Après lui avoir expliqué la raison de sa prise des anxiolytiques, Sasha s’excusa d’avoir pris un ton sévère et elle le rassura avec un sourire, comprenant son inquiétude. Elle aurait dû lui en toucher deux mots, car si cela avait été l’inverse, elle aurait évidemment réagi comme Sasha venait de le faire à l’instant, avec ce mélange d’inquiétude et d’incompréhension. Elle aurait peut-être même réagit un peu plus brusquement si elle l’avait su, comme lui, par surprise et venant de quelqu’un d’autre. « Pourquoi tu ne m’en n’a pas parlé avant ? Peut-être que j’aurais pu t’aider, ou être à ton écoute… » Elle le regarda d’un air penaud, avant de lui répondre, presque honteuse. « Je savais que tu étais très occupé et je ne voulais pas être un poids en plus. Réflexion idiote de ma part, je le sais. » Anastasia ne savait pas comment le justifier autrement, comme si les mots ne lui venait soudainement plus. Elle n’était pas le genre de personne à exposer ses problèmes, quels qu’en soit le type, même à ses plus proches amis ou sa famille. Pour ne pas les déranger, pour ne pas les inquiéter, parce qu’ils ont leur propre vie et problèmes à gérer de leur côté. Elle se savait cependant soutenu par ces mêmes personnes dont Sasha faisant partie, mais même et surtout auprès d’eux, elle voulait laisser un souvenir impérissable de joie et de bonne humeur et non de maladie et de faiblesse. Sasha lui parla ensuite de la promesse qu’ils s’étaient faite à l’époque, d’être toujours présents l’un sur l’autre malgré la distance et les kilomètres qui pouvaient les séparer. Un petit sourire apparut sur ses lèvres. « Je ne l’ai pas oublié. Excuse-moi de ne pas t’en avoir parlé, et surtout de la manière dont tu l’as appris. » Anastasia ne pouvait pas remonter le temps, alors elle ne pouvait que s’excuser platement d’avoir mis de côté leur promesse pour cette raison.

La carte de dégustation entre les mains, ils s’apprêtaient à commander quand elle sentit les mains chaleureuses de Sasha se poser sur ses épaules, lui demandant de lui promettre de ne plus le laisser à l’écart pour ce genre d’évènements. Elle hocha la tête, le lui promettant silencieusement et droit dans les yeux. Elle repensa à cette fameuse soirée où il s’était promis d’être toujours là l’un pour l’autre, qu’à deux ils braveraient monts et marées.

« On en fait le serment ? » Anastasia lui tendit son petit doigt qu’il enroula avec le sien. « Promis. » Les yeux dans les yeux, ils restèrent ainsi quelques instants, de façon presque solennelle. A califourchon sur le beau jeune homme, elle l’embrassa ensuite passionnément avant de poser sa tête sur son torse, dans cet immense lit sur lequel ils venaient de ne faire plus qu’un. En ce moment présent, elle était heureuse. C’était comme si la vie lui souriait à nouveau, la récompensant de s’être battue comme une lionne et voulant lui apporter un peu de joie dans son combat plein d’incertitude et de tristesse. Oui, Anastasia faisait partie de ce genre de personne à croire au destin. Pour elle, ils étaient faits pour se rencontrer, comme si c’était une évidence. Leur relation avait tellement évolué en si peu de temps qu’elle a presque cru un instant qu’il y avait une entourloupe derrière tout cela, car malheureusement rien n’était parfait. Et il y en avait bien une : tous deux allaient poursuivre leur route séparément après cette dernière nuit passée ensemble, ce qui expliquait leur promesse prise à l’instant. La jeune femme avait ressenti toute la sincérité de Sasha lors de cette promesse qu’elle ne pouvait pas douter de lui. Il avait su l’apprivoiser, la soutenir, l’élever, la porter quand ses jambes étaient sur le point de s’écrouler. Une vraie connexion, une vraie alchimie s’était passée entre eux, au point qu’à peine en quelques semaines, elle n’avait jamais été aussi proche de quelqu’un. Anastasia se releva et se dirigea vers la salle de bain, allumant l’eau de la grande baignoire en marbre. L’eau fumante coulant à flot, elle retourna dans la chambre où Sasha s’assoupissait légèrement – il fallait dire que la nuit était bien avancé. Elle l’observa quelques minutes, posant sur lui un regard plein de tendresse, puis saisit quelques roses qui ornaient le bureau faisant face au lit et retourna aussi silencieusement que possible dans la salle d’eau pour se glisser dans la baignoire qui était à présent presque rempli d’eau chaude. Elle plongea dedans doucement, s’habituant à cette chaleur petit à petit, laissant encore le robinet ouvert afin que l’eau recouvre sa poitrine avant de l’éteindre, faisant régner soudainement le silence le plus total dans la chambre d’hôtel dans laquelle ils logeaient. Elle arracha chaque pétale de rose qu’elle lâcha devant elle, les laissant flotter dans la baignoire tout autour d’elle. « Je peux me joindre à toi ou il n’y a que ces malheureuses roses qui y ont droit ? » Elle se retourna vivement et aperçu le chanteur dans l’encadrement de la porte, accoudé à celle-ci, petit sourire malicieux au coin. Elle éclata d’un rire étincelant et lui tendit le bras, l’invitant ainsi à la rejoindre.

Elle acquiesça quand Sasha proposa à nouveau le vin local. « Je te laisse choisir par contre, tu es un plus fin connaisseur à ce sujet que moi. » Ce à quoi il rétorqua qu’il était sans doute préférable de demander conseil à la personne qu’ils auraient au bout du fil. C’était effectivement un choix judicieux. Ils appelèrent ensuite le numéro indiqué afin de leur notifier qu’ils souhaitaient un service en chambre avant de passer commande. Tandis que son ami se dirigeait à son tour vers la salle de bain, elle se posa à son tour sur le lit, se traitant d’idiote à vouloir épargner ses proches sur sa santé alors qu’elle ferait mieux d’être entourée. Anastasia resta un moment dans cette position avant d’aller chercher un bouquin qu’elle avait glissé dans son sac – elle en emmenait toujours un, même si elle n’avait pas forcément le temps de le lire – et rehaussa un oreiller histoire d’être dans une position confortable. La musique en fond, elle poursuivit sa lecture. « C’est bien ce que tu lis ? » Elle releva la tête, arquant un sourcil. « Doutes-tu de mes goûts littéraires ? » Elle lui sourit, tout en poursuivant. « Ca s’appelle "Soleil de nuit", de Jo Nesbo. Et je n’en suis pas déçue. » Elle adorait cet écrivain, pouvant relire à plusieurs fois ces bouquins. Elle montra la couverture du livre à Sasha qui s’était placé près d’elle, et continua le chapitre dans lequel elle s’était plongée avant qu’il ne sorte de sa douche. « Je peux te poser une question sérieuse ? » Elle hocha la tête alors qu’il lui demandait si la fibromyalgie pouvait avoir des conséquences une future grossesse, lui intimant qu’elle n’était pas obligé d’en parler si elle ne le souhaitait pas. Elle referma le livre, laissant son doigt comme marqueur à la page qu’elle lisait. « On m’a dit en effet que sur les analyses qui avaient été faites, les chances de tomber enceinte avaient des répercutions, tout dépend du stade de la maladie. Mais tu sais.. Plus j’y pense et plus je me dis qu’il serait mieux que j’abandonne l’idée d’être mère un jour. Je ne peux pas me permettre de faire subir à un enfant des états sur lesquels je n’ai pas le contrôle. » Anastasia termina sa phrase dans un murmure, prenant conscience qu’elle mettait fin définitivement à l’un de ses projets. Elle savait que ce n’était pas une fatalité au fond d’elle-même, mais elle ne put s’empêcher d’avoir le cœur brisé. « On verra bien ce que la vie nous réserve. » Elle lui adressa un sourire, essayant d’apporter un peu d’espoir, auquel elle ne croyait malheureusement plus.

La sonnette de la porte la fit légèrement sursautée, ne s’y attendant pas. « Déjà ? » Elle se hissa hors du lit pour aller ouvrir la porte devant laquelle se tenaient 2 serveurs, l’un avec un plateau d’amuse-bouches et le second avec deux coupes de champagne. Elle s’écarta de l’embouchure de la porte pour les faire entrer. Ceux-ci leur expliquèrent que c’était en guise d’apéritif, offerts par la maison, afin de rendre l’attente des plats plus agréable. Ils énoncèrent également de quel champagne il s’agissait ainsi que des différents mets, cependant Anastasia n’écoutait plus. Elle avait certaines restrictions à propos de l’alcool, un ou deux verres pouvaient passer, mais plus ? Elle avait avalé des cachets la veille dans l’après-midi, la boîte contenant ses derniers cachets étaient évidemment dans son sac, qu’elle avait d’ailleurs oublié de prendre cet après-midi, trop occupée et excitée à l’idée de partir un petit week-end. Mais jusqu’ici, elle n’avait pas ressenti de douleur, même passagère. Elle ne pouvait cependant pas se permettre de lever le pied aussi rapidement, même dans l’optique où elle ne prenait aucun cachet jusqu’à leur retour. Avant de partir, les deux garçons leur indiquèrent que la suite arriverait dans une trentaine de minutes maximum et Anastasia les remercia chaleureusement avant de refermer la porte derrière eux. « Quelle bonne surprise ! Ca te dirait d’aller sur la terrasse profiter un peu du paysage en attendant ? » En ouvrant la baie vitrée, l’air frais la fit frissonner tandis qu’elle déposait sur la table basse extérieure les hors d’œuvres. Elle alluma les lumières extérieures afin d’éviter d’être trop dans la pénombre, et parti chercher une veste pouvant lui tenir chaud. Elle décida de relancer leur discussion là où elle s’était arrêté, mais en changeant de protagoniste. « Et toi, alors ? Tu es toujours aussi récalcitrant à cette idée qu’à l’époque ? » Elle ajouta, souhaitant apporter une touche d’humour. « Va savoir, peut-être que voir le petit Jeffrey Junior va te faire complètement changer d’avis. » Elle leva son verre. « A Alexander ! » Ils trinquèrent, leurs coupes s’entrechoquant avec un tintement digne du cristal. La trentenaire en but juste une petite gorgée. « D’ailleurs, pendant qu’on y est.. Tu poursuis toujours ta route solitairement ? » Sans savoir pourquoi, elle craignait un peu la réponse, s’imaginant que c’était toujours le cas car il lui en aurait parlé si quelqu’un partageait sa vie. Mais il se pouvait qu’elle fasse fausse route, et c’était ce petit doute qui la faisait craindre la réponse de Sasha. D’autant plus qu’elle ne pouvait pas réellement se permettre ce genre de réflexion, étant donné qu’elle avait connu des histoires plus ou moins sérieuses quand leurs chemins s’étaient séparés. Ce qu’elle pouvait être ridicule, pensa-t-elle en piochant un petit feuilleté au fromage.

L’eau encore ruisselante dans sa nuque alors que ses cheveux étaient encore mouillés, le jeune homme finissait de ranger ses affaires dans un sac de voyage format weekend. Il fut interrompu par un appel de son manager qui lui parlait du boulot. Laissant l’appareil en mode haut-parleur, Sasha terminait enfin son sac et cherchait à présent dans son armoire une tenue à enfiler. Juste après avoir raccroché, il se détacha de sa serviette jusqu’alors roulée autour de sa taille et se vêtit en toute simplicité. Un jean denim, un t-shirt blanc et une veste en Jean. Aux pieds, une paire de converses ferait l’affaire. Il vérifia ne rien avoir oublié dans la salle de bain vis-à-vis du nécessaire de toilette, jeta un oeil dans le miroir au dessus du lavabo il ne put s’empêcher de plisser les yeux puis de les ouvrir en grand en se disant qu’il avait une tête de fatigué. Sans doute les heures de boulot accumulées, et encore il n’était pas encore à la promotion d’un nouvel album 10 titres fraichement terminé. C’était en cours de discussion avec son agent justement. Son portable sonna, Taz arrivait tout juste. Le grand blond descendit sac en main, débarqua sur le perron et regardait la voiture de ville se garer. Sourire aux lèvres, il accueille Anastasia dans ses bras pour la saluer, sentant par la même occasion une note olfactive de mandarine, nectarine au coeur de laquelle émanait une touche de jasmin et chèvrefeuille, santal et vanille. Autrement dit, une odeur qui lui était propre étant donné qu’elle avait sans aucun doute un parfum ‘habituel’ floral et fruité depuis des années. « J’espérais que ça ne se voit pas trop mais c’est raté ». Lui faisant signe d’entrer dans la maison - car il avait encore à vérifier qu’il avait bien tout éteint et fermé - il poursuivit « Petite nuit oui mais ce rythme devrait prendre fin, mon prochain album est terminé et entre les mains de ma maison de disque et de mon agent ». Là il referma derrière elle, se frotta les yeux et répondait en même temps « Non non, c’est très bien. J’ai besoin de sortir d’ici et prendre un peu le large. Partir ce soir convient parfaitement, si pour toi c’est toujours okay aussi bien sûr ». Elle confirma de son côté.

