Une journée de plus à t'habituer à cette vie. À cette vie honnête, stable, où tu es loin de l’extravagance de New York. Ça te manque un peu, parfois. Cette beauté des lieux en dehors de tout ce côté illégal. En dehors de toute la criminalité dont tu faisais partie. La société était à vomir, mais la ville était un endroit de fête de façon constante. Sauf que s'il y a une chose qui t'a marqué quand vous avez quitté la lumière de cette ville, ça aura été l'apparition des étoiles. Chose que tu voyais si rarement tellement la ville était constamment illuminé. Là, elles semblaient être partout, te permettant de prendre conscience de l'étendu du ciel. De quoi donner le vertige quand tu t'installes sur le balcon et fixe la noirceur illuminée de particules étincelantes. C'est comme si tu découvrais à nouveau la vie dans un endroit plus serein.

Trouver un emploi, ça n'a pas été chose facile. Tu as le langage grossier, l'impatience débordante sur la violence par moment. Tu tentes de te contrôler, de faire bonne figure, t'adapter. Faire des efforts pour mettre toute ta vie derrière toi. Celle où tu te battais constamment bec et ongle pour ta survie. Celle où certes, tu étais au sommet de l'illégalité mais ta cible et celle de James étaient énorme contre votre dos. Mire gigantesque où l'on a tenté de mettre fin à ta vie plus d'une fois. Même ceux de ton gang parce que tu étais parfois trop détestable, que tu ne méritais pas forcément ta place que l'on disait. Tu leur as tous fait un doigt d'honneur et un bon coup dans la gueule afin de prouver l'inverse, de démontrer que ta place est là, au sommet, et nul part ailleurs. L'instinct de survie à vif, la crainte de retomber dans tes travers te guette, mais celle que l'on te retrouve pour t'abattre également. Heureusement, le garage, c'est le tien. Ton petit empire à toi à défaut de pouvoir plus grand. Tu as travaillé dur pour le mettre à ton goût, avec ce côté un peu moderne et sa musique rock en fond. C'est ton territoire et tu es prête à le défendre. C'est sans doute pour ça que tu te permets un soupire non-dissimulé quand tu vois l'état de la bagnole qui s'amène à l'entrée. Toute sale, recouverte de tellement de taches que tu ne saurais dire tout ce qu'il y a là-dessus. Tu serres les dents, essuyant tes mains sur le linge déjà un peu coloré de saleté. Il sort de la bagnole et tes perles claires l'observent, t'approchant finalement de l'inconnu. « Bienvenue au Mercy's Garage. » Semblerait que de souhaiter la bienvenue, c'est dans les règles de la conversation. On te l'a fait comprendre à ton premier boulot. À croire que tu n'oublies pas tout et retiens quelques trucs. « C'est pour quoi? » Et comme si tu réalisais que ta phrase était pas très claire, tu enchaînes, lâchant un regard sur la caisse. « J'veux dire, y s'passe quoi avec la voiture? En dehors d'être sale, visiblement. » Un rire se tire hors de tes lippes avant que tu ne reposes tes iris dans les siens. Va savoir si le commentaire était déplacé. Va savoir si c'est de la moquerie ou une blague innocente. Rien à foutre, c'est chez toi ici.

Une journée comme les autres. Ou presque. Ta camionette faisait encore des siennes. Faut croire que vivre sur un ranch, ça abime la suspension assez rapidement. Tu regardes ta caisse devant la maison et tu regardes Banner qui court dans tous les sens dans l'enclos principale. Tu commences à concidéré le transport à dos d'équidé. Ça couterait moins cher d'essence et de réparation. Tu sirotes ton café devnat la fenêtre en réfléchissant à tout ce qui s'est passé. La rencontre avec ton fils, sa soeur qui se pointe chez toi et qui te tire dessus. Tout s'entrechoque avec Moïra. Toi qui a vécu jusqu'à tes cinquante-cinq ans, ce serait plaisant de tenir au moins cinq ans de plus, non ?

