissante, presque en pleurs. Elle a peur et ce n’est que tant mieux. Elle devrait avoir peur. Car ce n’est pas elle que tu regardes, présentement. C’est une traitre. Ce n’est pas Xavier qui te supplie de lui pardonner, osant dire qu’il a été manipulé par ce qui aura un jour été ta soeur. Ça t’es bien égale. Tu es désormais veuve et enfant unique, que tu leur déclares. Ils savent bien, à ce moment, que tu as pris une décision et que tu ne comptes pas changer d’avis. Malgré ça, les plaintes, les supplications ne se font que plus fortes encore. L’écho de ton pistolet se fait entendre à deux reprises, puis c’est le silence complet après le son des corps contre l’asphalte. La main aura tiré sans broncher, sans trembler, l’anneau déjà absente à ton doigt. Elle aura été fondue sous ta demande pour être certaine d’en être débarrassée à tout jamais.

Veuve, enfant unique, fière fille de son père. Ce n’était que logique qu’il t’envoie comme bras droit afin de surveiller les opérations de ce nouveau cartel. Les affaires prennent de l’expansion et c’est désormais à Bishopville que tu poses les pieds. Tu es restée tapie dans l’ombre, obéissante aux ordres du dirigeant choisi par ton père bien que tu ne sois pas en accord avec ses valeurs. Tu présumes que ton père sait mieux que toi, malgré ces disparitions qui menacent la ville. Tu es complice par défaut, dans l’obligation de l’aider dans ses projets jusqu’à ce que tu constates l’ampleur de ce qu’il fait et apprend que ce n’est pas un ordre de ton père. C’est alors que tu lui dis que c’est assez, que tu refuses d’aller plus loin. Il aurait sans doute pu te mettre dans le lot par ta rébellion, mais être la fille du chef, ça a ses avantages. Que dirait son patron s’il venait à savoir que sa fille a disparue alors qu’elle était sous les ordres de l’homme? Ça passerait mal. Tu le confrontes et l’abandonnes à ses plans. S’il tombe, qu’il tombe seul. Et c’est ce qui arrive plus vite que prévu, tandis qu’il se fait abattre de son trône. Les victimes sont libérées et le vent laisse sous-entendre que ce n’est nul autre que Maddox qui a fait taire votre dirigeant. Et toi, tu n’as rien fait pour l’empêcher de prendre sa place. Tu ne veux pas être dirigeante, après tout. Pas encore, du moins. Pour l’instant, tu es bien satisfaite de ta place comme bras droit au sein du cartel à Bishopville.