Il est tard, j'ai pris ma ronde avec mon collègue, je ne sais pas trop ce qu'il pense de moi. J'ai croisé Ried l'autre soir, ça fait deux mois maintenant, je ne m'attendais pas à le revoir et j'ai eu un choc en le revoyant ici, moi qui le croyait mort. On n'a pas reparlé de cet incident avec Jim, il n'a pas l'air de vouloir en parler et ce n'est pas plus mal. Je ne voudrais pas qu'il pense que je ne suis pas compétent, que je mets mes sentiments trop avant ou que je fais des faveurs à qui que se soit. Je connais Ried, il ne m'aurait pas attaqué. Jim a été plutôt cool avec moi, mais je sais qu'il se méfie de moi. Je suis assez imprévisible, mes crises sont toujours là, elles reviennent régulièrement quand je m'y attends le moins, comme dans l'ascenseur avec Lilith. Heureusement je n'en ai pas eu depuis, mais je ne suis pas tranquille, j'ai l'impression d'être dingue, de me retrouver constamment là-bas, dès que j'entends un petit bruit, quelque chose qui va me rappeler ma séquestration et cette fichue prothèse de jambe, ne m'aide pas a oublier ce que j'ai vécu, elle me rappelle tous les jours que rien ne sera plus comme avant. J'ai laissé mon fils à la maison, il dort, du moins j'espère, je sais qu'il ne dors pas tout de suite, qu'il discute en ligne avec ses copains, qu'il joue au jeux vidéos, à la guerre, je ne supporte pas de le voir faire. On se dispute souvent à ce propos et je sais qu'il me prend pour un dingue. Il est dans une phase de rébellion permanente et c'est fatiguant de devoir jouer au flic même a la maison, mais je fais avec, il est tout ce qu'il me reste.

On marche dans la rue, on observe les fêtard qui se baladent, se dispute parfois. Jim me raconte sa vie de famille, il a de la chance d'avoir trois enfants, d'aller régulièrement voir ses parents et ses beaux-parents. Sa vie me fait un peu rêver, c'est tout ce que je n'ai pas. Il s'arrête quand il voit une voiture arriver à tout allure. Elle ne roule pas droit, on devine aisément que la conductrice doit être soul. Je le regarde et on fait des grands signe pour qu'elle se range, ce que par chance elle fait et il me laisse faire mo, job. Je me penche vers la voiture alors que la fenêtre se baisse:

"Bonsoir, vous rouliez trop vite, on va vous demander les papiers du véhicule et votre permis, madame."

J'ai remarqué que c'était une femme, mais je n'ai pas reconnu tout de suite qui c'était. Il faut dire qu'elle a changé depuis notre divorce et je me demande ce qu'elle fait dans les parages. Je me fige quand je la reconnais et j'en reste bouche bée, sans savoir quoi dire.

"S ... Sarah ..."

Ma gorge se serre, bon sang elle me fait toujours ce drôle d'effet, même si on est divorcé. Je me demande ce qu'elle fait ici et si c'est bien elle, mais je doute que je me trompe et tout à coup je revois nos moments qu'on a passé ensemble, ça défile dans ma tête, comme des flashs, notre première sortie, le jour ou je l'ai demandé en mariage, le jour ou elle m'a annoncé qu'elle attendait un bébé, le jour ou j'ai pu voir notre fils pour la première fois et une fois de plus je me retrouve projeté en arrière dans mes pensées, revoyant chaque instant jusqu'à me retrouver enfermer de nouveau là-bas. Je les entends me dire qu'ils s'en prendront à elle si je ne parle pas. Je ne sens pas ma main trembler. Je suis là sans être là et elle connait ces symptômes, je les avais en revenant d'Afrique et je les ai toujours.