Soudainement, on frappe à la porte et tu poses ta tasse sur la table pour aller répondre. C'est le facteur. Il te regarde avec une mine basse. Il te tend une lettre ouverte et embaler scellé dans un autre enveloppe transparente. « Je suis désolé monsieur Lucason, la lettre s'est perdu pendant huit pas... » Il te salut et tu le regardes s'éloigner. Tu refermes la porte en regardant la lettre. Tu avais autre chose à faire que de regarder ton courrier tu la balances sur la table. Tu reprends ta tasse et reprend ta contemplation et tes songes. Pourtant, maintenant, tout semble troublé. Tu repenses à cette lettre qui t'appelle du coin de l'oeil. Tu te mords l'intérieur des joues et tes doigts impatients tapent contre ta tasse. Combien de temps est-ce que tu vas tenir avant d'ouvrir cette putain de lettre ? Déjà trop tard, tu as fait l'échange pour ce papier froid. Tu retires le papier de l'enveloppe et enfile tes lunettes. - Car oui, la vieillesse t'a ratrappé sur ce coup là. - Tu restes planté sur tes pieds lisant les premiers mots.

extrait de la lettre a écrit:

Cher Nazzar,
Je n'ai pas été franche avec toi, j'aurais du te contacter plus tôt, mais vu mon mariage, je ne pouvais pas me permettre ce fau pas. Je t'écris quelques temps avant ma mort. J'ai un cancer et il ne me reste que quelques jours. Je ne passerai pas par quatre chemin. Tu as une fille. (...)

Tu t'es arrêté là et tes jambes ont faibli. Tu as tiré une chaise avant de te laisser contre elle. Une fille ? Tu avais une fille, quelque part et tu ne le savais pas. Elle avait au moins huit ans, c'est déjà ça. Étant donné que la lettre date de huit ans. En fait, elle est surement plus vieille que ça. T'as une fille et tu t'es arrêté avant même de savoir de qui il s'agissait. L'idée te fait peur, c'est vrai. Tu as du prendre une quinzaine de minutes avant de reprendre ta lecture.

extrait de la lettre a écrit:

(...) Elle a vingt ans aujourd'hui. Elle est restée avec mon mari. Je sais, j'aurais du te le dire plus tôt, mais vaux mieux tard que jamais. Elle s'appelle Lauryn, Lauryn Thomson. Je ne l'ai pas vu depuis des années, mais je te laisses la seule photo que j'ai, puisque je n'en ai plus besoin. (...)

- Joyce

Vingt ans... Joyce... Tu fais le calcul. Cette Lauryn qui serait ta fille devrait avoir aujourd'hui autour de vingt-huit ans. Tu soupires, poses la lettre et ta tête finie entre tes mains, toi plié en deux. Merde... Tu ne peux pas rester comme ça avec cette information latente. Tu dois faire quelque chose. La retrouver, la rencontre, t'en sais rien. Tu ne veux pas détruire sa vie, révéler le mensonge qu'elle a vécu si sa vie est belle. Tu veux simplement savoir ce qu'elle est devenue. Qui elle est. Tu pourrais rester là à fixer la lettre, a fixer le plancher, mais tu dois bouger. Faire quelque chose. Hors de qusetion de t'appitoyer sur ton sort quand tu as un enfant dans la nature.

Tu te redresses en te raclant la gorge et passant nerveusement tes mains sur ton visage écrasé par le poid des sentiments. Tu regardes par la fenêtre. « La camionette. » Tu dois te changer les idées et le seul truc qui te vient en tête, c'est cette putain de camionette à la suspsension bousillée. T'as la tête ailleurs tout le long du trajet, les mots de la missive qui passent en boucle dans ta tête. Tu pousses un soupire en te concentrant sur la route. À force de ne regarder que devant, tu ne te rends pas compte que tu passes devant le garage à quatre reprises. Il t'aura falu une cinquième fois avant de t'y arrêter. Tu restes une dizaine de minutes  dans ta voiture en regardant ton téléphone sur le banc passager. Tu hésites et tu ne le prends pas en sortant de la voiture. À peine sortie, on t'aborde et ton regard se pose sur elle.  Un sourire s'accroche rapidement par l'inconfort verbale qu'elle dégage. Tu soulignes même un rire en t'approchant d'elle. « Vivre sur un ranch n'occasionne pas une voiture propre. » Tu replaces ton chapeau sur ta tête pour garder ton visage bien dégagé et tu regardes ta caisse. « La suspension est encore fini. Faut croire que je vais me déplacer à cheval maintenant. » Tu laisses tomber un rire avant de la regarder l'air amusé.