Il se dirigea vers la cuisine en lui proposant quelque chose à boire avant de partir. 
« Non, il ne me reste plus qu’à vérifier que quelques trucs soient débranchés et éteints, ah oui prendre un sweatshirt que j’ai oublié là-haut et on est bon pour partir ». Il s’excusa de la laisser seule avec le verre d’eau demandé et fila à l’étage faire ce qu’il avait dit. Cela ne prit pas longtemps car 5 minutes plus tard ils étaient déjà de nouveau réunis au salon. « Je nous ai fait un petit sac spécial grignotage » précisa t-il en attrapant en plus de son sac un sachet réutilisable laissé dans la cuisine. il y avait quelques fruits secs et amandes, deux pommes, quatre bières, une grande bouteille d’eau, une tablette de chocolat 98% cacao, un paquet de bonbons et la moitié d’un cake fait maison par sa mère deux jours auparavant qu’il avait emporté chez lui après un repas. Sasha ne fit mention que de ce dernier pour révéler le contenu du sac « Normalement que des choses que tu aimes aussi, y compris un restant de cake à la fleur d’oranger fait maison par Mam’ Dwyer. D’ailleurs elle m’a dit de te saluer ». Sasha referma la porte d’entrée à clef, cacha un double dans la planque habituelle et se dirigeait déjà vers sa voiture pour y mettre les affaires dans le coffre, sauf le sac de nourriture qui resterait accessible dans la voiture. Là il vit la belle jeune femme partir d’un pas rapide vers sa voiture. Il la rejoint et ne put s’empêcher de toucher le la peluche qui représentait un Koala. « Génial ! En espérant qu’il n’en ait pas peur et que le Koala devienne son meilleur ami, ça devrait lui plaire. Où l’as-tu dégoté ?! Il est immense… doux mais immense… ». Il sourit alors que ses doigts parcouraient le prénom du nouveau né. « C’est sympa je trouve, pas de raison que ça ne leur plaise pas… t’as bien fait ». Ajouta t-il en la laissant prendre le cadeau jusqu’à sa voiture. « J’ai pas fait original, je me suis contenté de deux body et une paire de chaussures trop cool qu’il pourra mettre dans quelques mois. Tu verras plus tard parce que c’est tout emballé ».

Une fois la peluche glissée à l’arrière de la voiture, il repensa à cette fois où ils étaient allés ensemble à la fête foraine. D’ailleurs, en montant sur le siège conducteur et s’attachant, il le lui rappela « Tu te souviens de cette histoire de peluche à la fête foraine ? Le truc impossible à gagner mais qu’on a finit par avoir…. enfin, que j’ai fini par gagner pour tes beaux yeux pour être plus exact ». Il lui fit un petit clin d’oeil, entra l’adresse dans le GPS et partit enfin. « Je crois que je m’en souviendrais toute ma vie, non seulement ça n’avait pas été une mince affaire de l’avoir, et en plus de ça je devais supporter un gars sur-tatoué te faire des avances… ». Pour continuer dans ses souvenirs, il ajouta « … et lors de cette sortie tu m’avais renversé ton soda dessus aussi… enfin mieux valait que ça soit le soda parce que tu as aussi vomi si je me souviens bien… tu sais après le manège assez intense là qui balance dans les airs… ». D’un air mi taquin mi moqueur - gentiment - il ramenait ces anecdotes à la surface. « …’fin bon c’était quand même une super après-midi. Je me demande d’ailleurs si Jaffrey nous avait pas rejoint plus tard… avec sa petite amie de l’époque, et d’autres amis…. ou alors c’était sa cousine peut-être, je ne sais plus ».

Le trajet venait juste de commencer, le GPS affichait un trajet de 2h47 vu le trafic actuel. Sasha était plutôt ravi de partir à l’aventure, aussi bien accompagné. « En parlant de cousine, tu ne devais pas avoir une visite dernièrement ? ». Dans ses souvenirs, Taz devait recevoir de la famille quelques jours, ils ne s’étaient pas vus pendant ce temps là - ce qui, quelque part, lui avait manqué - par conséquent il se mettait un peu à jour sur ce qu’ils avaient pu faire. « Et d’ailleurs, je te coupe, mais je pense retourner trois semaines ou quatre en Australie, en fin d’année si tout cela est possible… je te l’ai déjà proposé mille fois mais l’offre tient toujours si tu veux venir…. enfin je pense que professionnellement tu ne sais pas encore comment ça sera mais je préférais te le redire quand même ».

Il pressa sur son iPhone qui synchronisait et jouait la musique directement sur son poste pour y mettre une chanson qu’il aimait bien. Praise you de Fatboy Slim. « Tu es libre de mettre ce que tu veux aussi, n’hésite pas ».

La sortie de la ville marqua le véritable départ du road trip, d’où le « c’est parti » dit à voix basse par Sasha. « Je sais qu’il est bien tôt mais… qu’est-ce que tu aurais pris de bon à grignoter ? ». Le jeune homme de nature gourmande se laisserait tenter assez vite même sans avoir vraiment faim.

Alors qu’Anastasia pénétrait dans la demeure de son ami, celui-ci s’éclipsa presque instantanément, après avoir émis la formule de politesse lui proposant à boire, ce qui était quasiment habituel de sa part dès que quelqu’un mettait les pieds chez lui. Elle accepta, et elle l’attendit avec son verre d’eau fraîche dans la main. « Pas de soucis, prends ton temps. » Il lui confirma également que leur départ prévu à ce soir ne sera pas repoussé, malgré son air épuisé, ce qu’il avait expliqué par la finition de son album qui était maintenant dans les mains de son agent. Elle ne doutait pas qu’il serait également un franc succès, comme ses précédents albums par ailleurs. Elle acquiesça de la tête tout en le regardant s’éclipser et se mit à patienter calmement, buvant petite gorgée par petite gorgée son verre d’eau généreusement offert. Le public de Sasha lui était fidèle, et il arrivait à garder son style musical – Anastasia saurait deviner presque instantanément quelle chanson était de son ami chanteur rien qu’en entendant les premières notes de celle-ci, même si elle ne l’a jamais entendu auparavant, car la patte de Sasha lui était reconnaissable entre mille – tout en s’adaptant à l’évolution musical. La trentenaire l’admirait pour son talent, sa capacité à se renouveler sans perdre son identité musicale propre. Il bossait énormément pour obtenir le résultat final qui lui convenait, au point de faire assez souvent des nuits blanches et à s’épuiser pour être pleinement satisfait. Elle avait été là, quelques fois, quand Sasha se penchait sur ses compositions toute la nuit, et quand les coups de trois heures ou quatre heures du matin sonnaient, elle se retrouvait souvent à lutter contre le sommeil, afin de soutenir son ami au mieux, mais la plupart du temps elle ne se rendait même pas compte qu’elle était déjà dans les bras de Morphée.

Sasha réapparut à peine quelques minutes plus tard, son sweatshirt oublié à l’étage en main, et lui confessant qu’il leur avait préparé un sac alimentaire "spécial grignotage", ce qui fit rire la jeune femme. Elle attrapa quelques fruits secs avant que son ami ne referme entièrement le fameux sac en question. « Normalement que des choses que tu aimes aussi, y compris un restant de cake à la fleur d’oranger fait maison par Mam’ Dwyer. D’ailleurs elle m’a dit de te saluer » Les yeux bleus d’Anastasia se mirent à pétiller quand elle entendit ça. Sa mère était une incroyable cuisinière, et le fait de savoir qu’il avait ramené pour la route les restes de son gâteau ne pouvait que la réjouir, voir l’enchanter. Rien que de penser au moelleux de ce gâteau et de ces parfums qui se dégageaient quand elle en avait en bouche la faisait saliver d’avance. Elle incita Sasha à saluer sa mère en retour la prochaine fois qu’il l’aurait au téléphone ou qu’il la verrait.

Les deux acolytes s’installèrent enfin dans la voiture de Sasha, après avoir mis le sac d’affaires d’Anastasia et la peluche pour le petit être qu’ils allaient bientôt rencontrés dans le coffre de celle-ci, en plus de ceux de Sasha. Il lui fit part qu’il avait trouvé quelque chose de plus basique et qu’elle verrait cela qu’une fois arrivé sur place, étant donné que c’était déjà emballé. Offrir quelque chose à un nourrisson n’était pas aisé, et cela était sensiblement la même chose à chaque fois : des bodys ou vêtements, des peluches ou doudous, des hochets, des jeux d’éveil. Ce n’était pas évident, en sachant que les parents et leurs familles respectives de chaque parents avaient déjà du prévoir une majorité de choses avant la venue du bébé. « Tu te souviens de cette histoire de peluche à la fête foraine ? Le truc impossible à gagner mais qu’on a finit par avoir…. enfin, que j’ai fini par gagner pour tes beaux yeux pour être plus exact » « Oui, très bien même ! Je ne sais plus combien de temps on avait passé dessus, mais quand on est enfin partis du stand le soleil commençait déjà à se coucher. » Dit-elle en riant. Ils avaient été tellement concentrés sur leur objectif qu’ils n’avaient pas fait attention à ce qui se passait autour d’eux, ni au temps qui s’écoulait. C’était le gérant du stand qui était content de voir de l’argent afflué par un même duo. Sasha évoqua également le lourd dingue dont elle avait eu du mal à s’en débarrasser, ainsi que le moment où elle avait vomi à la sortie d’un manège à sensations fortes. « Mais c’est toi qui m’a forcé ! » Elle s’exclama prenant un air faussement choquée. « Et c’est aussi pour tes beaux yeux que j’ai cédé.. Ce que je n’aurais pas du, étant donné la finalité. Je n’aurais pas du mangé cette gaufre, mais ma gourmandise a pris le dessus. » Alors qu’il enclenchait le frein à main et commençait à débrayer, Anastasia plongea dans ses souvenirs de cette fameuse journée, et lui répondit que ça devait être juste une amie à Jaffrey. C’était en tout cas la première et dernière fois qu’ils l’avaient vu.

