Rentrée depuis maintenant bientôt une semaine, Giulia avait passé les premiers jours isolée dans le loft de Brom, incapable de se retrouver seule. Tout cela avait un goût de déjà-vu. La première fois qu'elle était venue à Bishopville, elle avait également été escortée par lui et était restée chez lui le temps de trouver un appartement. Cette fois-ci, l'arrivée à Bishopville était encore plus lourde.

Séquestrée durant des jours, elle avait perdu du poids. Son corps s'était encore affiné et n'était plus aussi athlétique. Cela se voyait, elle le savait. Quand Ried l'avait vue, même en état d'ébriété, il lui avait tout de suite fait remarquer et s'était de suite inquiéter. Son visage aussi était marqué. Ses traits fatigués de longues nuits d'insomnie, de cauchemars liés à son syndrome post-traumatique accentuaient son regard fatigué et cerné. Elle fuyait les miroirs.

Elle était encore envahie par la peur, celle-ci semblait ne plus jamais la laisser quitter. Elle s'était retrouvée seule quelques heures la veille: s'en était suivie une grosse crise d'angoisse. Tremblements, respiration difficile... Elle avait appelé Brom pour qu'il vienne la chercher.

Elle devait se changer les idées, oublier la Palestine, oublier les problèmes de Ried, ne serait-ce que quelques instants durant la journée. Elle hésitait à reprendre le travail, elle craignait ne pas être totalement prête. Elle avait donc pensé à écrire à Vincenzo pour prendre de ses nouvelles. Elle ne comptait pas forcément lui enlever les points, mais il avait insisté. Elle avait fini par céder, se laissant convaincre qu'elle pourrait doucement remettre un pied à l'étrier.

Elle quitta le loft sans faire trop de bruit, laissant un mot indiquant qu'elle serait bientôt de retour et se mit en route en direction du ranch. En route, elle sentit l'angoisse s'emparer de nouveau d'elle. Sa poitrine se serrait. Elle monta le volume de la radio pour se distraire, se concentra sur sa respiration. Elle réussit à arriver jusqu'à sa destination mais ses mains tremblaient. Elle n'y fit pas attention trop focalisée à se concentrer sur sa respiration, à se convaincre que tout irait bien et que Vincenzo ne remarquerait certainement rien. Elle s'était légèrement maquillée pour essayer de camoufler sa fatigue mais cela n'était pas suffisant.

Connaissant maintenant les lieux, elle se rendit directement à son bungalow et frappa à la porte. Elle se recoiffa légèrement. Ses mains tremblaient encore légèrement.

@vincenzo de luca

Ta vie était très mouvementée dernièrement. Entre ton accident début d’année, tes trahisons, l’arrivée de ta fille et la naissance de ton fils puis cet échec contre Kaj et maintenant venait s’y ajouter des disparitions. Ta sœur, ton frère … Même Kaj avait des pertes de son côté. Quelqu’un était donc en train de jouer avec vous. Ni ton rival, ni toi ne saviez qui se cachait derrière tout ça, mais vous n’alliez sûrement pas vous tourner les pouces jusqu’à ce que ce personnage montre le bout de son nez. Tu sais qu’il allait chercher de son côté, dans son stupide manoir. Toi, tu allais faire de même mais dans ton beau casino. Il faut l’avouer, c’est quand même plus la classe de bosser dans un casino que seul dans une immense demeure vide et froide.

Plusieurs heures sont passées sans que tu ne trouves un seul indice sur ce qui a bien pu se passer. Rien, nada, nothing. Ça t’emmerde, vraiment ! Tu continuerais à chercher si tu n’avais pas donné rendez-vous à Giulia au ranch pour qu’elle termine les soins de ta main. Une pause en charmante compagnie ne te ferait de toute façon pas de mal. Tu reprendrais tes recherches après, en espérant qu’il n’y ait pas encore de mauvaises nouvelles en temps.