@Ange Brooks

Ça te fais encore étrange, par moment. De te lever pour aller travailler, de vivre ta vie sagement, proprement. De façon légale, presque. Douze années de rue, de criminalité, qui s'envole en un instant, en un battement de cils et un souffle coupé pour te retrouver ici, dans cette petite ville. Pour te retrouver à te réveiller non pas dans cet appartement de votre quartier général, non pas sur la vue de la grande ville, mais bien dans un appartement tout autre au creux des bras de James. Certaines habitudes ne changent pas: Dormir ensemble, c'est devenu vital, primordial, purement naturel. Pourtant, plutôt que de quitter l'appartement pour t'enfouir dans ce grand bâtiment afin de préparer des plans, garder un oeil sur vos magouilles, tu descends les marches afin de t'enfouir dans un garage. De reine du chaos et de l'illégalité, tu es devenue simple mécanicienne. Tout ça parce que tu as flingué la mauvaise personne. Tout ça pour protéger James. Ça te parait bizarre, par moment. Toute cette simplicité, ce poids disparu de tes épaules. Trois mois à t'adapter et à te faire comprendre que ici, tu es bien. Que ici, rien ne va t'arriver. Bien sûr, il y a toujours la crainte de te faire retrouver un beau jour, mais tu tentes de ne pas y penser. Tu tentes de mettre tout ça derrière toi, derrière vous. Personne ne sait, ici, ce que vous avez fait. Personne ne vous connait. Alors tu peux quitter ton appartement dans une grande respiration, sans avoir la crainte que tu te fasses coller un fusil sur la tempe à tout moment. La paix, après tout ce temps. James, toi, et la paix.

Dans une autre vie, tu aurais sans doute dis à ce gars d'aller nettoyer sa bagnole avant de te l'amener aussi crasseuse. Parce que franchement, ça complique un peu en terme de réparations. Déjà que le boulot est salissant de base, si en plus tu devais te ramasser ces dégâts... Sauf que tu ne peux pas. Tu ne peux pas lui dire d'aller se faire voir. Tu n'es pas à New York, maintenant. Et si tu as une arme de cachée dans ton coffre à outils juste par prévention, ce n'est pas ainsi que l'on règle les problèmes dans la vie réelle, dans la vie sans illégalité. Alors tu avales ton envie et tu lui souhaites la bienvenue parce qu'il semblerait que ce soit la politesse. Tu ne peux, cependant, empêcher un commentaire sur l'état de sa voiture glisser hors de tes lippes. Pourtant, il ne s'offusque pas de ton écart de conduite. Non, il rigole un peu le cowboy. Tu ne peux t'empêcher de l'analyser un peu, là avec ses traits tirés. Le regard qui en dit long, mais tu ne saurais dire ce qu'il dit exactement. Un air tracassé derrière ce sourire? Tu ne sais pas. Puis ces traits. Comme une vieillesse figée dans le temps, comme un regard plus vieux que sa plastique ne parait. Tu hausses un sourcil à sa réplique, curieuse, avant de lâcher à ton tour un petit rire. « Quel genre de personne vit sur un ranch? » C'est sorti tout seul, avant de te pincer un peu les lèvres. C'est sans doute commun dans cette petite ville, non? T'es habituée de la grande ville. Les ranchs, là-bas, il n'y en a pas. Tu te racles doucement la gorge, le regard quittant vers la bagnole et il commente sur l'état. "Encore", qu'il dit. Un fin rire se soupire de nouveau. « Ça fais combien de fois que tu la fais réparer, ta suspension? » Pour savoir à quel point c'est une cause perdue, peut-être. Forcément, s'il vit dans un ranch comme il mentionne, ça doit être assez agressif sur la caisse. Un sourire amusé parvient pourtant à tirer ta bouche, quand tu croises de nouveau son regard et que tu le vois là, à te fixer, amusé de sa propre blague sans doute. Tu ris avant de secouer un peu la tête. « Aussi utile que ça puisse être, j'crois que ça risque de faire un peu trop "far west" avec le chapeau. » Chapeau que tu désignes du menton, la moquerie plus douce cette fois-ci. Va savoir pourquoi, exactement. C'est peut-être dû au fait que tu es en train de travailler et que donc, tu dois te forcer à être respectable, malgré tes paroles de travers ici et là. Tu n'as pas besoin d'être farouche, pas encore. Puis, il y a quelque chose, tu ne saurais quoi, qui te pousse à être étrangement à l'aise. T'es pas très gênée de base, mais à croire qu'avec lui, il y a une simplicité supplémentaire que tu ne saurais expliquer. « Allez, amène la bagnole dans le garage que j'y jette un coup d'oeil. »