Tandis que la voiture passait le portail, Sasha lui demanda si elle n’aurait pas du avoir de la visite de sa famille justement. « C’est vrai que j’ai omis de te le dire mais ça a été repoussé malheureusement. Ils devraient arriver dans trois semaines. » Elle allait recevoir ses parents et sa tante, qui ont été retenus par de fortes pluies qui ont engendrés une inondation de la cave et du garage de ses parents, ce qu’elle précisa au chanteur. « Et d’ailleurs, je te coupe, mais je pense retourner trois semaines ou quatre en Australie, en fin d’année si tout cela est possible… je te l’ai déjà proposé mille fois mais l’offre tient toujours si tu veux venir…. enfin je pense que professionnellement tu ne sais pas encore comment ça sera mais je préférais te le redire quand même » Anastasia n’avait pas oublié cette proposition, loin de là. Elle devait juste faire en sorte de se laisser du temps libre à cette période de l’année, ce qu’elle réussissait jusqu’à présent, en calant des rendez-vous avant ou après cette période estimative. C’était donc bien parti pour qu’elle l’accompagne, ce qui la réjouissait intérieurement, mais elle voulait faire la surprise au dernier moment à Sasha. Elle se contenta donc de lui répondre qu’elle faisait son maximum mais qu’il était encore trop tôt pour lui faire un retour à ce sujet. Alors qu’ils s’engageaient sur la route, il lança la musique, signe qu’ils étaient enfin bien partis, sur la grande route. Un peu moins de trois heures de route, ça devrait passer relativement vite, normalement. « Je sais qu’il est bien tôt mais… qu’est-ce que tu aurais pris de bon à grignoter ? » Elle fit les gros yeux, soudainement. « A vrai dire, j’ai oublié de prendre quelque chose à manger ou grignoter.. J’étais tellement obnubiler par le cadeau qu’une fois que je l’ai trouvé, j’ai pensé qu’il ne me restait plus rien d’autre à faire à part venir chez toi pour démarrer le voyage. » Heureusement que Sasha avait pensé à apporter un sac de grignotage. Son côté consciencieux la faisait toujours sourire. La route était plutôt fluide, quoi qu’il y avait pas mal de voiture malgré tout. Tant que ça roulait, c’était le principal. « Je vais prévenir Jaffrey qu’on est partis et qu’on devrait en avoir pour un peu plus de deux heures trente de route. » Ce qu’elle fit immédiatement, joignant le geste à la parole. Elle posa ensuite son portable sur sa cuisse avant de reposer sa tête sur l’appui-tête de son siège, le regard divaguant sur le paysage qui défilait devant leurs yeux. « Ca me fait du bien de partir un peu, même si ce n’est qu’un week-end. Puis ça faisait longtemps que l’on n’avait pas partagé quelque chose ensemble. Je veux dire, en dehors du déjeuner de la dernière fois. D’ailleurs, tu n’es pas tombé malade après j’espère ? Ma quiche n’était pas si bien réussie que je ne l’espérais. » Elle porta son regard vers Sasha, et l’observa attentivement tandis qu’il était concentré sur la route. Elle connaissait les moindres traits de son visage, à force de le regarder. Il n’avait pas tant changé, alors qu’il aurait pu être plus marqué par le temps ou par son boulot. La chanson Just Can’t Get Enough de Depeche Mode commença, et elle augmenta légèrement le volume, bougeant les doigts sur son genou au rythme de la musique. « Je ne peux pas m’en empêcher, désolée, j’adore tellement cette chanson ! » Dit-elle avant de chantonner à tue-tête.

Sasha connaissait bien les goûts de Taz depuis le temps qu’ils se fréquentaient. Le sac spécial grignotage devait indéniablement lui plaire. Il aimait cela d’ailleurs, chez elle. Ce côté de fille qui fait attention à elle sans pour autant délaisser son appétit. Elle était gourmande de nature, mais prenait de tout avec modération. Mieux valait une fille de ce genre curieuse de goûter pleins de choses, bonne vivante sans être dans l’excès, qu’une personne ne touchant à rien sous prétexte de faire attention à sa ligne 24/24h. Ce n’était d’ailleurs pas pour autant que Anastasia n’avait pas un physique parfait. Aux yeux de Sasha du moins. Et de beaucoup d’hommes il fallait l’avouer. Alors voir ses yeux pétiller à l’idée d’avoir du cake maison lui avait plu.

A ce sujet, les deux acolytes se remémoraient d’anecdotes dont une en rapport avec cette qualité qu’il lui trouvait. C’est pourquoi Sasha ne pu s’empêcher de sourire jusqu’aux oreilles quand ils parlèrent de cette fameuse sortie à la fête foraine et des quelques ratés. « la gourmandise fait partie de ton charme, tu le sais bien » commenta t-il entre les propos de la jeune femme. Ils entamèrent ainsi la route, évoquant des moments passés mais également plus récents. « Rien de grave j’espère ». Elle lui glissa l’explication avant qu’il n’enchérisse sur son départ de quelques semaines pour l’Australie. Etant donné qu’il avait deux passeports, en dépit de la situation actuelle, il pourrait tout de même aller dans ce pays d’origine. « C’mon, tu dois faire un effort… ». Il la taquina car il savait qu’elle avait un emploi du temps chargé, mais en toute honnêteté cela lui ferait très plaisir de partir avec elle en particulier là-bas. Lui montrer ses coins favoris, fouler le sable chaud d’autant plus que ça serait l’été là-bas à cette époque de l’année - les saisons étant inversées - … aller surfer, nager, plonger, lui présenter des amis vivant là-bas, l’emmenant à ses adresses favorites tant de restaurants que de street-food… Juste avoir de véritables vacances et en profiter à 100%. « … et si ce n’est pas pour moi, fais-le pour les requins baleines que tu verrais les requins-citron, les koalas et les kangourous…  sans parler de la barrière de corail, les couchers de soleil incomparables sur les plages…». Le chanteur tentait de la faire rêver un peu et surtout se projeter dans un avenir pas si lointain que ça. Il la regarda quelques instants bien qu’elle n’ajouta rien. Il savait. Il savait qu’elle ferait son possible pour venir. C’est pourquoi il changea de sujet comme on passe du coq à l’âne.

« T’arriverais à attraper le sac posé sur la banquette arrière ? Il y a de quoi manger là-dedans » fit-il en la regardant gesticuler et se contorsionner pour attraper ledit sac. « Tu es toute excusée » ajouta t-il sur un ton doux. Elle avait posé le sac sur le tapis de sol, entre ses jambes alors qu’elle appelait Jaffrey en laissant le portable sur sa cuisse. Sasha lui chuchotait de lui passer le cake emballé dans de l’aluminium. Elle lui obtint un morceau qu’il prit sans tarder. Le temps que la sonnerie d’appel se fit entendre, elle lui déclara quelque chose qui lui fit plaisir une fois de plus. « Tu sais j’ai l’estomac bien solide après les nombreux déplacements et repas en tout genre... alors même si ce n’était pas terrible, mon estomac a tenu le choc ». Il joint sa parole au geste en tapotant sur son ventre. Là il porta a sa bouche le morceau de cake et dit en faisant attention de ne pas postillonner ou faire tomber ce qu’il mâchait déjà « … je te taquine elle n’était pas mal du tout cette Quiche t’inquiète pas ». L’appel n’aboutit pas. Il devait être occupé ce qui justifia le message vocal qu’elle laissa.

« Redonne-moi un morceau de cake au lieu de dire des bêtises » fit-il en en prenant encore un peu par gourmandise. Il fut plus concentré sur la route mais pas pour longtemps. Alors qu’il ôta d’un mouvement de main sur ses vêtements toutes miettes tombées sur lui, elle se lança dans le chant. Ça aussi ça faisait partie des qualités qu’il lui donnait. Cette spontanéité et goût pour la musique. Tout genre d’ailleurs, mais facilement elle fredonnait, chantonnait ou tapotait de la main ou des pieds voire dansait au rythme d’une musique qui lui plaisait. Cette chanson faisait tellement vacances, road trip. Comme s’ils partaient en expédition au bout du monde. Cette sensation d’être seuls au monde et de ne pas savoir jusqu’où ils continueraient leur trajectoire. Prit dans l’engouement et l’amusement, Sasha se soigna à elle et cantonnait le ‘I just can’t get enough’ la laissant ainsi chanter les vers. Il fit également un peu l’idiot en tapant dans ses mains en contre-temps et jouant des épaules. Le volant devint rapidement la batterie contre laquelle ses doigts tapaient.

La chanson finie, il décida d’une autre en synchronisant son iPhone au bluetooth de la radio. « …attends j’en ai une, tu vas bien l’aimer celle-là… tiens, mets…  » il lui tendit son portable afin qu’elle écrive le titre souhaité. Sasha faisait parfois l’abruti mais en maitrisant quand même le véhicule. Et là, à l’allure où il allait, il était plus prudent pour lui de ne pas avoir les yeux rivés sur son portable. « Always du groupe Panama ». A peine le titre lancé il était déjà à fond dans le rythme et les paroles. Il les lui chantait sans fausse-note bien entendu. Sa voix accompagnait plutôt bien celle du groupe.

Tellement entrainé dans la chanson, il ne remarqua pas dans son rétroviseur central les gyrophares d’une voiture de police qui le suivait. Le son se fit plus élevé que celui dans la voiture. Anastasia coupa immédiatement la musique alors que Sasha se garait sur le bas-coté. Le policier en moto s’arrêta en même temps et se gara derrière à quelques mètres. « Et merde… » soupira Sasha en balançant sa tête contre l’appuie-tête. « J’étais au dessus de la limitation de vitesse tu crois ? ». Anastasia n’avait pas le temps de répondre, le policier toquait déjà à la vitre côté conducteur. « Bonjour » salua poliment le musicien alors que l’agent regardait l’intérieur du véhicule « Je vais vous demander vos papiers s’il vous plait… ça fait une bonne 100aine de mètres que je vous suis, pas facile de vous rattraper M… » il regarda les papiers à ce moment et termina sa phrase « M. Dwyer Sasha… » « Vous devez entendre ce refrain tout le temps mais je suis vraiment désolé, je ne me suis pas rendu-compte. A vrai dire, ma compagne ne se sent vraiment pas bien et a subitement eu des douleurs violentes en plus de maux de tête… on allait aux urgences pour tout vous dire… ». L’officier jeta un nouvel oeil à l’intérieur du véhicule et vérifia les propos du conducteur en regardant Anastasia. Cette dernière jouait le jeu et se tordait de douleur « Encore une fois je suis vraiment désolé mais en raison d’antécédents médicaux particuliers j’ai un peu perdu de vue la notion de vitesse et pour ainsi dire, voyez comme il n’y a pas de circulation en ce moment… vraiment j’étais prudent malgré tout ». L’agent vérifia le permis et voyait bien que la jeune femme n’allait pas bien. « S’il vous plait est-ce qu’on peut repartir, je ne voudrais pas perdre une minute de plus… et rejoindre l’hôpital le plus proche  » « Tenez c’est bon pour cette fois-ci mais qu’on ne vous y reprenne pas, mes collègues ou moi-même ne seront pas aussi indulgents la prochaine fois ». En rendant les papiers au conducteur, l’officier ajouta « l’hôpital St Georges est le plus proche, à une quinzaine de kilomètres d’ici. Continuez tout droit et au prochain carrefour prenez à gauche, c’est un raccourci. Et après ça sera indiqué… » « Merci pour votre compréhension M. l’agent » « De rien. Permettez-moi de vous dire que ma fille aime beaucoup ce que vous faites ». Sasha remercia une nouvelle fois le représentant de l’autorité publique et hocha la tête en redémarrant. Regardant l’air faussement inquiet Anastasia, il s’assura d’être assez loin de nouveau pour lui demander « Ça va ? Merci d’avoir joué le jeu… et désolé de ce mensonge sorti de nulle part. Ce n’est pas mon genre habituellement ». Il regarda dans le rétroviseur, heureusement que le policier ne les ‘escortait pas’ autrement ils auraient été dans de beaux draps.

ll n’était pas très fier de ce mensonge après-coup. Surtout qu’il s’agissait de la santé, il n’y avait pas à jouer là-dessus. « Promis je ne rejoue plus avec la santé, c’est trop sérieux pour… ». Le téléphone de Taz sonna, ça devait être Jaffrey. Sasha continua de se concentrer sur la route en gardant une oreille attentive à ce que les deux autres se disaient. Il parvint d’ailleurs à lui dire qu’ils n’arriveraient que tôt le lendemain matin. Quand ils raccrochèrent, toujours bloqué sur ce qu’il venait de se passer, le grand blond annonça « J’espère rattraper cette idiotie plus tard …d’ici une heure  ». Effectivement, lorsqu’ils avaient fait une brève étape pour faire le plein, Sasha avait pensé à réserver un hôtel pour la nuit. Ainsi il ne leur resterait que 45 minutes de route à faire le lendemain matin, dès 8h. « Je sais qu’on aurait pu tailler la route mais il y avait un hôtel sur le chemin qui a été élu meilleur hébergement 2020 … et je me suis dit qu’on aurait pu y faire une étape, si ça te va ». En espérant que son initiative ne déplaise pas à la jeune femme, il la regarda en attendant sa réponse, jonglant entre elle et la route.

