Je m’étais réveillée tôt, encore une fois. Parce que ma jambe m’a réveillée en me lançant violemment. Enfin, ce n’était rien comparativement à la douleur que j’avais pu ressentir au moment de l’accident, puis peu après ma chirurgie, mais il n’en demeurait pas moins que c’était pénible de se réveiller ainsi chaque matin. Surtout que je n’avais nulle part où aller. Pas d’entrainement où me rendre, rien, aucune satisfaction, aucune motivation. J’aurais pourtant bien envie d’avoir un endroit où aller, mais rien ne me faisait envie. Soupirant longuement, j’attendis donc que la douleur passe, et comme je le faisais maintenant trop souvent, je pris mon téléphone sur ma table de nuit. Je regardai l’heure, mes messages, les réseaux sociaux, qui étaient devenus ma seule fenêtre sur le monde. Mais ça, je n’avais que moi à blâmer, puisque j’étais celle qui ne sortait plus de cette maison. Ce n’était pas mon genre et ça ne me plaisait pas, mais que pouvais-je faire de différent ? Je ne savais pas, et rien ne me motivait assez pour me bouger. Le sommeil ne revenant pas, et désespérée, je me retrouvai dans mes vieilles photos, remontant jusqu’aux dernières photos que j’avais prise avec mon ancien étalon avant sa retraite; Wildfire. Je m’y arrêtai un moment, un pincement au coeur; Wildfire me manquait. Je savais qu’il vivait tranquillement sa vie dans le ranch non loin de la maison, mais je ne trouvais pas le courage d’aller le voir, craignant que ce soit trop douloureux. Et pourtant, j’aimerais tant le revoir, toucher sa crinière que j’avais passé tant de temps à brosser, pour mon grand plaisir. Ç’avait quelque chose de relaxant après un entrainement, ou même avant une compétition. C’était notre moment spécial, qui n’allait plus jamais se reproduire. Perdue dans mes pensées, je sursautai lorsque j’entendis du bruit. Et pourtant, ce bruit n’avait rien d’étranger; seulement ma mère qui se levait. Lâchant mon téléphone, je me retournai dans mon lit, espérant me rendormir un peu, le temps qu’elle parte, pour que je n’ait pas à la croiser. Je lui parlais peu, au vu de son travail, mais je sentais bien que le fait que je ne retourne pas à l’université l’avait déçue, et je ne me sentais pas encore d’attaque à l’affronter. Alors que je commençais tout juste à sombrer de nouveau, la porte s’ouvrit, violemment. Les rideaux suivirent, une voix assurée se fit entendre, et un froid se fit sentir, combiné de l’ouverture de la fenêtre et de ma couette soudainement disparue. Le tout me fit lâcher un:  « T’ES MALADE OU QUOI !? » qui devait être blâmé sur la surprise, pas sur une soudaine envie d’être impolie envers ma mère. La regardant un instant, assimilant l’idée qu’elle voulait que je sorte, je dis ensuite:  « Pas question, fiche-moi la paix ! » et j’attrapai mon oreiller pour caler ma tête dessous, comme si cela allait me faire fuir la réalité que je fuyais depuis trop longtemps, même si j’étais et je serais toujours trop orgueilleuse pour l’admettre.

Ce n’était pas dans mes habitudes de parler comme ça à ma mère. Mais cet accident et tout ce qui l’avait entouré avait fait de moi une autre personne que je n’étais pas capable d’accepter. Et de nature peu passive, mon réflexe était de me frustrer, envers moi, envers le monde entier. Mais ma mère n’avait pas à subir ça, elle avait été présente pour moi qu’importe les évènements. Pour le coup, je m’en voulais d’avoir réagi ainsi, bien que ce soit sur le coup de la surprise plus qu’autre chose. Elle ne le méritait pas. Toutefois, hors de question de m’excuser comme ça, tout de suite. La vérité était que je n’avais toujours pas envie de me lever et de plus, faiblir comme ça n’allait pas aider ma cause. Et puis, même si j’avais voulu ajouter quoi que ce soit, je n’en aurais pas eu l’occasion, parce que ma mère vint à m’invectiver encore plus violemment que précédemment. Pire encore, elle céda aux menaces, menaces de me jeter un sceau d’eau à la figure si jamais je ne me tirais pas du lit. Elle était sérieuse alors, ce n’était pas comme ces derniers jours ou dernières semaines où elle ne faisait que me demander gentiment de me tirer du lit en espérant que j’allais plier mais sans succès. Si je tenais à ma vie et que je ne voulais pas me réveiller trempée et gelée, il faudrait que je me lève. Est-ce que ça me faisait plaisir ? Certainement pas. Histoire d’arrêter ce cauchemar, parce que clairement, je devrais me faire à l’idée que plus vite j’allais me lever, plus vite je pourrais retrouver ma chambre et mon lit, je dis:  « Non ça ira, je me lève ! » Évidemment je ne manquai pas de râler à ce dernier propos, balançant mon oreiller dans un coin de la chambre, en prenant soin de ne pas le faire là où se trouvait ma mère, évidemment. Me redressant dans mon lit, je dis:  « C’est bon, je vais m’habiller. » Je n’étais pas contente et je le faisais surtout parce que j’y étais résignée, c’était évident, mais ce n’était pas comme si elle pouvait s’attendre à un soudain enthousiasme, surtout que je ne savais même pas pourquoi elle me demandait une chose pareille. Mais si elle voulait que je fasse quoi que ce soit, il faudrait qu’elle sorte de ma chambre et me laisse me préparer.