Tellement de chose que te traverse l'esprit. Comment est-ce qu'on peut perdre une lettre pendant huit ans merde! Toi qui a passé la majeure partie de ta vie seule. Si cette lettre était arrivée à temps, ta vie aurait peut-être été mon morose, moins monotone. Tu ne pouvais pas en vouloir au facteur qui se sentait déjà très mal de t'amener cette lettre. Tu emmerdes le réseau postale depuis que tu as quitté le ranch. Bon, c'est pas vrai, à travers cette haîne, tu avais des jurons désignés à ta camionnette qui allait dans tout les sens à chaque bosses que tu pouvais percuter. Tu pourrais devenir agressif, mais tu finis par en avoir le sourire. Tu finis même par en rire. Comment est-ce que cette caisse faisait pour te résister. Tu pourrais biein la battre jusqu'à ce qu'elle te lâche, mais non, t'es trop entêté pour aller en chercher une nouvelle. Tant qu'à mettre de l'argent sur des réparations, vos mieux garder la même que d'en prendre une nouvelle et recommencer le même manège en même temps que d'avoir des payements faramineux quoi. Il y avait tout de même de la logique dans tout ça. Pour toi, tant que le moteur était en état, t'avais aucune raison de changer de voiture. C'était un peu comme un cheval, tant que son coeur était fonctionnel il méritait de vivre et d'avoir sa place dans ton ranch. Tu récupérais toujours les bêtes ayant besoin d'un toi. Ces bêtes ne manquaient de rien chez toi. C'était plutôt paisible à l'écart de la ville. C'était ton petit univers, ton havre de paix, comme à l'époque, quand tu étais toujours en Italie. Non, ton pays natal ne te manque pas, même pas un peu. Tu as trouvé ton chez toi dans cette ville.

Te voilà dans un garage et tu croises cette fille pour la première fois et comme à ton habitude, tu ne fais rien pour rendre la situation tendue, ou malaisante. Bon, ok, peut-être par des bêtises, des phrases qui font rouler les yeux, mais hey... C'est ce que t'es. Tu as toujours bien apprécié les gens, même ceux qui essaie de te tuer. Tu repenses à Adina, la soeur de ton fils. La pauvre gamine ne méritait pas qu'on la déteste. Tu lui avais déjà pardonné ce coup de feu. C'est vrai, ton épaule était plutôt fragile puisque c'est toujours ressent, mais tu survis. Elle n'est pas la première à avoir essayer et elle ne sera sûrement pas la dernière. Jusqu'à la prochaine tentative, tu vivras au jour le jour et tu n'as pas le temps de te prendre la tête avec des stupidités ou de faux sourires. Tu la regardes amisé, ça commence plutôt bien. Tu te pointes en entier. « Humm... Je me risquerais à dire ce genre de personne. Je pourrais dire qu'après presque quarante ans, c'est le seul endroit ou je suis moi. » Tu lui fais un clin d'oeil accompagné d'un petit rire mesquin. Tu te fiches un peu de ce qu'on pense de toi, ça a toujours été comme ça et ça ne changera pas. Puis tu tournes la tête vers ta voiture. Tu t'en approches en croisant les bras. Tu t'y appuis malgré la saleté. « Je dirais que cette année ce sera... » Tu réfléchis un peu avec cette moue étrange sur la gueule. « la quatrième fois, si je ne me trompe pas. Ce n'est pas pour rien que je change de garage, non? » Tu retombes ensuite dans les plaisanteries et merde, tu ne peux pas t'en empêcher faut croire. D'un autre côté, tu y songes vraiment. Avec le chapeau, les bottes et le look, tu peux faire soit bucheron, soit cowboy. La seconde option te convient parfaitement. Ton fils te surnomme comme ça depuis que tu l'as rencontré et aujourd'hui encore, ce terme te vient à l'oreille.  Tu fais mines de réfléchir. « Ça ne me déplait pas en fait. Je crois tout simplement que je suis pas dans la bonne époque. » Tu hausses les épaules avant de monter dans ton camion. Tu démarres et sans trop de difficulté, tu fais rentrer la carcasse à travers la grande porte. Tu l'immobilises, coupes le moteur et sort à nouveau en récupérant ton portable. Tu la regardes. « Si jamais tu trouves autre chose, te gênes pas à le changer. Je peux même te la laisser pour la semaine si tu veux. »

Peut-être que l'échange serait différent si tu savais qui il est. Si tu savais qu'il détient une lettre perdue de ta mère lui expliquant la situation. Mais pour l'instant, ce n'était rien de tout ça. Ce n'était qu'un type avec sa bagnole sale et brisée, avec ce look un peu cowboy qui t'apporte un sentiment particulier. Tu pourrais le ridiculiser par des jugements face à son apparence et ce mode de vie, pourtant, une connexion se fait au creux de ton ventre et t'empêche d'agir comme tu l'aurais fait normalement. Les préjugés sont pourtant là, au fond de la gorge. C'est sans doute le manque d'habitude de voir des gens de la sorte dans une petite ville banale. Pourtant, des cas particuliers, tu en as vu à New York. Pire encore pendant que tu étais à la rue. Merde, t'étais toi-même un cas à part avec tes tatouages et ton regard farouche. Mais ce sourire, ce petit air nonchalant alors qu'il te dit qu'il habite un ranch... Ça te sonne étrange, hors du commun. Alors la remarque, elle sort d'elle-même. Qui, sur cette terre, viendrait vivre sur un ranch volontairement? Probablement le même genre de personne qui quitterait New York pour habiter un trou perdu... Tu tires légèrement les lèvres alors qu'il se pointe en entier, alors qu'il te dit que c'est le seul endroit où il est lui. « J'peux comprendre, ouais... » Tu marmonnes un peu. Toi aussi, c'est la première fois que tu es autre chose qu'une chef de gang. Que tu es toi. Que tu peux te le permettre. Y parvenir pendant 40 ans cependant? T'en sais rien.