C’est seulement 5 minutes après ton arrivé au ranch que ton invité s’annonce. Tu ne perds pas de temps à aller lui ouvrir « Vous cherchez quelque chose mademoiselle ? Un beau gosse peut-être ? Vous avez frappé à la meilleure porte ! » Tu lui balances une phrase qu’un mec lourd pourrait utiliser comme technique de drague. Tu ne veux pas la charmer, tu veux juste plaisanter comme la dernière fois, mais son air fait  changer ton attitude presque immédiatement. Tu ne montres rien sur ton visage, mais un sentiment d’inquiétude vient prendre possession de toi. « Quelque chose ne va pas ? » Tu vois bien son air fatiguée, sa pâleur et sa maigreur. Quelque chose n’allait pas et elle ne pouvait pas le nier. « Entre, viens » Tu te pousses de la porte pour la laisser entrer.

@Giulia Black

Une nouvelle crise d'angoisse pointait le bout de son nez. Elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour la contrôler, pour éviter de devoir s'arrêter sur le bord de la route et de devoir appeler quelqu'un à sa rescousse. Ce n'était pas possible, ce n'était pas elle cette fille apeurée à l'idée de se retrouver seule ne serait-ce que dix minutes. Elle était partie en douce, sans rien dire. Brom ne l'aurait jamais laissée partir. Il avait peut-être raison, il était encore trop tôt, elle n'aurait jamais dû décider de se rendre seule chez Vince. Mais elle devait se prouver qu'elle en était capable. Elle était traumatisée et devait se lancer du temps pour se rétablir, elle en était bien consciente mais elle n'avait pas cette patience avec elle-même. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même et cela ne pouvait pas durer. Elle avait besoin de se retrouver, de se posséder et contrôler de nouveau.

Tout en essayant de se changer les idées, elle se remémora sa dernière visite chez l'Italien. Visite qui s'était scellée par un baiser, suite à un jeu mal calculé. A moins qu'elle le désirait inconsciemment? Elle avait fini par le repousser et ils n'en avaient plus parlé. Quelques semaines s'étaient écoulées entre temps et il était apparemment de nouveau en couple. Il ne devrait donc pas recommencer son petit flirt. Elle l'espérait. Elle craignait sa réaction s'il tentait ne serait-ce que d'effleurer sa peau sans qu'elle le souhaite.

Elle avait réussi à minimiser les effets de sa crise et arriva à bon port. Ses mains restaient encore légèrement tremblantes et ses jambes encore un peu fébriles. Elle respira fortement avant que la porte s'ouvre. Allez, un petit effort, tu ne reste pas longtemps, tu te concentres sur ton travail et tout ira bien. se disait-elle pour se rassurer. Elle eut à peine de temps de finir sa phrase de motivation que Vincenzo apparut avec une remarque digne de lui sortant de sa bouche. Evidemment. En temps normal, elle aurait souri même ri et aurait plaisanté avec lui. Aujourd'hui, elle en était incapable, craignant trop qu'il tente de nouveau de la faire flancher. Commence pas... Sa voix était un peu plus faible qu'à l'habitude. Il remarqua aussitôt que quelque chose n'allait pas. Mince, elle pensait pouvoir lui cacher. Elle fuit son regard. Non non, c'est bon, ça va. Elle mentait et cela se voyait comme le nez au milieu de la figure mais elle ne s'imaginait pas lui raconter toutes ses mésaventures. Nerveuse, elle serra un peu plus fort son sac médical pour se donner un peu de contenance et elle s'engouffra aussitôt dans le bungalow.

Elle se dirigea dans la cuisine sans même qu'il lui demande. Elle ne voulait pas perdre de temps et se souvenait que c'était dans cette pièce qu'elle l'avait soigné la dernière fois. Elle posa ses affaire sur la table, préparant son matériel évitant de le regarder et en restant silencieuse. Ses mains tremblaient un peu moins. Si cela ne se calmait pas réellement, la procédure serait compliquée et Vincenzo ne serait certainement pas rassuré.

@vincenzo de luca

Tu ne peux pas le nier, tu es sous pression en ce moment. Toi qui savais toujours garder ton self-control dans n’importe quelle situation, là tu devenais de plus en plus irritable. T’avais moins de patience pour les conneries et tu ne te focalisais plus que sur ton boulot et les disparitions. Quelqu’un jouait avec toi et même si tu adorais jouer, là ça ne te plaisait pas vraiment. Tu n’étais pas en position de force, tu ne savais rien sur ton adversaire. Tu te battais contre un homme invisible qui avait la main. Déjà deux membres de ta famille manquait à l’appelle. Il était fort ou suicidaire ou même les deux. S’en prendre à toi c’est une chose, s’en prendre à ta famille en est une autre. Tu ne laisserais pas passer ça. Tu trouverais le responsable et t’allais lui montrer contre qui il se battait réellement.