Elle voyait bien dans son regard et dans le ton de sa voix qu’il n’avait qu’une envie, qu’elle l’accompagne en Australie. Il lui vantait ce pays qu’elle n’avait jamais visité, malgré ses lointaines origines. Par manque de temps, par manque d’organisation, ou à cause d’un malencontreux contretemps. Pour Anastasia, c’était un voyage qui se préparait un minimum à l’avance, car elle se retrouverait à des milliers de kilomètres de chez elle, ce n’était pas comme si c’était la porte d’à côté où elle pouvait repasser à tout moment si elle avait oublié quelque chose. Et ils n’étaient malheureusement pas dans un monde magique où il suffisait de claquer des doigts pour voyager ou avoir un objet en main. Si seulement…! S’il savait qu’elle était quasiment sûre de l’accompagner, à quatre vingt dix pourcents, et qu’elle le lui cachait histoire de le taquiner un peu… L’attaché de presse lui annoncerait quand elle sera vraiment sûre, histoire de ne se faire de faux espoirs, que ce soit pour lui et pour elle-même. Comme il aimait lui dire et lui donner envie, elle avait hâte de découvrir les plages, les paysages, la faune et la flore, les sports, la culture, la nourriture, les gens… Son cœur lui criait d’y aller et de découvrir toutes ses richesses propres à l’Australie en présence de ce bel homme qu’était Sasha, quand sa tête la stoppait, lui mettant la réalité en face avec ce petit pourcentage de malchance qui pouvait l’empêcher d’accompagner le chanteur. Cependant, elle essayera de faire le maximum pour avancer et / ou reculer ses rendez-vous afin de pouvoir souffler un peu et profiter de la proposition de Sasha qui était difficilement refusable. « Je ferais vraiment de mon mieux. Tu m’en parle en plus depuis tellement longtemps de ce pays que mon envie ne fait que s’accroître, surtout en sachant qu’il y a une opportunité pour que je puisse t’accompagner. » Elle ajouta, soudainement sérieuse et sincère. « C’est surtout extrêmement gentil d’avoir pensé à moi et de me proposer de venir avec toi. » Cela la touchait énormément, car même si elle savait qu’un fort lien les unissait tous les deux, il aurait très bien pu y aller seul, ou alors demander à quelqu’un d’autre de l’accompagner tout simplement. Mais son choix s’était porté sur elle. Anastasia tourna la tête vers la vitre afin de dissimuler le sourire timide qui apparut sur ses lèvres à cette pensée.

Le sac de grignotage sur ses genoux après s’être penchée vers la banquette arrière en se tordant de façon acrobatique suite à la demande de Sasha, elle piochait inlassablement dans le paquet, savourant ces petites gourmandises et permettant à son ventre de ne pas crier famine, vu le simple sandwich qu’elle avait avalé ce midi. Elle le gratifia d’un sourire quand celui-ci la rassura sur sa quiche faite maison lors de leur dernier repas prit ensemble, tandis qu’elle avait le téléphone coincé entre son oreille droite et son épaule, essayant de joindre Jaffrey, sans succès. Elle lui laissa donc un message vocal en même temps qu’elle donna un morceau de succulent gâteau maison au conducteur suite à sa demande, le prévenant qu’ils s’étaient mis en route et qu’elle ou Sasha le tiendrait au courant de l’avancée de la route, avec l’espoir d’arriver dans quelques heures, sinon le lendemain si problème ou embouteillages, ce qui risquait d’être le cas surtout à cette heure-ci. Tandis qu’elle raccrocha, elle mit un morceau de noix entre ses lèvres avant qu’elle ne croque pleinement dedans. « Redonne-moi un morceau de cake au lieu de dire des bêtises » « Mais tu ne veux même pas m’en laisser chenapan ! » Dit-elle tout en lui découpant un nouveau morceau de gâteau pour lui, et un autre pour elle afin de pouvoir en savourer un peu quand même. Sourire aux lèvres en le voyant tapoter des mains sur le volant au rythme de "I just can’t get enough", elle l’accompagna en faisant des mouvements d’épaules. Les moments comme celui-ci, ils en avaient connus pleins à New York. On pouvait les qualifier de simples, mais ils étaient si authentiques. Prenant le téléphone de son ami qu’il lui tendait, elle nota ses indications et lança la chanson souhaitée, "Always" du groupe Panama. La trentenaire se laissa transporter par la musique et les paroles que Sasha chantait parfaitement, se calquant à celle du chanteur de Panama.

Anastasia fut aussi surprise que lui quand soudainement, en arrière fond très lointain au début, des sirènes de police retentirent. Elle crut même que ce n’était pas pour eux, et regarda autour d’elle, s’attendant à apercevoir une course poursuite, ou un accident qui venait de se produire. Ce ne fut seulement quelques instants après qu’elle capta que c’était bien pour eux, quand le son se rapprochait d’eux et que la voiture de police était positionné derrière eux et n’était pas en train de les dépasser. Elle stoppa net la musique, laissant place à un silence étrange, uniquement brisé par ce bruit des sirènes. « J’étais au dessus de la limitation de vitesse tu crois ? » Sasha s’était garé sur le bas-côté en attendant que l’officier arrive à sa fenêtre. « C’est possible, je n’ai pas fait attention non plus.. » Du coin de l’œil, elle vit le policier être à présent tout près et instinctivement, comme si elle avait des crampes, elle se tient le ventre, serrant fort et se pencha en avant, comme pour essayer de faire passer la douleur, se tordant de temps à autre histoire de jouer le jeu. Les yeux fermés, elle ne regardait plus Sasha et encore moins le policier, lesquels discutaient de la transgression faite. Anastasia gardait cependant une oreille attentive à cette discussion et elle sourit mentalement quand elle entendit le chanteur dire qu’ils devaient aller d’urgence à l’hôpital. Pourtant, elle était sûre qu’il ne l’avait pas vu faire son manège. C’était comme s’ils étaient liés par la pensée. L’agent leur conseilla l’hôpital le plus proche du nom de St Georges, avant de repartir en spécifiant à Sasha que sa fille l’adorait. Tandis qu’il redémarrait, Anastasia attendit un peu avant de se redresse normalement. « Madame Dwyer... Ca me va bien tu ne trouve pas ? » Dit-elle pensivement avant de lui faire un clin d’œil, faisant référence au fait qu’il l’avait désigné auprès du policier en tant que sa compagne. « Promis je ne rejoue plus avec la santé, c’est trop sérieux pour… » La sonnerie de son téléphone l’interrompit, et voyant qu’il s’agissait de Jaffrey, elle décrocha, adressant un sourire d’excuse à Sasha tout en mettant leur ami sur haut parleur afin que Sasha puisse entendre. Ils pouvaient d’ailleurs entendre en fond les gazouillis de son bébé, ce qui était assez drôle. Le choix se porta sur leur arrivé plutôt le lendemain matin que ce soir assez tardivement, avant de raccrocher. Le conducteur reprit là où il s’était arrêté, étant désolée de sa maladresse, qu’Anastasia ne considérait cependant pas comme tel. Elle avait été malade et s’était bataillé durement pour s’en sortir, mais elle ne lui en voulait pas, comment aurait-elle pu ? « Ne t’en fais pas, ça a toujours été l’excuse number 1, des plus petits comme des plus grands, donc ne te tracasse pas, vraim.. Une heure ? » Qu’avait-il mijoté, qu’avait-il prévu dans une heure ? La réponse ne se fit pas attendre et elle le taquina. « Toujours à l’affût des nouvelles tendances toi ! J’allais justement chercher où est-ce que nous aurions pu loger suite notre conversation avec Jaffrey, mais même pour cela tu m’as devancé ! » En tout cas elle avait hâte de découvrir cet hôtel élu meilleur hébergement 2020, ne sachant pas à quoi s’attendre.

Elle remit le son de Panama dont ils avaient été sortis brutalement, mettant le son assez fort pour en profiter, mais plus faible quand même qu’il ne l’était auparavant, afin qu’ils restent attentifs sur l’ensemble de la route. Ils continuèrent ainsi à mettre chacun une chanson à la suite, qu’ils connaissaient soit déjà tous les deux, ou alors qu’ils se faisaient découvrir. A un moment même, Anastasia mit l’une de ses chansons préférées de Sasha. Elle ne put s’en empêcher malgré le fait qu’il n’aimait pas forcément s’écouter de cette façon. Mais il se mit à chanter par-dessus, et l’attachée de presse baissa lentement le son jusqu’à que ce soit un a cappella, qu’elle applaudit à la fin de façon enthousiaste, tout en le remerciant. Au bout d’une bonne quarantaine de minutes, Sasha quitta l’autoroute. « On arrive bientôt ? » Lança Anastasia, comme une enfant ne pouvant plus se tenir et commençant à s'agiter sur son siège. Le sac de grignotage était presque vide, et elle lui proposa également si il souhaitait encore quelques gourmandises. La soirée commençait à s’entamer, ainsi que le soleil qui déjà se couchait doucement, faisant apparaître dans le ciel des tons orangés. Elle avait hâte d’arriver, pour en premier lieu se dégourdir enfin les jambes, et ensuite découvrir ce lieu tenu secret par Sasha. Elle aurait pu aller chercher des informations sur son téléphone, mais ce n’était pas fair-play. Ils roulèrent encore une bonne dizaine de minutes, jusqu’à ce qu’ils débouchèrent sur un grand portail accédant au parking de l’hôtel. « Waouh ! » L’hôtel devait comporter une vingtaine, peut-être une trentaine de chambre maximum, mais il y avait à peine une dizaine de voitures sur le parking. L’espace autour, très bien entretenu et arboré, s’étendait à perte de vue. L’hôtel était situé dans un lieu assez isolé, ce qui était plutôt plaisant pour passer une nuit au calme. « J’ai hâte de découvrir l’intérieur. » Elle ouvrit la portière côté passager et sortit de la voiture, étendant ses longues jambes afin de refaire bien circuler le sang, et se dirigea vers le coffre afin de sortir leurs sacs de voyages pour avoir de quoi se changer le lendemain matin, voir même après une bonne douche chaude. Sasha l’avait rejointe, et elle ne put s’empêcher de lui demander en riant : « Tu crois qu’on va nous prendre pour deux jeunes mariés ? » tandis qu’ils s’avançaient tous deux vers l’entrée après avoir verrouillé la voiture. Elle laissa son ami rentrer en premier et le suivit jusqu’au comptoir faisant office d’accueil. Elle salua l’hôte d’un bonsoir, et se mit à observer autour d’elle. Il y régnait une atmosphère assez classe, sans pour autant être trop débordant. Il y avait également une odeur de rôtisserie qui flottait dans l’air, et qui ouvrit soudainement l’appétit à Anastasia, malgré qu’elle ait grignoté tout au long du voyage.

Après l’interpellation du policier, Sasha se rendit rapidement compte qu’il pouvait compter sur son amie Taz, quoi qu’il arrive. Pas qu’il s’agissait de lui faire faire quelque chose d’impossible mais elle avait été mise un peu dos au mur pour le coup et a du composer spontanément avec ce qu’il annonçait au représentant des forces de l’ordre. Le musicien avait remercié ce dernier avant de reprendre la route. Avant qu’il ne discute de nouveau d’autres choses, il lui confirma ses propos quant au nom de famille par un « en effet, ça sonne pas mal ! ». Mais il se préoccupa rapidement de ce mensonge et savait pertinemment qu’on ne pouvait manquer de sérieux en évoquant un souci de santé. D’autant plus que la jeune femme à côté de lui avait réellement traversé quelque chose de grave. Heureusement elle ne lui en voulait pas plus que ça. Puis il changea le ton de la conversation en faisant mention d’un endroit où ils seraient dans l’heure qui suivait. Cela faisait partie de ce qu’il savait faire à savoir garder le suspens. « Des nouvelles tendances je ne sais pas mais je repère toujours des lieux qui m’intéressent en amont et je tâche d’en tester le plus possible.. et tu sais que j’aime faire découvrir des choses ». Il lui esquissa un petit sourire en coin en sachant qu’il avait pris les devants. En effet, qu’il s’agisse de lieux comme des spots dans la nature, des restaurants, des hotels, des habitations d’amis proches, des lieux culturels, des activités ou encore de la musique…. Sasha adorait faire découvrir de nouvelles choses aux gens qui lui étaient chers. Ce n’était non pas une façon de sentir qu’il était utile mais cela se faisait essentiellement dans l’optique d’un réel partage et de la volonté de faire plaisir aux autres. Enfin pour le coup, il fallait admettre que dans le fond, il n’était pas si altruiste car il savait également que cette nuit à l’hotel le rapprocherait d’une façon ou d’une autre de la jolie blonde.