Tu grimaces discrètement alors que tu le vois ainsi s'appuyer à la saleté sans se gêner. Tu en as vu, des saletés. Du sang, des corps endommagés. Tu n'as jamais hésité à te salir les mains non plus. Pourtant, ça ne veut pas dire que tu irais te coucher sur le dessus d'une voiture pleine de boue. Tu hausses pourtant les sourcils. La quatrième fois. « Que cette année? T'as dû en foutre en l'air, du fric, pour qu'elle te lâche entre les mains chaque fois comme ça... » Tu mordilles l'intérieur de ta lèvre en observant la pauvre bagnole, réfléchissant brièvement à la façon dont elle est construite par son apparence, avant que tu ne laisses un léger sourire tirer le coin de tes lèvres. « J'vais espérer que t'auras plus à changer de garage après qu'elle soit passe sous mes doigts. »

Se déplacer à cheval. Putain, dans quelle ville t'es tombée, sincèrement? Tu as l'impression d'être passée d'une ville à... un endroit complètement sorti d'un film d'époque, en fait. Faut dire, il y a le côté de ville ne dormant jamais qui te manque de la Grosse Pomme. Tu le gardes pour toi, pour le moment. Tu n'en parles pas à James, pas de façon directe du moins. Pourtant, la pensée est là. Un rire à peine audible t'échappe, cette fois. « Ça pourrait faire du sens, ouais. » La mauvaise époque. Si la ville est déjà un peu en arrière, alors lui... Tu n'ajoutes rien. Rien de bon ne pourrait quitter tes lèvres de toute façon. Tu le laisses approcher la voiture dans le garage, observant les gestes de l'homme. Après tout, c'est un réflexe, ça. N'avoir confiance en personne, tous les surveiller discrètement. « J'vais faire au mieux que ça ne prenne pas une semaine non plus. Les chevaux, c'est sympa, mais faudrait pas les épuiser ces pauvres bêtes. » Tu attrapes un linge et t'approche finalement, plus près de la bagnole cette fois-ci afin d'inspecter un peu mieux. « Elle t'a causé d'autres problèmes? Pendant qu'on y est. »

Tu la regardes amusé avec un large sourire. C'est vrai que t'as mis pas mal d'argent sur cette caisse, mais quand on tient à quelque chose ! On ne la lâche pas, pas vrai ? Peu importe l'âge et le millage. T'es comme ça. Tu lui fais un clin d'oeil en te disant que ce sera sûrement le dernier garage dans le coin que tu feras ! Oh ça oui! « Prends le temps qu'il te faut. J'ai sûrement une autre voiture sous la main quelque part pour ne pas trop épuiser les chevaux. Faut pas s'en faire pour eux. » Tu laisse tomber un rire avant que ton portable se mette à sonner. Tu regardes et raccroche avant de le fourrer dans ta poche à nouveau. Tu te râcles la gorge en la regardant de nouveau. « Franchement, je ne porte plus trop attention à ce qu'elle fait. Tant qu'elle m'amène du point A au point B. » Ton portable sonne à nouveau et tu soupires. Tu lui fais une mine désolée avant de t'éloigner. Tu te lances dans la conversation et tu t'énerve juste assez pour attirer des regards, mais tu restes tout de même très calme. « Lauryn Thomson. C'est pas compliqué comme nom... Non, avec un "Y"... Vingt-huit ans... »

Il semble être un sacré numéro, ce type. Comme un cowboy des temps modernes avec sa caisse toute crasseuse. Heureusement qu'il y a des trous pour évacuer l'eau dans ton garage. Ce serait le bordel de laver le plancher après l'avoir nettoyé, celle-là. Quelques questions aléatoires, basiques, afin de mieux comprendre ce que la pauvre bagnole a subit à force dans ces rues usées près du ranch. Tu hoches la tête en l'écoutant. Tant qu'elle mène du point A au B. Ça fait du sens. Sauf que si faut toujours s'arrêter juste pour se rendre à destination, c'est galère. « Ouais, c'est l'idée. J'vais quand même voir si elle a d'autres trucs. Histoire que tu reviennes pas dans deux jours non plus.» Ce serait bon pour l'argent, mais tu serais une piètre garagiste de le faire revenir en deux jours.