Évidemment que j’avais envie de seulement me rallonger dans mon lit, ignorer les consignes de ma mère et ne pas bouger de là. Je ne voulais pas sortir, je n’avais pas envie de voir le monde extérieur et me rappeler de quelconque façon à quel point j’étais devenue impotente en l’espace de quelques secondes, pour un accident que je pensais encore stupide, qu’importe à quel point on me disait qu’il avait été grave. Mais je savais aussi que si je faisais une chose pareille, ma mère n’allait pas me lâcher et au fond, je n’aimais pas cette ambiance, je n’aimais pas ce qui se passait, et je savais pertinemment que c’était ma faute. Voilà qu’elle faisait un effort pour moi, je supposais que c’était à moi de faire un effort pour elle. Râlant, je cherchai dans le bordel qu’était devenu ma chambre un jean et un t-shirt. Je n’avais aucune idée d’où elle m’emmenait, alors je n’allais pas faire d’efforts pour m’habiller plus proprement, surtout si ce n’était pas nécessaire. Enfilant mes baskets, je pensai que j’étais prête à sortir jusqu’à ce que je croise mon reflet dans le miroir… Et c’était pathétique. Je ne m’aimais pas comme ça, c’était un peu paradoxal, sachant que je ne faisais pas tant pour essayer de régler la situation. Soupirant fortement, je fis un minimum d’effort pour attacher mes cheveux en une queue-de-cheval. Ce n’était pas mieux, mais je n’avais pas le courage d’en faire plus. Prenant mon sac, je sortis finalement de ma chambre, ignorant totalement si j’avais respecté le délai ou pas. Ça ne devait pas être trop mal, puisque je sortis au moment où j’entendis ma mère me demander de fermer la porte. Je ne répondis pas, continuant mon chemin en essayant de ne pas regarder derrière et me pousser à y aller. Comme elle me l’avait demandé, je fermai la porte à clé, et je me rendis à la voiture, là où ma mère se trouvait déjà. Sans un mot, je m’installai côté passager, encore un peu difficilement, la douleur dans ma jambe ne partirait pas complètement du jour au lendemain. À ce stade, j’étais persuadée qu’elle ne partirait jamais. Encore une raison pour me faire encore plus de mal. Bien rapidement, je me rendis compte que je ne supportais pas vraiment le silence qui s’installait dans la voiture, mais m’excuser, craquer, je n’en étais pas là. Je ne voulais pas en arriver là. Soupirant plus discrètement que précédemment, je demandai, d’un ton que je voulais neutre:  « On va où ? », estimant que c’était une question légitime, d’autant plus que je n’aimais pas rester dans le flou, surtout pas dans la situation présente.