« Je suis déjà sûr que ça te plaira mais je n’en dis pas plus à ce stade » commenta t-il en écoutant les chansons diffusées dans les enceintes de la voiture. Ces dernières se succédèrent et le duo d’amis s’en amusa. Une chose en revanche avec laquelle il avait peut-être un peu plus de difficulté, c’était écouter ses propres chansons que ça soit en disque ou à la radio. Lorsqu’il y avait des interviews par exemple ou qu’il devait faire quelques promos, cela passait mais autrement, ce n’était pas ce qui le mettait le plus à l’aise. Pour Anastasia, il fit toutefois un effort et évidemment il était quasiment impossible pour lui de ne pas participer à la chanson. Il poussa ainsi la chansonnette, sa voix se confondant parfaitement avec celle enregistrée.

Les minutes défilèrent et la jolie blonde s’impatientait. « Je pense d’ici une petite dizaine de minutes tout au plus… et interdit de tricher ! » fit-il avant même qu’elle ne fasse toute recherche sur son téléphone ou ne scrute de trop près des pancartes. De toute façon, l’endroit n’était pas si explicitement indiqué bien qu’il figurait quand même sur les cartes GPS. De toutes façons, la curiosité de la passagère fut rapidement comblée car, après avoir tourné à droite vers une plus petite route, ils arrivaient enfin à un portail en bois qui s’ouvrit à l’approche de la voiture. Plutôt satisfait de la réaction première de la jeune femme avant même qu’ils ne sortent du véhicule, Sasha avança jusqu’à se garer devant l’entrée de cet hôtel complètement intégré dans la nature, aux abords d’un lac. « A mon avis tu ne seras pas trop déçue, enfin je l’espère ». Il coupa le moteur et les deux sortirent enfin de la voiture afin de prendre leurs affaires dans le coffre. Une nouvelle fois, la question de cette dernière le fit sourire et il s’en amusa sans vouloir révéler le fond de sa pensée. « Pourquoi, tu aimerais… ? ». Le seul sourire en coin suffit de réponse. Peut-être que ça ne lui suffisait pas. Il lisait dans le regard de cette dernière un soupçon d’espièglerie et de charme. Involontairement peut-être mais elle avait un regard assez séduisant quand on s’y plongeait dedans. Quand bien meme ils étaient à un stade amical (après avoir connu davantage), il la trouverait toujours séduisante. D’ailleurs pour adoucir cette réponse lacunaire, il lui précisa qu’il la taquinait et referma le coffre.

Le temps de marcher jusqu’à l’entrée de l’hôtel, son esprit divagua et le plongea vers le passé.

flashback:

Ils franchirent le seuil de l’hôtel, sans qu’il ne réalise que son regard était figé sur elle, sur ces longs cils qui habillaient naturellement ce regard charbonneux. Et puis il s’attarda sur cette fossette qu’elle avait sur le bas du visage, et qui lui plaisait depuis toujours pour une quelconque raison. Ça lui donnait un certain charme, voilà tout. La voix de l’homme a l’accueil le ramena à la réalité. « Bonsoir, j’ai appelé aujourd’hui pour réserver une cabine en bois au nom de Dwyer » dit-il. L’homme vérifia sur son ordinateur et son regard se posa sur la jeune femme qu’il salua avec un beau sourire. « Et nous sommes deux, bien entendu » précisa le chanteur en passant quelques secondes son bras derrière les épaules de Anastasia en y posant brièvement sa main. Ils récupérèrent la carte de la chambre et se virent souhaiter une bonne soirée. « Tu vas voir, c’est comme du camping mais en version deluxe » fit-il à voix basse alors qu’un autre homme les guidait jusqu’à leur cabine. Ils suivirent en quittant la bâtisse en pierre et cela pris quelques courtes minutes pour regagner le logement le plus près du lac.

Sasha le remercia avec un petit pourboire et ils furent enfin tranquilles. « Alors, j’en suis à quel niveau de rattrapage ? »  demanda t-il en posant son sac à terre et allant directement se laver les mains dans la salle de bain. Le musicien se référait aux propos tenus plus tôt lorsqu’il déclarait se rattraper pour la bêtise sortie en mentant au policier. « J’ai mes chances de remonter dans ton estime ? » ajouta t-il avant qu’elle n’ait eu le temps de répondre. Là il revint dans le grand espace de la chambre et ouvrit le rideau afin de voir le lac. « On ne va pas s’éterniser ici, mais je me suis dit que l’endroit serait plutôt reposant. Mieux vaut une nuit courte mais confortable que l’inverse, non ? ». Il la regarda alors en se renseignant sur le fait qu’elle parlait d’une envie de douche plus tôt. « Vas-y en premier, en attendant je peux éventuellement commander quelque chose pour le room service, sauf si tu préfères aller au restaurant de l’hôtel, ils ont une terrasse chauffée en extérieur ». Personnellement, le grand blond n’avait pas vraiment faim. En même temps, il avait bien grignoté au long de la route mais il tenterait de répondre aux attentes de la jolie blonde. « Tu me dis ce que tu préfères faire et on s’organise en conséquent. Je pense que je prendrai aussi une douche avant de manger quelque chose ».

Ôtant ses chaussures et sa veste, il laissa le tout a proximité d’une chaise dans un coin de la pièce. C’était la première fois qu’il venait ici mais le lieu ne lui déplaisait pas. Un petit plateau de fruits étant mis à disposition pour l’accueil des invités, il se servit déjà avec quelques raisins par pure gourmandise. Ces derniers provenaient de vignobles locaux et avaient beaucoup de goût. « Si le vin est aussi bon que leur raisin, ça promet » dit-il suffisamment fort alors qu’il entendait déjà l’eau de la douche couler. Il profita de cet instant de calme pour appeler Jaffrey et lui indiquer un peu la tenue de route pour le lendemain. Ce dernier comprenait l’étape nocturne et ils se saluèrent ainsi. Là il parcouru un peu ses messages, ses mails, écouta un vocal de son manager et confirma un ou deux rendez-vous à venir.  « Tu as un bonjour de Amy ! » dit-il le regard fixé sur l’écran de son téléphone. Il s’agissait d’une amie en commun plus proche de Anastasia que de Sasha il fallait l’avouer, qui prenait des nouvelles. Cette dernière ignorait que les deux amis s’étaient échappés et déclarait par message avoir déposé dans la boite aux lettres de son amie Lexomil et quelques autres médicaments demandés. D’une part, cela surpris un peu Sasha et d’autre part, il savait ce à quoi correspondaient ce genre de cachets donc échangea quelques messages supplémentaires avec Amy afin d’en savoir plus. Cette dernière ne dit rien en réalisant qu’elle avait déjà peut-être trop dit.

Quand Taz finit sa douche et sortie toute fraiche de l’espace salle de bain, une vapeur d’eau parfumée embauma la pièce centrale et chatouilla les narines du chanteur qui en appréciait l’odeur. Cependant ce qu’il venait de lire le préoccupa davantage. Alors qu’il adoptait un ton léger plus tôt, à présent, il fut plus sérieux. « Tu prends des anxiolytiques ? ». Cela l’inquiéta plus qu’autre chose car il savait qu’il pouvait arriver que Anastasia ne lui dise pas tout par discrétion ou protection, et qu’elle avait aussi été assez mal dans le passé. Et puis, on pouvait rapidement devenir addict aux anxiolytiques. A vrai dire, Sasha voyait de suite l’aspect négatif de tout ça. S’inquiétait-il pour rien ? « Depuis quand tu prends ça ? ». Ceci dit, ça ne le regardait peut-être pas non plus, Anastasia était adulte après-tout sans aucun compte à lui rendre.

Son regard se posait sur chaque recoin de l’accueil, comme à chaque fois qu'elle se trouvait dans un lieu qu’elle découvrait pour la première fois et dont elle voulait s’imprégner. Ce style épuré était pourtant plein de petits détails, allant des tableaux posés élégamment sur le mur couleur blanc cassé, de ces vases ornés d’un bouquet de fleurs diverses – venant probablement de leur domaine, cela n’étonnerait pas Anastasia – quelques fauteuils vintage dispersés autour de quelques tables basses à l’allure rustique, sur lesquelles étaient déposés des chemins de table en dentelle raffinés et quelques livres éparpillés de façon subtile. Une musique de fond se propageait jusqu’à leurs oreilles, à peine perceptible et dont les hauts parleurs étaient fort bien cachés, car la jeune femme ne trouva aucune enceinte alors qu’elle cherchait d’où venait ce son. Après que Sasha eut récupéré le badge pour accéder à leur chambre, ils suivirent quelqu’un d’autre, qui les amenait directement à celle-ci. « Tu vas voir, c’est comme du camping mais en version deluxe » Ce qui lui intima le chanteur piqua la curiosité d’Anastasia, et elle lui répondit en souriant qu’elle avait hâte de voir ça. Cela se sentait qu’il s’agissait d’un lieu haut de gamme, même si Anastasia l’avait remarqué dès qu’ils avaient franchi le portail, mais elle ne s’attendait pas à ce qu’on les mène jusqu’à la porte de leur chambrée, qui était plutôt une case, ou un studio assez spacieux, elle ne savait pas trop comment définir cet espace dans lequel ils allaient passer la nuit. L’homme leur ouvrit la porte et s’écarta de l’encadrement de celle-ci pour que les deux amis y pénètrent. Les yeux de l’attachée de presse s’écarquillèrent. Elle était déjà allée dans des hôtels 5*, et même un palace une fois dans sa vie; mais cela restait rare car même si elle en avait les moyens, elle avait toujours préféré des choses plus simples, plus convivial aussi, comme lorsqu'elle faisait une réservation lors de ses voyages d’affaires par exemple. Mais dans ce cas précis, elle était émerveillée, elle s’était imaginé tout un tas de choses durant la dernière heure du voyage sur l’endroit où ils allaient logés pour une nuit, mais elle ne s’attendait clairement pas à ça. C’était déjà un concept inédit, qui était en vogue en ce moment même d’ailleurs, mais cela était encore assez rare de trouver ce genre d’hôtel. Plusieurs "bulles" ou cabanons constituant des chambres tout confort, à la pointe des dernières tendances, et permettant de ne pas être dérangés par un quelconque voisin bruyant car chacune de ces chambres étaient suffisamment espacés pour que l’on s’y sente comme seul au monde. Des rideaux fermés leur cachait pour le moment la vue, mais elle ne se doutait pas qu’ils auraient une vue sublime, en tout cas de ce qu’elle a pu voir de l’extérieur. Elle ne s’était pas rendu compte qu’elle avait avancé jusqu’au milieu de la pièce, elle se retourna alors vers la porte d’entrée afin de remercier l’homme qui les avait accompagnés mais qui avait déjà disparu en toute discrétion. Il ne restait plus que Sasha.  « Alors, j’en suis à quel niveau de rattrapage ? » La trentenaire fit mine de réfléchir, posant son index sur le coin de sa bouche et levant les yeux en ciel. « J’ai mes chances de remonter dans ton estime ? » Il avait déjà toute son estime, mais aimant le taquiner, elle lui sourit tout en s’approchant de lui tandis qu’il ouvrait les rideaux après avoir déposé ses affaires et être passé à la salle de bain. « Oui très cher, tu as grappillé quelques points. » Lui souffla-t-elle alors que son regard se posa sur le lac leur faisant face à travers la baie vitrée. Elle essaya de dissimuler un sourire sans succès face à ce spectacle d’un soleil disparaissant derrière l’étendue d’eau.  Elle hocha la tête quand il lui fit part que c’était sûrement le meilleur endroit pour passer une bonne nuit, même courte, son regard ne quittant pas la vue qui s’offrait à eux.