La sonnerie retentit une seconde fois et il te fait signe pour s'éloigner. Tu ne réagis qu'à peine, sortant le tuyau d'arrosage qui te sers à nettoyer l'extérieur des caisses parce que tu n'allais sincèrement pas te faire chier avec une éponge vu l'état. Tu as à peine le temps de commencer à nettoyer un peu que tu l'entends qui s'énerve. Et tu te figes. Non pas parce qu'il s'énerve. Rien à foutre, de ça. C'est plutôt ses paroles qui te font cesser. Le coeur manque un battement et tu as l'impression que ton souffle s'est coincé à ta gorge. Lauryn Thomson. T'as pas entendu ce prénom depuis des années. Tu arrêtes le jet et tout en gardant un oeil discret sur l'homme, tu t'éloignes vers ton coffre à outils pour en ramasser ton préféré. Ton fidèle pistolet. Celui dont tu ne sais te débarrasser, trop paranoïaque même dans cette ville. James te disait que c'était inutile, que vous étiez en sécurité. Tu aimerais presque qu'il soit là pour lui montrer qu'il avait tord. En moins de deux, l'arme se braque sur le cowboy, le regard sévère tandis que le tintement métallique de la sécurité qui s'abaisse se fait entendre. « Raccroche ton téléphone. Maintenant. » Au diable la garagiste un peu trop franche. C'est une voix autoritaire qui quitte ta gorge. C'est les habitudes de criminelle, de chef de gang, qui remontent en surface.

Dire que tu avais une fille quelque part. Ça allait te rendre dingue. Ton cher ami Gary te donnait un coup de main depuis la matinée, mais il n'aboutissait à rien. Tu avais normalement des résultats plus rapide. En poussant un soupire, un voix plus hostile s'adresse à toi. Tu arques un sourcil et pousses un soupire en reconnaissant le son de la sécurité d'une arme. Tu viens pincer l'arrête de ton nez en grognement. Encore une fois, on braque une arme dans ta direction. « Écoutes Gary, semblerait-il qu'on tient en joue en ce moment même... Tu sais bien que non... Bien sûr que je te rappelle... Fait ton boulot. » Tu raccroches et lèves les mains en affichant l'écran de ton portable qui confirmait que tu avais raccroché. Tu te tournes vers elle et la regardes de haut en bas. Tu laisses tomber tes bras en rangeant ton téléphone. Deux secondes pus tard, te voilà avec une cigarette allumée entre les lèvres. « Que me vaux l'honneur de rencontrer ton arme ? J'en ai un peu marre qu'on me prenne pour cible. »

Lauryn. Lauryn. Lauryn. Ce putain de prénom qui, malgré les années, vient encore te coller à la peau. Celui donné par tes parents, jadis. Celui de ta mère qui t'a laissé avec cet enfoiré de père juste parce que tu l'as demandé. N'aurait-il pas été plus simple de te forcer à la suivre? Ou peut-être qu'elle n'était pas bien mentalement, elle non plus. Va savoir. Rien à foutre. Pourtant, l'entente de ton prénom se veut encore là, à Bishopville, après avoir fuit New York. Tu pointes l'arme et voilà que l'homme.... prend son temps. Tu en as vu des connards qui s'amusent, pourtant. Qui prennent ça à la légère, que ça ricane presque devant toi. Étonnement, y'en a plus un en vie pour rire de ta gueule. C'est malin, hein?

Tu ignores sa question et tu gardes ta cible bien en vue malgré qu'il se prélasse avec une cigarette en main. Tu pourrais presque grincer des dents ou froncer les sourcils à l'entendre. Marre de se faire pointer l'arme? Tu n'en doutes même pas. S'il te cherche, il a dû en rencontrer pas mal prêts à le tirer. Mais tu te contentes de serrer la mâchoire en l'écoutant. « Pourquoi tu cherches cette fille? » Que tu demandes, obliges, en imposant d'un pas. Rien à foutre de sa question. C'est toi qui les posent, ici.