Ma mère me fit probablement la pire réponse qu’elle pouvait me faire en ce moment; Tu verras. Évidemment que cela ne me plaisait pas, évidemment que je voulais savoir dans quoi je m’étais embarquée, ou plutôt dans quoi j’avais été forcée d’embarquer. J’aurais pu être fâchée, lui reprocher, mais je ne le fis pas. Étrangement, je ne me sentais pas d’attaque à le faire. Espérant juste que le trajet ne serait pas trop long, je ne répondis pas, et je sortis mon téléphone de ma poche pour consulter les réseaux sociaux, faisant en sorte que je ne voyais pas le trajet. Avoir été vraiment curieuse, certainement que je l’aurais regardé, et j’aurais pu voir des points de repère familiers sur le chemin, mais je m’en moquais. J’étais juste résignée et voilà tout. Je relevai la tête que lorsque je sentis la voiture ralentir, regardant ma mère qui prit la parole, me parlant de prendre l’air. Nous étions dans un parc, c’était ça ? Non, c’était pire. Mon coeur manqua un temps lorsque je vis le ranch, ce ranch où j’avais passé tellement d’heures, où j’avais vécu tellement de choses heureuses… Ce ranch où je n’avais pas eu le courage de revenir depuis mon retour à Bishopville. Je n’y avais pas revu les anciens préposés, les installations, et mon ancien cheval de course non plus, ce même cheval dont ma mère prononça le nom, me faisant comprendre que nous étions ici pour le voir. À la simple idée, j’eus les larmes aux yeux. Ce n’était pas de joie, ce n’était pas de tristesse, c’était un mélange de tout ça. Je me sentais mal de ne pas être venue le revoir alors qu’il me manquait tellement, mais je ne l’avais pas fait parce que je savais que ç’allait me faire mal. Ç’allait me rappeler tout ce que j’avais perdu dans cet accident. Mais maintenant que nous étions sur place… Évidemment que j’avais envie de le revoir, mais je n’osais pas. Baissant le regard pour que ma mère ne me voit pas pleurer - oui, j’étais orgueilleuse à ce point - je répondis:  « Non. Si ça se trouve il a un autre cavalier et il est heureux sans moi. » C’était n’importe quoi, j’en étais consciente; la seule raison pour laquelle Wildfire ne m’avait pas suivi à l’université, c’était parce qu’il était à l’âge de la retraite. Et puis, il avait tellement mauvais caractère que personne ne parvenait à le monter. Voilà pourquoi lui et moi on s’entendait si bien. L’idée me fit un pincement au coeur, et oui au fond, j’avais peut-être envie de le voir, mais je ne pouvais pas me permettre de perdre la face. Du coup, j’allais espérer que mon argument allait passer, mais je n’en étais pas du tout convaincue.

J’étais torturée. Torturée parce que même si je me faisais croire que Wildfire ne voudrait pas me voir, n’allait pas me reconnaitre et tout ce qui venait avec, je savais que tout ça, c’était un peu n’importe quoi. Pire encore, j’avais cru que le dire à voix haute allait m’aider à me faire à cette idée, me convaincre que ce que je disais faisait du sens, mais pas vraiment. Et le pire, c’était que d’un autre côté, j’avais envie de croire ma mère quand elle disait que ce n’était pas possible qu’il me fasse la tête. Wildfire et moi avions toujours eu un lien spécial que je n’avais pas su retrouver avec aucun cheval. Certains me trouvaient bizarre de dire une chose pareille, mais j’avais toujours dit et parfaitement assumé que ce cheval était mon meilleur ami. Et mon meilleur ami, je l’avais laissé tomber. C’était comment je me sentais. Je savais qu’il n’aurait pas pu me suivre à l’université, puisque son temps pour la retraite était venu, mais j’aurais pu y aller plus souvent, et surtout bien avant aujourd’hui. Est-ce que pour ça, j’avais peur de le revoir ? Ça aussi. En vérité, j’étais morte de trouille pour plein de raisons et j’étais là, acculée au pied du mur, avec une mère aussi têtue, si ce n’était pas plus que moi. Elle ne se montra pas aussi brusque et exigeante que plus tôt, à la maison, essayant de se faire rassurante. Pour ça, j’étais reconnaissance, bien que trop orgueilleuse pour le lui dire maintenant. J’eus envie pendant un temps de ne pas flancher, de croiser les bras et rester dans la voiture jusqu’à ce qu’elle fasse demi-tour pour qu’on reparte, mais je savais aussi que ma mère n’allait pas bouger de là, même si on restait jusqu’à la tombée de la nuit, qu’on avait faim et qu’elle avait une envie d’uriner impossible à retenir. Oui, c’était comme ça que je voyais ma mère, parce que c’était comme ça que j’étais moi aussi. Soupirant, je dis:  « Bon… » J’ouvris la portière de la voiture, supposant que ce geste me donnerait le courage pour la suite, pour sortir de la voiture et me rendre à son box, s’il n’avait pas changé d’endroit. Mais le courage me manqua un peu quand je mis mon pied à l’extérieur. Non pas que ça signifiait qu’il fallait que je sorte mon autre jambe, ma jambe blessée. Ce geste, je m’étais habituée à le faire, passant outre la douleur. C’était le coeur qui me manquait, et pour une fois, je me fis vulnérable. Je demandai à ma mère:  « Tu… Tu viens avec moi… ? » Ma voix s’était faite plus petite, un peu plus brisée que ce que j’aurais cru. Ce n’était pas mon genre, je n’aimais pas me montrer faible. Secouant la tête, je chassai d’un geste la larme qui était coulée sur ma joue, et j’ajoutai:  « S’il te plait… ? », me sentant soudainement rajeunir, devenir une jeune fille qui avait besoin de sa mère. Et si j’agissais comme si ce n’était pas le cas depuis bien longtemps maintenant, là, j’avais besoin d’elle, probablement plus que jamais.