Pour l’heure, tu devais prendre une pause dans tes recherches histoire de soigner ta main. A la sortie du casino, tu reprends ton air détendu habituel et tu te rends au ranch, lieu du rendez-vous. Voir quelqu’un qui n’avait rien à voir avec toute cette merde allait te faire du bien. Une personne simple, pas prise de tête et médecin … pas une membre d’une quelconque organisation. Ça allait te changer les idées à coups sûr. Sauf qu’en ouvrant la porte, ce n’est pas le vrai sourire adorable de Giulia qui te fait face, mais une mine triste, fatiguée et faible. « C’est pas avec moi que tu vas pouvoir bluffer ma jolie » T’étais un pro du poker après tout, les coups de bluff ça te connaissait. Quand bien même, à qui elle pensait faire gober ce mensonge ? Ça se voit comme le nez au milieu de la figure qu’elle ne va pas bien.

Tu la suis jusqu’à la cuisine où tu avais joué de ton charme sur elle la dernière fois. Aujourd’hui allait être une visite différente. Primo parce que tu étais de nouveau avec Moïra et secundo parce que Giulia t’inquiétait. Ouais toi Vincenzo tu étais capable de t’inquiéter pour quelqu’un. Ton regard se pose sur ses mains légèrement tremblantes et tes sourcils se froncent. « Tu crois que je vais te laisser charcuter ma main avec tes tremblements ? Dis-moi plutôt ce qui ne va pas »

@Giulia Black

Hs : Sorry pour le temps de réponse

Elle pensait pouvoir faire illusion, cacher le fait que non, elle n'allait pas bien. Mais l'illusion fut de bien courte durée, pour ne pas dire inexistante. Il est bien compliqué de cacher ses émotions lorsque l'on est habituellement souriante. Elle était mal à l'aise. Le baiser de leur dernier rencontre n'arrangeait rien à la situation. En vérité, ce n'était pas Vincenzo qu'elle craignait. Simplement l'idée que quelqu'un la touche. Sans sa permission. Encore. Jamais elle n'avait ressenti un tel mal-être. L'impression que son corps n'était plus le sien. Une enveloppe épaisse qui ne lui appartenait pas. Un esprit qu'elle ne contrôlait pas. Jamais elle n'avait été peureuse. Maintenant, tout l'effrayait: prendre le volant, être entouré d'inconnus, le moindre craquement de plancher...

Reprendre progressivement sa vie d'avant, c'était le plan. Renouer avec ses habitudes lui permettraient peut-être de regagner en confiance. Retrouver des lieux connus, sûrs, retrouver une routine. Elle n'avait pas encore mis les pieds au cabinet, elle n'était pas encore prête à retrouver le contexte de la KCIM, elle avait trop peur d'être confrontée à des éléments pouvant lui déclencher des crises d'angoisse. Elle appréhendait de revoir Vince mais au fond d'elle, elle savait qu'elle ne risquait rien avec lui. Il ne lui ferait pas de mal.

Il lit instantanément son visage et ne fut absolument pas convaincu par son mensonge. Evidemment qu'elle n'allait pas bien, toute personne la connaissant l'aurait vu en un rien de temps. Elle ignora sa remarque sur son mauvais coup de bluff, serrant nerveusement son sac et s'engouffrant dans la cuisine où elle prépara son matériel, les mains encore tremblantes. Elle essayait tant bien que mal de se calmer avant de pouvoir s'occuper de la main de l'Italien qui s'en rendit malheureusement compte. Elle posa son regard sur lui, remarqua ses sourcils froncés. Il s'inquiétait. Ils vont passer... Et j'arriverais quand même à t'enlever les points comme ça. Du moins, elle l'espérait. Elle n'était pas venue ici pour rien, encore moins pour parler d'elle. Elle détourna de nouveau le regard, rangea une mèche de cheveux derrière son oreille avant de lui sortir encore un mensonge absolument pathétique. J'ai bu trop de café, c'est tout. Elle entendait à quel point ses paroles étaient impossibles à croire. Mais même si elle souhaitait en parler avec lui, que pourrait-elle lui dire? Parler de la KCIM n'était pas une option.

@vincenzo de luca - pas de souci, t'inquiètes