Tu tires sur ta cigarette en regardant devant toi, ne portant aucune attention à l'arme. Tu tappes du pied : aggacé. Tu viens passer une main dans tes cheveux. Elle fait un pas vers toi. Tu fais un pas vers elle et agrippe l'arme pour la poser bien à l'appui au niveau de ton coeur. Tu balances ton mégot au loin derrière toi avant de planter ton regard dans le sien. Tu restes un instant, même deux bonnes minutes entières à la fixer, la scrutant du regard. Devrais-tu répondre, ou devrais-tu la laisser tirer ? Tu gardes l'arme bien empoignée, la poigne ferme et tu décides de la lui prendre. Tu la regardes en le démontant sous ses yeux et tu lui rends chacun des morceaux en prononçant ces mots. « C'est ma fille. » Tu lui montres le chargeur avant de le mettre dans la poche arrière de ton jean. « Semblerait-il que sa mère fu assez stupide de me priver de cette information capitale. » Tu mâches tes mots, ça te rend aigre. Tu lui aurais bien fait la morale à celle-là.

Tu fais un pas et il te suit dans la danse, te copie. Pour une raison simple, tu le sais bien. Mieux s'approcher, te garder à distance accessible. Pour preuve, il agrippe ton poignet pour appuyer l'embout de ton arme contre son coeur. Tes doigts se serrent. Tu pourrais tirer simplement et ce serait terminé. Là, maintenant. Sauf que les paroles te reviennent en tête. Celles de James, celles où vous discutez encore et encore cette nuit-là à l'hôtel. Votre première nuit à Bishopville. Cette discussion où vous parlez de tout mettre derrière vous. Puis, dans cette ville maudite, on allait sans doute trouver moyen de retrouver un cadavre. Tu tentes de calmer ton rythme cardiaque, mais c'est peine perdue. Tu ne perds pas face pourtant, le regard persistant, pressant un peu plus le bout de l'arme pour lui démontrer que tu n'as pas peur. Que tu pourrais, si tu le voulais.

Il t'arrache l'arme des mains. Tu ne sais pas si tu l'as laissé faire, par abandon, ou s'il a simplement le tour. Tu refuses de croire que tu perds une quelconque capacité. Tu as grandis trop longtemps là-dedans pour croire une telle chose. Il te remet morceau après morceau, défaisant l'arme avec agilité, conservant le chargeur dans sa poche. Sauf que tu es figée, pendant un instant. Incapable de tendre la main pour reprendre prise sur le plus important. Sa fille, qu'il dit. Il parle de ta mère, également. Une seconde de plus et tu reviens finalement à toi. C'est impossible. Tu as tué ton père de tes propres mains. Tu as senti son coeur lâcher sous tes doigts. « Menteur. » Tu ris brièvement et tes doigts attrapent le pied de biche à porté de main. Le coup s'élance vivement au côté du genou et tu l'utilises de travers pour le repousser. « Allez, balance la vérité! Pourquoi tu la cherches, vraiment. »

Sa réaction, ses agissements. Elle la connait, il n'y a aucun doute. La question est... À quel point ? Tu sais ce que tu veux et c'est simple... Retrouver ta fille, que tu aurais du retrouver il y a de cela huit ans. Pourtant, il a fallu que la poste américaine perde cette lettre ! Qu'est-ce qu'elle est devenu? Ou est-elle ? A-t-elle été bien traité ? Qui lui a fait du mal ? Qui auras-tu à tuer ? Tellement de question qui restent pour l'instant sans réponse. Ce rire te fait rouler des yeux, ce qui a fait que tu n'as pas vu le coup de pied de biche arriver. Un grognement étouffer, tu as vu pire. Ton père t'as tout de même foutu des râclées plus sauvage qu'un pied de biche. Tu prends une grande inspiration et agrippe l'extrémité de son arme improvisée. Ta main libre se plaque contre son sternum. Sans mauvaises intensions, mais avec hostilité. Tu la plaques contre ta voiture crasseuse et amènes le pied de biche à l'écart, jusqu'à ce qu'elle soit à bout de bras. Ton regard se plonge dans le sien. « Personne... Je dis bien, PERSONNE! ne se met entre mes enfants et moi. Je ne sais pas ce qu'elle a vécu, mais vu comment sa mère est lâche, je crains le pire. Tant qu'à l'abandonner, elle aura mieux fait de me l'amener. C'est pas moi qui l'aurait laissé tomber. » Tu pousses un soupire et la relâche en douceur en levant les mains. Jamais ce ne serait dans tes plans de t'en prendre à quelqu'un sans raison. Pas même ceux qui veulent te tuer, toi.