J’hochai la tête positivement pour faire comprendre à ma mère que oui, je voulais qu’elle m’accompagne. Je n’avais pas envie de changer d’idée, puisque si elle ne m’accompagnait pas, je n’allais pas tarder à faire demi-tour. Je l’admettais maintenant, surtout parce que je n’avais pas le choix;  je n’avais pas le courage de le faire toute seule. C’était complètement idiot, j’en étais consciente, mais au moins, je n’étais pas avec une personne qui allait me juger. J’avais été horrible avec ma mère, j’en étais consciente. J’avais fort à faire pour me rattraper, mais avant aujourd’hui je n’avais pas vraiment trouvé comment. Je ne savais pas si ce moment allait changer quelque chose, mais je savais maintenant que j’avais du soutien, et que ce n’était pas une mauvaise chose de l’utiliser en ce moment précis, même si j’avais vingt ans, même si j’essayais d’être un minimum indépendante. Sortant complètement de la voiture, non sans difficulté. Mais ça, c’était devenu un mode de vie habituel. Triste, mais c’était ma réalité. Tentant de me ressaisir lorsque j’étais debout, j’attendis que ma maman fasse le tour du véhicule, me demande si j’étais prête à y aller. Je ne répondis rien, me contentant de poser un geste que je n’avais pas fait depuis un bon moment, probablement depuis le moment où j’avais vu ma mère débarquer dans l’ambulance après ma chute qui avait tout changé, tout avait tout fait basculer. Ce que je fis, c’est que je tendis ma main pour qu’elle prenne la mienne. Parce que je voulais ce petit contact, parce que je voulais avoir cette petite source de courage. Chose faite, je commençai à marcher vers le ranch, que je connaissais par coeur. C’était comme si limite, je n’étais jamais partie et en même temps, c’était comme si je ne l’avais pas vu pendant une éternité, comme si j’étais une étrangère, comme si je n’appartenais plus à ces lieux. Refusant d’aller voir le terrain d’entrainement, sachant que ç’allait me blesser, je commençai à marcher lentement en direction des écuries. Je me souvenais par coeur où Wildfire était installé, s’ils ne l’avaient pas changé de place. Tout au fond, puisqu’il ne socialisait pas avec les autres chevaux. Il avait toujours été comme ça. L’écurie était relativement sombre, il était encore tôt, on voyait peu clairement. Un peu craintive, je lâchai un petit:  « Wild’… ? » Était-il encore là en fait ? J’osais croire que oui, j’espérais que ma mère ne m’avait pas emmenée là sans savoir s’il était toujours là ou non. C’était dingue comment j’étais déconnectée d’une réalité qui avait été la mienne pendant tout ce temps, c’était tellement effrayant pour le coup.