Il lui proposa d’aller prendre sa douche en première, ce qui ne pouvait que lui faire du bien. Elle ouvrit son sac qui était posé sur le rebord du lit afin de prendre son nécessaire de toilette et de le déposer dans la salle de bain. « Je te dis ça après, la douche porte conseil. » Elle avait cependant déjà sa petite idée en tête, tentée par le room service. Pour elle, il s’agissait d’un service de luxe, auquel Sasha devait cependant être habitué lors de ses tournées. Ils leur étaient même arrivé, à l’époque, de se permettre ce petit plus à de rares occasions. Elle alluma l’eau de la douche, dont le pommeau était immense et accroché au plafond, et le temps que l’eau devienne chaude, elle procéda à son démaquillage avant de se déshabiller, laissant ses vêtements à ses pieds avant d’entrer dans la cabine. L’eau qui glissa contre sa peau l’apaisa immédiatement, lui donnant l’impression d’être dans un cocon dans lequel elle ne voulait plus partir. Elle entendit Sasha parler de vin, ce qui la fit sourire. Elle ne doutait pas de ce qu’il allait boire ce soir comme accompagnement à leur repas. Anastasia en profita pour se laver les cheveux, ceux-ci étaient trempés, puis le corps, et quinze minutes après elle sortit de la douche dans un nuage de vapeur qui s’évapora presque immédiatement. La jeune femme s’enroula dans une grande serviette qu’elle noua au-dessus de sa poitrine, et elle en prit une deuxième pour ses cheveux, plus petite, tout en s’assurant qu’il en restait des propres à Sasha également. Elle se rendit compte qu’elle n’avait pas pris ses vêtements propres, qui étaient restés dans son sac de voyage, et elle sortit de la salle de bain, couverte des serviettes, faisant tomber encore malgré elle quelques gouttes d’eau au sol. « Promis, cette fois-ci ce n’est absolument pas fait exprès. » Elle avait cette fâcheuse tendance d’être tête en l’air, mais à l’époque où leur relation était également charnelle, elle ne se privait pas de feindre ce genre d’oubli à la sortie de la douche pour attiser son regard et son désir, histoire de le taquiner comme elle avait l’habitude de le faire.  « Tu lui passera également le bonjour » Lui lança-t-elle en parlant de leur amie Amy avec qui Sasha était en train de discuter par message, alors qu’elle se redirigeait vers l’autre pièce, ses vêtements pour la soirée à venir dans les bras. Elle revient quelques instants plus tard, fraîchement habillée d’un pantalon noir et d’un haut basique blanc, marquant ses formes sans être cependant trop moulant. Elle avait juste pris la peine de remettre un peu de mascara, histoire de souligner ses yeux, mais pas plus, surtout que Sasha l’avait déjà vu dans tous ses états. Elle remarqua de suite que celui-ci avait un regard un peu plus fermé que tout à l’heure. « Tu prends des anxiolytiques ? » Elle le regarda sans sourciller, mais son cœur loupa un battement. Sacrée Amy, elle ne pouvait donc pas tenir sa langue ? Elle devait sans doute penser qu’il était au courant, vu comment tous les deux étaient proches et quasiment inséparables quand ils étaient ensembles. Anastasia ne pouvait pas lui en vouloir, sauf qu’elle ne voulait pas que Sasha s’inquiète, et c’était bien de l’inquiétude qu’elle voyait sur son visage. Elle voulait aussi qu’il ait en mémoire une Anastasia en forme, souriante et amusante, car il l’avait malheureusement connu dans son état le plus fragile avec ses dérives.  « Depuis quand tu prends ça ? » Elle alla s’asseoir près de lui et baissa la tête, comme une gamine venant de se faire gronder pour une bêtise. « Ecoute.. » Elle prit une grande inspiration. « Plusieurs semaines à présent, pour ne pas dire quelques mois. Bien avant qu’on se recroise au détour de ce marché. » Elle essaya de le regarder, sans succès. Elle s’en voulait qu’il l’apprenne ainsi et non pas de sa bouche. « J’ai des fois l’impression d’avoir encore certaines douleurs, comme avant. Je suis allée consulter pour qu’on me dise qu’il ne s’agissait en fait que de douleurs chroniques neuropathiques – malgré que je sois complètement guérie, mes neurones continuent de véhiculer cette sensation de douleur et deviennent comme hyperactifs en quelque sorte, envoyant à mon cerveau des signaux anormaux qui n’ont pas lieu d’être. Mais j’ai mal, comme si la douleur était réellement présente et non pas comme si c’était seulement un dysfonctionnement de mon cerveau. » Elle omit volontairement de lui dire les moments de panique et d’angoisse qu’elle a vécu lorsque ses sensations revinrent les premières fois, les moments où elle était repliée sur elle-même dans un coin de chez elle, les larmes floutant sa vue, de peur de revivre sa maladie dont elle pensait s’être débarrassée définitivement. « Un autre spécialiste m’a sous-entendu qu’il s’agissait sans doute de la fibromyalgie, un syndrome caractérisé par des douleurs chroniques mais c’est encore peu connu. Voilà, à présent tu sais pourquoi l’on m’a prescrit ces médicaments. » Restant un moment silencieuse, ses yeux finirent par se relever doucement vers Sasha, après être resté tout au long de son flot de paroles baissés, à ne pas quitter le sol sur lequel ses pieds se balançaient, effleurant le parquet. Elle lui adressa un sourire maladroit, avant de s’excuser. « Je suis vraiment navrée que tu l’apprennes comme cela, je ne voulais juste pas t’inquiéter car tu as d’autres priorités, je le sais; tout comme je sais que tu aurais fait ton maximum pour être présent pour moi, surtout qu’à tes côtés je me sens comme apaisée, sereine, oubliant douleurs et tracas quotidiens, mais qui suis-je pour me permettre de revenir ainsi dans ta vie ? » Sans attendre de réponse en retour, elle se leva, lui déposant délicatement un baiser sur la joue pour le rassurer, et se dirigea vers la commode où était déposé quelques feuillets sur les activités présentes et à faire dans le secteur ainsi que le menu du soir. Dos à lui, elle prit le fameux menu entre ses doigts et le contempla d’un regard lointain, perdue dans ses pensées. Elle sentait son cœur battre à tout rompre, lui assourdissant les oreilles. Elle s’était arrêtée de justesse, car elle savait qu’elle aurait pu déballer tout ce qu’elle ressentait à son égard, mais elle ne pouvait pas. Elle en avait déjà trop dit à son goût. Leurs chemins s’étaient séparés à cause de leur profession, et même s’ils prenaient des nouvelles l’un de l’autre le plus régulièrement possible, chacun avait fait sa vie séparément, sans l’autre près de lui. C’était un manque énorme pour Anastasia, un vide qui ne pouvait se combler que par la présence même de Sasha à ses côtés. Ils s’étaient rencontrés par un pur hasard, s’étaient liés par ce lien qui lui était indescriptible, étaient devenus amis, amants, confidents, passant tout leur temps libre ensemble, comme des adolescents découvrant l’amour mais ne sachant pas comment définir ce sentiment. Puis ils s’étaient séparés, à cause des tournées, des voyages d’affaires, et ils ne s’étaient plus vus jusqu’à ce fameux jour près du stand de fruits et légumes. Il lui avait été d’un réconfort et d’un soutien infaillible à l’époque, et elle ne l’oublierait jamais, mais cela ne lui donnait pas le droit de débarquer dans sa vie comme un boulet de canon et perturber sa vie. « Alors, room service ou terrasse chauffante ? Quoiqu’il en soit, ce sera un dîner en tête-à-tête. » Elle sentit que sa voix pouvait flancher à tout moment et devenir tremblante sous le coup de l’émotion, mais elle se ressaisit, raclant sa gorge. Elle resta dos à lui, car ce n’était pourtant pas évident de cacher certaines choses quand elle savait que Sasha connaissait ses moindres mimiques. « Je serais plutôt partante pour le room service, qu’est-ce que tu en dis ? Ils m’ont vraiment donné envie avec cette odeur qui flottait dans l’air à l’accueil, je pense déjà savoir ce que je vais prendre. » Dit-elle prenant une voix enjouée, essayant de remettre un peu de légèreté dans cette ambiance qui s'était alourdi par sa faute.

Sasha se sentait plutôt bien en présence de Taz qu’il venait de retrouver depuis quelques semaines. Leur chemin respectif les avaient séparés pendant un long moment mais renouer avec elle avait un effet plus que bénéfique sur son moral actuel. Cette virée s’annonçait bien et commençait bien jusqu’à ce qu’il apprenne pour ces médicaments. Cela lui rappela des souvenirs plus sombres à l’époque où il faisait n’importe quoi, et touchait le fond. Quelque part, il espérait que tout ça soit derrière lui, ce qui était un pari réussi. Mais sachant très bien ce qu’elle avait traversé notamment son cancer, le musicien fut déçu et inquiet de la savoir dépendre de ce genre de choses. C’est pourquoi Sasha ne passa pas par quatre chemins pour lui faire la remarque. Son regard suivit le déplacement de la jolie blonde jusqu’au lit sur lequel elle s’assit. Bien que son regard fixait le visage de la jeune femme, celle-ci ne détournait pas son regard vers lui, sans doute par honte de ce qu’elle avouait. Ce dont il s’était imaginé changea du tout au tout. Ce n’était pas une espèce de dépendance au sens négatif du terme mais un usage en guise de soulagement. « Je ne savais pas… désolé d’avoir pris ce ton réprobateur alors, je me sens con ». Bien entendu, ce genre de consommation médicamenteuse restait néfaste sur le long terme.  Ces propos furent complétés par la suite du récit de Taz qui évoqua à présent une fibromyalgie. Sasha en savait peu sur cette maladie et s’en inquiéta immédiatement évidemment, sans le cacher. « Pourquoi tu ne m’en n’a pas parlé avant ? Peut-être que j’aurais pu t’aider, ou être à ton écoute… ». Il espérait qu’elle ne lui en veuille pas trop d’être monté sur ses grands chevaux sans connaitre vraiment la vérité. Comme quoi, la santé de la jeune femme ne lui était pas égale. Cette dernière répondit naturellement à sa remarque. Sasha se souvenait qu’ils étaient reconnaissants d’avoir l’un présent pour l’autre, lorsqu’ils étaient ensemble et ils avaient fait cet espèce de souhait que cela ne cesse jamais quoi qu’il arrive dans leur vie. Se laissant surprendre par une bise amicale et tendre sur la joue, il l’observa, silencieux pendant quelques secondes avant de prendre à son tour la parole. « Tu es quelqu’un qui a compté pour moi, et qui compte toujours. Je sais que l’on s’est éloigné ces dernières années et que j’ai été très pris par le boulot, mais je sais aussi prioriser les choses. La santé de ceux qui me sont chers m’importe, et tu sais qu’on s’était fait cette promesse, à l’époque, de toujours veiller l’un sur l’autre ». Il ne fallait pas qu’elle doute de cela, jamais. Le grand blond voulait rebondir de nouveau sur cette discussion ainsi que ces propos alors qu’elle changeait de sujet et répondait aux interrogations précédentes. « Très bien, on peut jeter un oeil sur la carte et commander dès que possible ». La faim n’était plus aussi présente qu’il y a quelques minutes mais elle reviendrait bien à la lecture des mets proposés. « Fais toi plaisir » dit-il en se levant à son tour pour venir auprès de son amie qui lui tournait encore le dos pendant qu’elle feuilletait la carte. Il posa alors ses mains sur les épaules frêles de la jolie blonde en terminant la conversation d’un ton plutôt doux et plus posé « Promets-moi de ne plus me tenir à l’écart de ce genre de chose, je te promets que je ferais toujours mon possible pour t’aider, où que je sois ». Il attendit un acquiescement de la tête avant de libérer les épaules de Taz et regardant par dessus celles-ci, il fit son choix sur la commande. « Pour le vin, on fait local comme on a dit ? ». La question trouverait sans aucun doute une réponse positive.