Contrairement à New York, tu ne sais pas à qui tu as affaire, ici. Tu connaissais la plupart de tes ennemis. Ce gang adverse, pour exemple. Ils avaient à peu près tous quelque chose de similaire malgré leur différence. Mais ici, tu ne connais personne. Pourtant, tu t'en prends tout de même à l'inconnu devant toi. Un coup de pied de biche au genou. Tu aurais préféré viser la tête, enfoncer la pointe dans le ventre, mais tu veux des réponses. Il parlait de toi au téléphone et il est hors de question qu'il quitte sans que tu n'aies la moindre information. Il te déstabilise, d'ailleurs, avec ces paroles qui tournent dans ta tête. Il dit être ton père, et pourtant, ça ne te semble que comme un mensonge.

Une main plaquée contre toi et tu recules, t'écrases contre la voiture sale et tu serres les dents. Non pas de douleur, mais bien parce que tu tentais au mieux de ne pas foutre de la boue partout sur tes vêtements. Un peu parce qu'il t'a désarmée, aussi. Ses paroles sont vives en émotions et elles se font poignantes, comme s'il venait serrer ton coeur de sa main. La nausée s'amène au bord des lèvres. Ça ne pouvait pas réellement être possible, n'est-ce pas? Tu as tué ton père. Tu l'as tué, merde! « Respire un coup, putain! » Que tu lui lâches sans te contrôler lorsqu'il lève les mains. Toi, tu agrippes un bout de tissu de ton dos pour voir l'état de tes vêtements. Tu râles tout bas, puis ramasse tes bouts d'armes pour le remonter avec aisance, sans le regarder, ne faisant que tendre la main en toute fin pour ravoir le chargeur. « Tu cherches un fantôme, t'en as conscience, de ça? »

Tu t'étais éloigné d'elle pour la laisser respirer. Loin de toi l'idée de lui faire peur. Il fallait qu'elle t'entende, qu'elle t'écoute et vu l'hostiliter, il fallait agir de la même façon pour bien capter l'attention de la garagiste. Tu la regardes, la scrutes encore et tu finis par pousser un soupire. Tu viens passer une main fatiguée contre ton visage en écrasant tes yeux dans leur orbite au passage. Tu fais un pas vers la sortie, sans faire de cas de son attitude, de ses aggissements face à toi. Tu regardes ailleurs un instant, avec cette mine plus basse que plus tôt. « Je remurai ciel et terre, même si ce n'est que pour trouver une tombe. Peu importe ou elle se trouve, je chercherai jusqu'à ma mort. » Tu tournes la tête vers elle en retirant le chargeur de ta poche. Tu le lui lance avant de laisser tomber un faible rire. « Je suis moi-même un fantôme. Ça ne m'a jamais arrêté. Je sais ce que je suis, je sais qui je suis et c'est ce qui importe. Ce que les autres savent de moi, n'est rien comparativement à ce que je suis. » Tu frappes sur ta caisse et t'éloignes encore. « Répares ma caisse, c'est tout ce que je te demande. Tu te fous de ma gueule en pointant une arme sur moi quand je sais très bien que ce nom tu le connais. Je suis pas d'humeur à me prendre la tête. Fait ton boulot et ferme ta gueule. Je viendrai la chercher dans une semaine. »

Tu as besoin d'un moment avec tes pensées. Si normalement tu sais te retourner, retomber sur tes pattes comme un chat au moindre problème, tu te retrouves pourtant dans une impasse. Parce que sur tout ce que l'on pouvait te dire, c'est l'information que tu n'avais jamais pris en compte. Qu'il te laisse sous-entendre, te crie presque, qu'en réalité tu n'as pas tué le bon type. Que tu as subis toute cette violence... pour rien. Que tu aurais simplement pu quitter le domicile parce que cet homme n'a jamais été ton père. Tu as besoin de réfléchir, d'être laissée seule et à la fois, tu veux rester près de lui pour avoir des réponses.

Tu ne sais pas si quelque chose se brise en toi ou si c'est ton coeur sur le point de te lâcher quand tu l'écoutes. Tu rattrapes le chargeur et le clenche dans ton arme aussitôt pour ensuite le ranger à l'arrière de ton pantalon. Tu croises les bras pour mieux l'écouter. « J'ai jamais dis ne pas la connaître. Elle mérite seulement... de la protection. T'aurais pu être là pour lui tirer le crâne en te faisant passer pour son père, qui sait. » Ton regard l'évite toujours autant et finalement, tu te mords la langue pour éviter d'en dire plus, éviter de dire des bêtises. Saloperie. « À dans une semaine. » Que tu marmonnes plus qu'autre chose, reprenant le jet d'eau au sol. Non, tu n'as jamais su respecter les "ta gueule" et ce n'était pas prêt de changer.