Je perçus un mouvement, au fond de l’écurie, dans le dernier box, le box où j’avais toujours installé mon étalon. Celui-ci n’avait rien de sociable, nul besoin de l’installer avec les autres. Était-ce lui qui s’était reconnu ? Mon coeur manqua un temps à cette idée, et presque d’une allure craintive, je continuai à avancer, lentement, en direction du fond de cette écurie que je connaissais que trop bien. Mais je m’arrêtai lorsque ma mère reprit la parole, me demandant si elle devait me laisser seule. Je tournai la tête, et je la secouai pour lui signifier que non. Pas que je ne pouvais pas voir mon cheval seule, mais parce que je ne savais pas si j’en aurais le courage de rester longtemps, sachant très bien que je ne pourrais pas le monter, l’emmener où que ce soit. Je ne m’étais pas tenue debout très souvent depuis mon accident, et je commençai à le sentir. Pas de quoi m’affaler au sol ici et maintenant, mais je sentais que le mouvement n’était pas naturel. Je tentais de ne pas trop y penser, histoire de ne pas me frustrer, me faire encore plus de mal, mais c’était difficile quand ma condition me limitait à ce point. Comme pour prouver mon point, j’ajoutai:  « Je n’en ai pas pour longtemps… » Je savais que je ne pouvais pas le prédire, jamais je ne m’étais retrouvée dans une telle situation auparavant, mais je sentais au fond de moi que compte tenu tout le courage que ça m’avait pris juste pour sortir de la voiture et aboutir ici, je ne saurais pas tenir éternellement.  « On… Tu as du temps après… ? » Je ne savais pas pourquoi j’avais ça à l’esprit ici et maintenant. Mais je décidai d’aller quand même au bout de mon idée, et dire:  « On pourrait aller à cet endroit avec les gaufres… Tu te souviens ? » Le pire était que ça ne faisait pas si longtemps et pourtant avec tout ce qui s’était passé, cet évènement semblait avoir eu lieu il y a de cela une éternité. Mais j’en avais envie maintenant, après avoir passé un peu de temps avec Wildfire, que j’entendis s’impatienter, venant me confirmer qu’il s’était reconnu dans mon interpellation, et que c’était bien lui qui avait réagi, venant me faire un pincement au coeur encore plus grand et me rendant encore plus angoissée par rapport à ce moment. Par réflexe, parce que ce n’était pas la première fois qu’il était impatient de la sorte, je lui dis:  « J’arrive… », attendant juste la réponse de ma mère pour faire les derniers - ultimes - pas qui me séparaient de lui. Ou peut-être en fait, j’essayais juste de retarder le moment ? C’était fort possible ça aussi, même si je ne saurais l’assumer.

J’ignorais d’où venait l’idée d’aller manger ces gaufres, mais une chose que je savais était que j’en avais envie. Était-ce ce que certains appelaient un retour aux sources, quelque chose dans le genre ? C’était possible. Était-ce ça qui me fallait pour tenter de me retrouver un peu dans cette situation plus que désagréable ? C’était possible. Mais j’étais loin d’être une experte, la psychologie, ça ne me connaissait pas, alors je savais très bien qu’il ne servait à rien que je tente de tirer quelconque conclusion. Je me contentai simplement de me réjouir du fait que ma mère accepta, ce qui m’arracha un petit sourire. Je repris mon sérieux lorsqu’elle m’invita à aller voir Wildifre, qui s’impatientait toujours. Après un petit:  « D’accord… » j’inspirai profondément, et je continuai mon chemin vers l’étalon un peu plus énervé. Mais bien rapidement, il vint à se calmer lorsque j’arrivai à sa hauteur et que je lui adressai un timide:  « Hey mon beau… » Je m’approchai encore un peu, et bien rapidement, Wildifre s’avança, me donnant un petit coup de museau pour que je le caresse. C’était un geste qu’il n’avait avec personne, sauf avec moi. Je craignais qu’il ne le fasse plus, vu tout le temps pendant lequel je m’étais absentée, mais visiblement, ce n’était pas le cas. Ce fut suffisant pour me toucher, et faire en sorte que mes yeux s’humidifient un peu plus. Tendant la main pour le caresser, je lui dis, dans une voix plus brisée que je ne l’aurais voulu:  « Tu m’as manqué aussi… » Je restai encore un petit moment à le caresser, le regarder, mais bien rapidement, je ne me sentis plus capable. Physiquement parce que rester debout pendant une longue période de temps me faisait souffrir, psychologiquement parce que je savais que je n’aurais pas terminé de pleurer si je restais en ces lieux. Me ressaisissant, je finis par dire:  « Je vais revenir bientôt… D’accord… ? » Je ne savais pas quand, mais j’avais envie de croire que ce serait moins long que quelques mois. Je ne savais pas si quelques jours serait un délai trop bref, ça resterait à voir. Je n’étais pas vraiment en état de me prononcer. Le caressant une dernière fois, je reculai un peu, et je tournai les talons pour aller retrouver ma mère. Finissant de flancher en la voyant, je ne pus résister à l’envie de me jeter dans ses bras, comme si j’étais une gamine. Mais j’en avais besoin. Terriblement. Me reculant au bout de quelques secondes, j’essuyai maladroitement mes larmes, et je dis:  « Merci… » Merci de quoi ? Je m’avoir emmenée, de m’avoir secouée pour tenter de faire quelque chose, même si j’avais été si réticente au début. Je n’allais jamais me l’avouer, mais maintenant je regrettais de ne pas l’avoir fait avant.