Les deux amis optèrent pour ce qui compterait leur diner puis appelèrent la réception ensemble afin de communiquer leurs choix. On leur informa que tout serait prêt d’ici une trentaine voire quarantaine de minutes maximum, déposé dans leur chambre à leur demande. Dans l’attente, Sasha qui initialement songeait à trinquer au Champagne hésita subitement suite à la révélation de la prise de médicaments. Il savait bien qu’alcool et médocs ne faisaient pas bon ménage. Dès lors, le vin serait bu avec grande modération. Cela semblait évident pour lui.

Ayant encore besoin de réfléchir à ce qui venait d’être révélé et partagé, il décida à son tour d’aller prendre une douche. « Je vais prendre une douche, rapidement ne t’en fais pas » confia t-il afin qu’elle n’ait pas l’impression qu’il lui faisait la tête ou autre. Il avait besoin de se rafraichir les idées, voilà tout. A son tour, le musicien prit le nécessaire dans son sac, un sweatshirt propre, un autre Jeans et il resterait en chaussettes ou nus pieds. Le duo n’avait pas décidé de sortir de toute façon, hormis éventuellement sur la terrasse. Sous l’eau, la réflexion murissait dans sa tête et il réfléchissait à la façon dont lui parler le reste de la soirée. Sans vouloir revenir sur le sujet sensible ou bien paraitre sur son dos. Elle était adulte après tout et Sasha connaissait particulièrement bien son caractère indépendant et autonome. Elle détestait avoir un garde-chiourme. Ce n’était d’ailleurs pas son rôle. Une fois sorti de la douche, il écoutait la musique qu’elle avait choisie et esquissait quelques mouvements amusants sans se prendre au sérieux alors qu’elle bouquinait quelque chose sur le lit en attendant le repas. Ce dernier devait être servi dans une dizaine de minutes à présent, l’attente n’était plus très longue.

« C’est bien ce que tu lis ? » Le jeune homme regrettait de ne pas avoir eu le temps de bouquiner ces dernières semaines mais s’était promis de s’y remettre lorsqu’il le pourrait. Il s’allongea de côté, sur le lit, près de Taz qui restait quelque peu concentrée mais ouverte à la discussion. Se laissant tomber sur le dos, toujours allongé sur le lit, il pensa à leur visite du lendemain et ce petit bébé qu’ils verraient. « Je peux te poser une question sérieuse ? » Attendant l’approbation de son interlocutrice, mais toujours en regardant le plafond, il demanda « Est-ce que la fibromyalgie empêcherait toute possibilité de grossesse ou aurait un impact quelconque sur ça ? ». Son regard bleu se posa sur celui de la jolie blonde. Forcément, cette question vint car il savait également qu’elle souhaitait un jour être mère, enfin, cette discussion qui avait eu lieu il y a des années avait peut-être évolué depuis mais il s’interrogeait toujours sur ce souhait qu’elle avait à l’époque. A vrai dire, ils en avaient sans doute parlé sans vraiment se poser la réelle question. Leur relation était particulière il fallait avouer. En principe, cette maladie n’empêcherait pas une grossesse mais rendrait cette dernière éventuellement douloureuse à certaines étapes ou périodes. Sasha ne savait rien à ce sujet et se renseignait. Puis, il voulait savoir également si elle y avait pensé de son côté. « Si tu ne veux pas m’en parler, c’est comme tu le souhaites. Mais je me souviens qu’à l’époque, on en avait discuté et ça faisait partie de tes envies. Après, tu peux penser que ça ne me regarde pas, je comprendrais ».

A chaque fois que le moment devenait ‘intéressant’ ou nécessitait du calme, de l’intimité, quelque chose les dérangeait. Pour preuve, on sonna à la porte … sans doute le room service.

Après lui avoir expliqué la raison de sa prise des anxiolytiques, Sasha s’excusa d’avoir pris un ton sévère et elle le rassura avec un sourire, comprenant son inquiétude. Elle aurait dû lui en toucher deux mots, car si cela avait été l’inverse, elle aurait évidemment réagi comme Sasha venait de le faire à l’instant, avec ce mélange d’inquiétude et d’incompréhension. Elle aurait peut-être même réagit un peu plus brusquement si elle l’avait su, comme lui, par surprise et venant de quelqu’un d’autre. « Pourquoi tu ne m’en n’a pas parlé avant ? Peut-être que j’aurais pu t’aider, ou être à ton écoute… » Elle le regarda d’un air penaud, avant de lui répondre, presque honteuse. « Je savais que tu étais très occupé et je ne voulais pas être un poids en plus. Réflexion idiote de ma part, je le sais. » Anastasia ne savait pas comment le justifier autrement, comme si les mots ne lui venait soudainement plus. Elle n’était pas le genre de personne à exposer ses problèmes, quels qu’en soit le type, même à ses plus proches amis ou sa famille. Pour ne pas les déranger, pour ne pas les inquiéter, parce qu’ils ont leur propre vie et problèmes à gérer de leur côté. Elle se savait cependant soutenu par ces mêmes personnes dont Sasha faisant partie, mais même et surtout auprès d’eux, elle voulait laisser un souvenir impérissable de joie et de bonne humeur et non de maladie et de faiblesse. Sasha lui parla ensuite de la promesse qu’ils s’étaient faite à l’époque, d’être toujours présents l’un sur l’autre malgré la distance et les kilomètres qui pouvaient les séparer. Un petit sourire apparut sur ses lèvres. « Je ne l’ai pas oublié. Excuse-moi de ne pas t’en avoir parlé, et surtout de la manière dont tu l’as appris. » Anastasia ne pouvait pas remonter le temps, alors elle ne pouvait que s’excuser platement d’avoir mis de côté leur promesse pour cette raison.

La carte de dégustation entre les mains, ils s’apprêtaient à commander quand elle sentit les mains chaleureuses de Sasha se poser sur ses épaules, lui demandant de lui promettre de ne plus le laisser à l’écart pour ce genre d’évènements. Elle hocha la tête, le lui promettant silencieusement et droit dans les yeux. Elle repensa à cette fameuse soirée où il s’était promis d’être toujours là l’un pour l’autre, qu’à deux ils braveraient monts et marées.

« On en fait le serment ? » Anastasia lui tendit son petit doigt qu’il enroula avec le sien. « Promis. » Les yeux dans les yeux, ils restèrent ainsi quelques instants, de façon presque solennelle.  A califourchon sur le beau jeune homme, elle l’embrassa ensuite passionnément avant de poser sa tête sur son torse, dans cet immense lit sur lequel ils venaient de ne faire plus qu’un. En ce moment présent, elle était heureuse. C’était comme si la vie lui souriait à nouveau, la récompensant de s’être battue comme une lionne et voulant lui apporter un peu de joie dans son combat plein d’incertitude et de tristesse. Oui, Anastasia faisait partie de ce genre de personne à croire au destin. Pour elle, ils étaient faits pour se rencontrer, comme si c’était une évidence. Leur relation avait tellement évolué en si peu de temps qu’elle a presque cru un instant qu’il y avait une entourloupe derrière tout cela, car malheureusement rien n’était parfait. Et il y en avait bien une : tous deux allaient poursuivre leur route séparément après cette dernière nuit passée ensemble, ce qui expliquait leur promesse prise à l’instant. La jeune femme avait ressenti toute la sincérité de Sasha lors de cette promesse qu’elle ne pouvait pas douter de lui. Il avait su l’apprivoiser, la soutenir, l’élever, la porter quand ses jambes étaient sur le point de s’écrouler. Une vraie connexion, une vraie alchimie s’était passée entre eux, au point qu’à peine en quelques semaines, elle n’avait jamais été aussi proche de quelqu’un. Anastasia se releva et se dirigea vers la salle de bain, allumant l’eau de la grande baignoire en marbre. L’eau fumante coulant à flot, elle retourna dans la chambre où Sasha s’assoupissait légèrement – il fallait dire que la nuit était bien avancé. Elle l’observa quelques minutes, posant sur lui un regard plein de tendresse, puis saisit quelques roses qui ornaient le bureau faisant face au lit et retourna aussi silencieusement que possible dans la salle d’eau pour se glisser dans la baignoire qui était à présent presque rempli d’eau chaude. Elle plongea dedans doucement, s’habituant à cette chaleur petit à petit, laissant encore le robinet ouvert afin que l’eau recouvre sa poitrine avant de l’éteindre, faisant régner soudainement le silence le plus total dans la chambre d’hôtel dans laquelle ils logeaient. Elle arracha chaque pétale de rose qu’elle lâcha devant elle, les laissant flotter dans la baignoire tout autour d’elle. « Je peux me joindre à toi ou il n’y a que ces malheureuses roses qui y ont droit ? » Elle se retourna vivement et aperçu le chanteur dans l’encadrement de la porte, accoudé à celle-ci, petit sourire malicieux au coin. Elle éclata d’un rire étincelant et lui tendit le bras, l’invitant ainsi à la rejoindre.

Elle acquiesça quand Sasha  proposa à nouveau le vin local. « Je te laisse choisir par contre, tu es un plus fin connaisseur à ce sujet que moi. » Ce à quoi il rétorqua qu’il était sans doute préférable de demander conseil à la personne qu’ils auraient au bout du fil. C’était effectivement un choix judicieux. Ils appelèrent ensuite le numéro indiqué afin de leur notifier qu’ils souhaitaient un service en chambre avant de passer commande. Tandis que son ami se dirigeait à son tour vers la salle de bain, elle se posa à son tour sur le lit, se traitant d’idiote à vouloir épargner ses proches sur sa santé alors qu’elle ferait mieux d’être entourée. Anastasia resta un moment dans cette position avant d’aller chercher un bouquin qu’elle avait glissé dans son sac – elle en emmenait toujours un, même si elle n’avait pas forcément le temps de le lire – et rehaussa un oreiller histoire d’être dans une position confortable. La musique en fond, elle poursuivit sa lecture. « C’est bien ce que tu lis ? » Elle releva la tête, arquant un sourcil. « Doutes-tu de mes goûts littéraires ? » Elle lui sourit, tout en poursuivant. « Ca s’appelle "Soleil de nuit", de Jo Nesbo. Et je n’en suis pas déçue. » Elle adorait cet écrivain, pouvant relire à plusieurs fois ces bouquins. Elle montra la couverture du livre à Sasha qui s’était placé près d’elle, et continua le chapitre dans lequel elle s’était plongée avant qu’il ne sorte de sa douche. « Je peux te poser une question sérieuse ? » Elle hocha la tête alors qu’il lui demandait si la fibromyalgie pouvait avoir des conséquences une future grossesse, lui intimant qu’elle n’était pas obligé d’en parler si elle ne le souhaitait pas. Elle referma le livre, laissant son doigt comme marqueur à la page qu’elle lisait. « On m’a dit en effet que sur les analyses qui avaient été faites, les chances de tomber enceinte avaient des répercutions, tout dépend du stade de la maladie. Mais tu sais.. Plus j’y pense et plus je me dis qu’il serait mieux que j’abandonne l’idée d’être mère un jour. Je ne peux pas me permettre de faire subir à un enfant des états sur lesquels je n’ai pas le contrôle. » Anastasia termina sa phrase dans un murmure, prenant conscience qu’elle mettait fin définitivement à l’un de ses projets. Elle savait que ce n’était pas une fatalité au fond d’elle-même, mais elle ne put s’empêcher d’avoir le cœur brisé. « On verra bien ce que la vie nous réserve. » Elle lui adressa un sourire, essayant d’apporter un peu d’espoir, auquel elle ne croyait malheureusement plus.

La sonnette de la porte la fit légèrement sursautée, ne s’y attendant pas. « Déjà ? » Elle se hissa hors du lit pour aller ouvrir la porte devant laquelle se tenaient 2 serveurs, l’un avec un plateau d’amuse-bouches et le second avec deux coupes de champagne. Elle s’écarta de l’embouchure de la porte pour les faire entrer. Ceux-ci leur expliquèrent que c’était en guise d’apéritif, offerts par la maison, afin de rendre l’attente des plats plus agréable. Ils énoncèrent également de quel champagne il s’agissait ainsi que des différents mets, cependant Anastasia n’écoutait plus. Elle avait certaines restrictions à propos de l’alcool, un ou deux verres pouvaient passer, mais plus ? Elle avait avalé des cachets la veille dans l’après-midi, la boîte contenant ses derniers cachets étaient évidemment dans son sac, qu’elle avait d’ailleurs oublié de prendre cet après-midi, trop occupée et excitée à l’idée de partir un petit week-end. Mais jusqu’ici, elle n’avait pas ressenti de douleur, même passagère. Elle ne pouvait cependant pas se permettre de lever le pied aussi rapidement, même dans l’optique où elle ne prenait aucun cachet jusqu’à leur retour. Avant de partir, les deux garçons leur indiquèrent que la suite arriverait dans une trentaine de minutes maximum et Anastasia les remercia chaleureusement avant de refermer la porte derrière eux. « Quelle bonne surprise ! Ca te dirait d’aller sur la terrasse profiter un peu du paysage en attendant ? » En ouvrant la baie vitrée, l’air frais la fit frissonner tandis qu’elle déposait sur la table basse extérieure les hors d’œuvres. Elle alluma les lumières extérieures afin d’éviter d’être trop dans la pénombre, et parti chercher une veste pouvant lui tenir chaud. Elle décida de relancer leur discussion là où elle s’était arrêté, mais en changeant de protagoniste. « Et toi, alors ? Tu es toujours aussi récalcitrant à cette idée qu’à l’époque ? » Elle ajouta, souhaitant apporter une touche d’humour. « Va savoir, peut-être que voir le petit Jeffrey Junior va te faire complètement changer d’avis. » Elle leva son verre. « A Alexander ! » Ils trinquèrent, leurs coupes s’entrechoquant avec un tintement digne du cristal. La trentenaire en but juste une petite gorgée. « D’ailleurs, pendant qu’on y est.. Tu poursuis toujours ta route solitairement ? » Sans savoir pourquoi, elle craignait un peu la réponse, s’imaginant que c’était toujours le cas car il lui en aurait parlé si quelqu’un partageait sa vie. Mais il se pouvait qu’elle fasse fausse route, et c’était ce petit doute qui la faisait craindre la réponse de Sasha. D’autant plus qu’elle ne pouvait pas réellement se permettre ce genre de réflexion, étant donné qu’elle avait connu des histoires plus ou moins sérieuses quand leurs chemins s’étaient séparés. Ce qu’elle pouvait être ridicule, pensa-t-elle en piochant un petit feuilleté au fromage.

Les explications fournies par Anastasia suffirent plus ou moins à Sasha. C’était bien beau de lui dire qu’elle aurait du lui parler de ce qui n’allait pas, ne rien cacher. Mais en pratique, quand on reste éloigné de quelqu’un et que la distance s’y met, tout comme les diverses préoccupations d’une vie, il est plus difficile d’être là pour cette personne qu’on ne le pense. Du moins concrètement. Ce n’est pas tout d’être à l’écoute, de discuter. Etre à plusieurs milliers de kilomètres ne remplace pas l’étreinte, le murmure dans l’oreille comme quoi tout irait bien, qu’on est là. Bien que ses douleurs physiques étaient plus récentes entrainant ces insomnies entre autres, il était plutôt vrai que le musicien n’était pas aussi présent qu’il aurait du, pour son amie. Enfin, son amie qui était bien plus que ça pour lui. Dans le fond. Il repensa à cette fois là, il y a plusieurs années de ça, quand ils avaient fait le serment de ne jamais laisser l’autre dans une quelconque peine, douleur ou toute autre situation inconfortable.

Ses propres mots à l’égard de la jeune femme résonnaient encore dans sa tête. Appliquer ce qu’on dit, ce qu’on pense, c’est bien mieux que de simplement dire les choses. Les actes doivent se joindre à la parole ou à défaut, mieux vaut se taire. Il s’en voulut instantanément.

Est-ce que les promesses que l’on se fait lorsqu’on est en couple ne tiennent plus lorsqu’on ne l’est plus ? Même si l’on éprouve toujours une forte affection pour la personne en question ? Non.
L’inaction, l’absence d’interaction, ou de manifestation à l’égard de sa moitié, actuelle comme ancienne, n’est pas justifiable.
Surtout lorsqu’on a traversé le pire avec celle-ci. Sasha l’avait fait ça, toucher le fond.
Il était remonté de loin et sans Taz, il n’aurait pas grandi professionnellement ni progressé de la sorte sur le plan personnel.
Le grand blond lui devait beaucoup et cet instant lui rappela tout ça. Il regrettait ne pas avoir été à la hauteur ces derniers temps, mais se promettait intérieurement de ne plus laisser ce genre de chose passer.
En posant ses mains sur les épaules de Taz, il se remémora de promesses passées, pas forcément tenues, mais auxquelles il ne dérogerait plus à partir de maintenant. C’était sûr et certain.

La conversation dérouta sur le menu, le vin… tout ce qu’il y a de plus banal comme si aborder de véritables sujets était compliqué. La pause douche changea les idées du musicien qui sortit de la salle de bain un peu plus serein. Vêtu d’une chemise simple aux manches retroussées, d’un jeans propre, restant nus-pieds, il réapparut dans la chambre où la jolie jeune femme bouquinait dans l’attente du repas. Elle lui parla du livre qu’elle lisait suite à la question de Sasha, puis répondit aux autres interrogations qui tombaient au fur et à mesure.

Le regard toujours plongé dans celui de son amie, il écoutait attentivement, en sentant vraiment combien la maladie contre laquelle elle se battait de nouveau affectait ses projets futurs. Sasha eut un réel pincement au coeur, car il savait qu’elle ferait ou aurait fait une mère formidable. Il se remémorait de pleins d’instants partagés avec des enfants lorsqu’ils étaient ensemble. Que ça soit lors de déplacements professionnels, personnels, de regroupements amicaux ou familiaux. Elle avait toujours su leur parler, être attentive, douce, drôle, autoritaire quand nécessaire. Et surtout, Sasha savait ô combien ce souhait faisait partie de ceux les plus chers de Anastasia. « Je ne suis peut-être plus la personne la plus à même de te donner mon avis sur ce type de sujet, mais je crois profondément en la médecine et ses progrès. Et je crois encore plus en ta force et combattivité. Ta résilience. Ça peut te paraitre absurde, mais je suis persuadé qu’il ne faut jamais abandonner nos rêves, quels qu’ils soient ». Reprenant sa respiration pour poursuivre ses propos, il se mit sur le côté, tourné vers elle, et d’un ton on ne peut plus sincère, toujours en la regardant droit dans les yeux, il affirma avec persuasion « Tu sais autant que moins qu’il ne faut pas baisser les bras et croire en l’avenir »[/color].
Touché par ce qu’elle venait de déclarer, il s’efforça de croire à une bonne étoile au dessus d’elle. Au destin qui serait de son côté bien qu’il n’était personne pour lui affirmer quelque chose avec certitude. C’était en tout cas ce qu’il lui souhaitait.

A cet instant, il pensait bien entendu à elle, pas une seconde au père éventuel. Juste au souhait de la jolie blonde d’enfanter. Emprunt d’une espèce d’émotion, l’arrivée du personnel de l’hôtel les interrompit. Il se redressa également du lit pour observer la scène et laissa les hommes repartir avant de répondre à Anastasia.  « Je dirais même plus, allons-y ». Sourire retrouvé, il la suivit jusqu’à la terrasse en apportant les verres et la bouteille alors qu’elle se chargeait des amuses-bouche disposés sur le plateau. Tout fut rapidement installé en extérieur. La lune presque pleine alors que la nuit était tombée éclairait  mieux que ce qu’il pensait. Les lumières d’ambiance en dehors du logement ajoutèrent un aspect chaleureux au tout.

Il attrapa un amuse-bouche qu’il porta à ses lèvres en s’asseyant sur le siège à quelques centimètres de la jeune femme. Lui demandant par la simple gestuelle si elle souhaitait un peu de champagne, il ne songea pas dans l’immédiat à la combinaison cachets-alcool. Peut-être qu’elle le ferait ou qu’il y penserait ultérieurement. En attendant, il se servit à son tour un peu en faisant le verre sur la table. Sourire aux coins des lèvres, il termina sa bouchée avant de répondre à la jeune femme. « Tout le monde n’est pas aussi doué que toi avec les petits… ». C’est vrai que lui ne l’était pas. Il se sentait maladroit, gauche et incompétent.
Le grand blond avait toujours affirmé dans le passé ne pas vouloir d’enfant, ou qu’il verrait ‘plus tard’.
Le ‘plus tard’ étant complètement indéfini. Réfléchissant brièvement en regardant le ciel, il répondit alors « ... pour être honnête, j’en sais rien. Je n’y pense pas vraiment car je suis plus concentré sur des projets professionnels et qui plus est, je ne vois pas le temps défiler. Bien que ce n’était pas quelque chose que je projetais depuis ni pendant des années, il m’est arrivé d’y songer. Un peu contraint… ». Sasha n’en dit pas plus sur le coup, car au fil de ses paroles, il se rendait compte de cette nouvelle qu’il avait reçu en début d’année, lorsqu’il avait débarqué en ville. Cette femme qui avait contacté son manager depuis New York déjà et qui voulait l’informer de quelque chose. Le manager de Sasha avait vaguement évoqué quelque chose qui bouleversait la vie du chanteur.

Flashback:

Un peu perdu dans ses pensées en se disant qu’il n’avait rien fait en ce sens cette année, sans doute par peur. Doute. Il y avait quand même cette révélation qu’il ne pouvait éternellement éviter. Quitte à en vérifier la véracité. Il fronça légèrement les sourcils, toujours avec son air penseur et regarda Anastasia. « … excuse-moi, j’étais dans mes pensées. Je n’ai pas du être très clair… mais hum… ». Il ajouta une respiration marquée pour continuer ses propos et répondre la question vis-à-vis de la situation actuelle, à cet instant T.
« J’ai été avec une femme, avant d’arriver à Bishopville. Une relation plutôt brève et qui n’a pas fonctionné. Sans doute qu’elle avait trop d’attentes de ma part. Du moins c’est ce qu’elle m’a dit… En fait, je n’ai jamais réussi à m’attacher à une personne autant que… ».
Il déglutit un peu pour dénouer sa gorge.

Flashback:

En y repensant, personne n’avait fait autant vibrer Sasha que Taz. Son coeur avait été pleinement offert à cette dernière, et elle avait été la seule jusqu’à présent. Il s’en rendait compte encore plus aujourd’hui bien qu’il l’avait toujours su. « … autant que toi. La route n’a jamais été en aussi bonne compagnie qu’avec toi ».
Révélation ou pas, il se livrait un peu. Se sentant peut-être ridicule si elle avait en retour vraiment tourné la page, il se racla la gorge.

Pour changer de sujet en n’osant pas vraiment lui retourner la question, il se leva pour lui approcher le plateau avec les quelques mets. Regardant de plus près la vue sur le lac aux abords du logement, éclairé la la pleine lune, il écoutait aussi les bruits accompagnant la nuit. « Si je n’avais pas déjà pris une douche, j’aurais pu être tenté par un bain de minuit plus tard… ». Il sourit. C’était son chic que de sortir des conneries à faire quand il voulait détourner le sujet. Pas la peine d’en dire plus, on sonna de nouveau pour leur apporter la suite du repas.

« J’y vais » dit-il avant d’aller à la porte récupérer le tout servi sur un grand chariot roulant. Il l’apporta en extérieur en peu de temps. « J’espère que tu as toujours un peu faim… ça a l’air vraiment appétissant ».  Il lui posa le tout sur la table basse devant eux et reprit place. La discussion poursuivit sur des choses et d’autres avant qu’il ne s’intéresse de nouveau à eux, et ce qu’ils étaient. « Dis moi … je me demandais… tu n’as aucun regret vis-à-vis de notre histoire ou… il y a des choses que tu aurais faites différemment si tu pouvais en changer le déroulement » ?